Certains points en rapport avec les investissements méritent encore d'être approfondis. Le grand carénage traduit la vision d'EDF de la prolongation de la durée de vie des centrales. Ces prévisions ne garantissent pas l'acceptation générique et au cas par cas de l'ASN ni, par conséquent, l'émergence de besoins supplémentaires.
Les prévisions d'investissement dans la filière nucléaire intègrent des constantes de temps – huit ans pour un projet de générateur de vapeur ; huit à dix ans pour les moyens de production lourds et de transport. Pour les premiers parcs éoliens offshore, l'appel d'offres a été lancé en 2011 pour une mise en service à partir de 2018. Pour une grand projet de ligne de transport, la durée du projet est également de 8 à 10 ans, en ordre de grandeur. Le besoin d'anticipation industrielle et politique est donc important.
La maturité des technologies et les limites physiques, par exemple des gisements, sont d'autres paramètres qu'il ne faut pas négliger. Pour l'éolien terrestre, qui est la source d'électricité la plus mature et la moins chère, l'augmentation annuelle de capacité, tombée à 800 mégawatts, remonte, et l'on parviendra rapidement à 1 200 mégawatts grâce aux mesures de simplification et de clarification du cadre financier. Toutefois, on plafonnera assez vite autour de 1,5 gigawatt par an, faute de gisements, les meilleurs étant déjà exploités par les premiers parcs éoliens. Il faudra donc attendre l'obsolescence de ce dernier, vers 2025-2030, pour le remplacer par des machines nouvelles. Le rythme de construction de nouveaux EPR se heurtera de la même façon à des limites physiques.
Tout comme la prolongation des centrales, ce temps pourrait permettre d'optimiser et de développer les technologies, y compris de stockage. Pour l'éolien offshore, les deux premiers appels d'offres portaient sur une capacité de production de 3 gigawatts. En 2014, commence la recherche d'un site pour l'implantation d'un nouveau parc pour lequel on espère une diminution des coûts grâce au retour d'expérience. Mais la nouvelle frontière, c'est l'éolien flottant que la régularité des vents rend, selon ses promoteurs, moins cher malgré une plus grande distance de raccordement. Dans quelques années, des fermes pilotes seront installées, suivies par des parcs commerciaux.
Cette dimension temporelle de la transition énergétique, nous avons proposé au ministre de l'appréhender en dotant l'État d'outils adaptés. D'abord, la stratégie nationale bas carbone fixerait pour toutes les énergies et les émissions de gaz à effet de serre des objectifs sur quinze ans, révisés tous les cinq ans, et définirait des politiques publiques consacrées. Ensuite, une programmation pluriannuelle de l'énergie, sur une période de cinq ans, rassemblerait et compléterait les programmations existantes (électricité, gaz, chaleur) mais comporterait aussi des volets relatifs aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique. Notre proposition a été soumise à la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique. Les deux outils envisagés, qui seraient présentés au Parlement et révisés périodiquement – c'est important –, seraient un gage de visibilité pour les pouvoirs publics et les investisseurs.