Intervention de Philippe Germa

Réunion du 2 avril 2014 à 12h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Philippe Germa :

Cette audition devant l'Assemblée nationale est un honneur et une fierté pour tous les collaborateurs du WWF.

Les écologistes n'ont jamais été favorables au nucléaire et ce pour trois raisons : les accidents, l'aval du cycle et les déchets. Dès les années 1970, nous avons dit que les friches industrielles laissées par les centrales nucléaires seraient contaminées, donc très différentes des autres friches. À cette époque, toutefois, l'impact de l'activité humaine sur l'effet de serre était moins connu qu'aujourd'hui. Nous ne disposions pas des informations catastrophiques fournies les rapports du GIEC (groupe d'experts intergouvernementaux sur l'évolution du climat), notamment par le plus récent.

Par ailleurs, nous ne sommes pas des ingénieurs nucléaires. Nous n'avons pas les connaissances techniques de certains experts entendus par votre commission.

Enfin, si nous ne sommes ni des experts-comptables ni des commissaires aux comptes, nous savons lire. Notre réflexion, engagée dans le cadre du débat sur la transition énergétique, se fonde sur la lecture de différents rapports publics : celui de la Cour des comptes en 2012 – que mon prédécesseur, avec d'autres, avait d'ailleurs demandé –, celui de la CNEF (commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs) et celui de la Nuclear Decommissioning Authority britannique, publiés la même année, ou encore le rapport de la CRE (commission de régulation de l'énergie) en 2013. Elle s'inspire aussi des expériences finlandaise et suédoise.

Or certains chiffres font tourner la tête tant par leur ampleur que par leur imprécision, variant parfois du simple au double ou au triple. Il est très compliqué, dans ces conditions, de se faire une idée. Il revient à votre commission de faire la part des choses et d'en informer la société civile.

Si la sortie du nucléaire est mentionnée dans l'intitulé du fonds que nous proposons, c'est parce que le parc vieillit et qu'il faut penser à son inéluctable démantèlement.

Nous pensons que le coût production de l'électricité nucléaire en France est sous-estimé. « Les charges de démantèlement sont difficiles à estimer faute de précédents », écrit la Cour des comptes, et elles « pourraient augmenter du fait d'une plus grande exigence dans le futur des normes de dépollution des sites ». La CNEF partage cette conclusion, de même que l'Autorité de sûreté nucléaire, qui fait état des « très fortes incertitudes » quant à l'évaluation et à la réévaluation des coûts de démantèlement.

En 2010, année de référence du rapport de la Cour des comptes, les dépenses futures de démantèlement étaient estimées à 79 milliards d'euros en charges brutes, c'est-à-dire en chiffres non actualisés. La Cour relève que cette évaluation est très inférieure à celles qui sont faites à l'étranger. En Grande-Bretagne, les provisions pour démantèlement s'élèvent à 90 milliards non actualisés pour dix-huit réacteurs. L'estimation britannique extrapolée aux cinquante-huit réacteurs français conduit à un chiffre de près de 300 milliards d'euros.

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