Monsieur le directeur général, je vous le dis amicalement, et beaucoup de parlementaires le pensent avec moi, nous aurions aimé découvrir cette nouvelle doctrine de l'APE en primeur plutôt que de l'apprendre dans la presse. Vous n'êtes certes pas personnellement en cause dans cette affaire, mais cela devient une telle habitude qu'au fil des ans, le Parlement se lasse. Cela étant, cette doctrine ne m'a, pour ma part, rien appris que je ne sache déjà.
Je voudrais, comme notre rapporteure générale, vous interroger sur la politique de dividendes de l'État. Sur une même période de dix ans, pendant la crise précisément, la distribution de dividendes a augmenté de 50 % en France alors qu'elle diminuait de 8 % dans des pays voisins. En lisant aujourd'hui Le Canard enchaîné, on comprend en partie pourquoi, y compris chez le président du MEDEF. Il est frappant que ce soit l'État qui ait donné le la en la matière. En exigeant sans cesse un taux de distribution élevé, il a empêché de générer le CAPEX nécessaire – Capital Expenditure : dépenses d'investissement en capital –, notamment dans le secteur des télécommunications. Était-ce là une politique souhaitée par l'APE ou bien une directive de la direction du budget ou de la direction du Trésor ?
Comme j'ai déjà eu l'occasion de m'en entretenir avec vous en privé, monsieur le directeur général, je tiens à vous faire part de mon inquiétude au sujet des administrateurs dits « indépendants ». Je sais ce qu'est un représentant de l'État ou un représentant des actionnaires ; je peux comprendre à la rigueur ce qu'est une personnalité qualifiée. Mais je ne vois pas ce qu'est un administrateur indépendant, voué à ne défendre que les intérêts de l'entreprise, capable, par la grâce de je ne sais quel don ou quelle vertu, d'échapper à toute influence, et in fine responsable devant personne. Je le dis sans détour : ce me semble une méthode choisie par le management pour s'emparer du pouvoir à la place des actionnaires. Nous venons de vivre quelques situations où des actionnaires, pourtant majoritaires, ont été écrasés par des administrateurs indépendants qui ne sont responsables que devant eux-mêmes, jouant tout au plus le montant de leur rémunération. Autant je comprends que l'État souhaite s'entourer de personnalités qualifiées et en ait même besoin, autant je pense que celles-ci doivent lui rendre des comptes. Ce concept d'administrateur indépendant, importé du monde anglo-saxon, me paraît extrêmement dangereux. Il n'aboutit dans les faits qu'à une cooptation et une surcooptation par un petit noyau.
Vous avez rappelé que le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, qui représente le Parlement, était parfois, avec générosité, invité au comité d'investissement de la BPI. Dois-je rappeler que la Caisse détient 50 % du capital total de la BPI, détenu pour l'autre moitié par l'État et que, contrairement à ce que j'ai entendu, dans le pôle investissements de la BPI, le dernier mot revient à la CDC ? Le pacte d'actionnaires est très clair sur le sujet, il ne faudrait pas l'oublier. J'ai bien compris que ma présence au comité d'investissement était diversement appréciée. Pour autant, je tiens à y assister de temps à autre, car j'ai constaté qu'il n'était pas inutile de rappeler qu'il est l'héritier du Fonds stratégique d'investissement qui, comme son nom l'indiquait, avait une dimension stratégique, que la stratégie a son importance et que ne comptent pas seulement les critères inculqués à nos brillants directeurs d'investissement chez Goldman Sachs ou Morgan Stanley.