Intervention de Philippe Deslandes

Réunion du 30 octobre 2012 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Deslandes, président de la Commission nationale du débat public :

Quant à l'acceptabilité du projet, l'ANDRA a déjà installé son laboratoire ; elle a l'habitude des contacts avec la population. Les concertations qui ont déjà été menées étaient sûrement nécessaires, mais le débat public sera plus ouvert. Il faut savoir que chaque débat public est une nouvelle aventure. La seule certitude que nous ayons, c'est que ce débat sera regardé car nous ne sommes pas le seul pays à avoir de tels problèmes de stockage. Cet après-midi, nous recevions dans nos locaux pour la troisième fois une délégation coréenne qui a traduit en coréen toute la partie du code de l'environnement nous concernant et tous nos cahiers méthodologiques.

Le sujet de la fiscalité sera probablement abordé car, dans un débat public, aucune question n'est taboue. Le maître d'ouvrage, l'ANDRA en l'occurrence, y répondra.

Sur la question de faire porter le débat sur le règlement ou sur la loi, il faut savoir que la loi n'est pas encore entrée dans les moeurs. Les conditions qui rendent la saisine obligatoire ont été modifiées en avril dernier sans que la Commission elle-même soit tenue au courant. Nous avons découvert cette information tout à fait par hasard, en septembre dernier, grâce à un stagiaire qui a consulté les textes récents publiés par le ministère de l'Écologie.

Pour le moment, on ne peut pas vraiment parler de concertation car la communication par voie électronique est unilatérale : on peut recueillir des avis mais ceux qui interviennent ne peuvent connaître celui des autres contributeurs. On parle alors de consultation. Mais, dans un débat public, celui qui intervient sur Internet sait ce qui se dit. La concertation est bien réelle.

Nous avons coûté à la nation autour de 1,9 million d'euros l'année dernière. Tous les ans, ce montant baisse un peu. Pour l'instant, ces dotations nous suffisent, mais plus la Commission sera connue, plus elle sera sollicitée, et plus il deviendra difficile de répondre. Force est de constater que les collectivités font davantage appel à nous. Elles nous demandent comment créer leur propre commission de débat public. Il en existe plusieurs en France et nous sommes intervenus en tant qu'appui méthodologique.

S'agissant du jury citoyen auquel la commission particulière avait décidé de faire appel dans le débat sur les nanotechnologies, ses quinze membres avaient été désignés par l'IFOP, pour que toutes les catégories de la population soient représentées. Il s'est réuni pendant plusieurs week-ends à Paris et les questions qu'il a posées étaient assez proches de celles posées lors des réunions publiques. Dès lors, on peut se demander à quoi bon organiser un débat si la consultation d'un échantillon représentatif suffit. Cette méthode est davantage utilisée en Europe du Nord, mais la France est un pays égalitaire et les citoyens ne se sentent pas engagés par un débat auquel ils n'ont pas été conviés. Le président de la commission particulière sur les nanotechnologies avait eu recours à une telle solution pour l'éclairer sur la façon dont conduire le débat et identifier les principales questions qui seraient soulevées. Il s'est trouvé qu'il s'agissait de la santé – va-t-on inhaler ou ingurgiter des nanoparticules ? – avec, en toile de fond, le problème de l'amiante.

Concernant le débat sur la transition énergétique, nous ne connaissons rien d'autre que la feuille de route. Une fois que le président du comité national aura été nommé, nous espérons entrer en contact avec lui rapidement pour lui exposer nos méthodes qui ont maintenant fait leurs preuves.

À propos de l'intervention des experts, je rappelle que la CNDP a pour rôle de faire fonctionner le débat et que, comme nous n'avons pas d'avis à donner, nous n'avons pas besoin d'experts. Au contraire ! Si l'un d'entre eux était nommé membre d'une commission particulière, sa neutralité serait immédiatement mise en cause par le public, et partant celle de la commission. Nous faisons appel à eux pour comprendre le sujet, et nous entendons généralement des avis contradictoires. Les expertises se font à la demande du public et elles sont payées par la CNDP, et non par le porteur de projet. C'est une façon pour nous d'instaurer un peu de confiance.

Les thèses du maître d'ouvrage sont systématiquement mises en cause au début et il faut un peu de temps avant que le dialogue s'instaure et que le débat puisse avoir lieu dans le respect réciproque. La question du financement vient de plus en plus sur la table, et la mise en cause des projets au nom de l'insuffisance des moyens budgétaires. C'est le cas pour RFF, à qui il est demandé pourquoi il porte des projets qu'il n'a pas les moyens de financer. Dans les débats faisant intervenir des sociétés privées – elles peuvent désormais nous saisir –, elles doivent toujours répondre à des questions sur leur motivation, sur l'utilisation des profits qu'elles réaliseront.

Nous n'avons pas de réel besoin de formation, sinon au profit des garants qui risquent d'être plus nombreux. Il arrive à des commissaires enquêteurs de devenir des garants, et il faut qu'ils comprennent qu'ils ne doivent à aucun prix donner leur avis. Les deux rôles ne sont pas les mêmes et il faudra monter des programmes de formation car nous recevons tous les mois des demandes de désignation de garant. Or le vivier n'est pas inépuisable.

Un débat sur les OGM, pourquoi pas ? Pour que nous intervenions, il faut que le projet ait des conséquences sur l'environnement. Ce sera incontestablement le cas. Seule la ministre de l'Écologie, avec le ministre de l'Agriculture, pourra saisir la CNDP d'une demande de débat.

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