Intervention de Arnaud Gossement

Réunion du 31 octobre 2012 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Arnaud Gossement :

C'est un grand honneur pour moi, en tant que citoyen et en tant que juriste, d'avoir été invité à m'exprimer devant la représentation nationale. La réforme du code minier est un chantier gigantesque, qui va bien au-delà de la question des hydrocarbures non conventionnels. Quand on sait que cette législation date de 1810, on comprend l'importance de vos travaux, qui s'inscriront dans l'histoire.

Le sujet minier est très vaste. Le rapport que m'avait commandé Mme Nathalie Kosciusko-Morizet ne portait que sur un aspect précis : la participation du public. Parmi tous les principes qu'énonce la Charte de l'environnement – désormais inscrite dans la Constitution et s'appliquant à toutes les branches du droit –, ce n'est pas le principe de précaution (article 5) qui fait couler le plus d'encre aujourd'hui, mais le principe de participation (article 7). L'Assemblée nationale sera d'ailleurs bientôt saisie d'un projet de loi essentiel sur la participation du public et la déclinaison dans l'ordre législatif des exigences de l'article 7. Il m'avait donc été demandé une réflexion juridique personnelle, fondée sur une étude comparative avec les États européens confrontés à des problématiques identiques.

Il faut distinguer le code minier, auquel sont très attachés la haute administration et certains industriels craignant une fragilisation de leur activité, du droit minier, plus large, puisqu'on trouve des dispositions relatives à l'activité des carrières au sein du code de l'environnement. Dans son arrêt Association du quartier « Les hauts de Choiseul » du 19 juillet 2010, le Conseil d'État a rappelé que le principe de précaution ne se cantonne pas au droit de l'environnement : il faut donc soumettre le droit minier aux exigences de la Charte de l'environnement.

D'autre part, il convient de distinguer procédure et décision juridiques. Trop souvent, on complique une procédure d'autorisation dans l'optique de provoquer une décision de rejet. S'il s'agit simplement d'alourdir la procédure minière pour qu'aucun permis exclusif de recherches d'hydrocarbures non conventionnels ne soit délivré, nous n'aurons pas un droit de qualité.

Un enjeu de la réforme minière consisterait à définir un équilibre entre la protection de l'environnement et la sécurité juridique dont ont besoin les industriels, auxquels on ne peut reprendre aujourd'hui le permis délivré la veille. Tous ceux que j'ai rencontrés au cours de mes travaux se sont inquiétés de la conciliation de la protection et de la production. Par ailleurs, c'est en amont, et non en aval, que nous devons ouvrir droit aux exigences d'évaluation environnementale et de participation du public, comme nous y oblige le droit international – notamment la convention d'Aarhus de 1998.

Réformer le code minier, ce ne doit pas être ajouter de nouvelles règles, de nouvelles couches au millefeuille, mais repenser le droit dans l'éclairage de la Charte de l'environnement, le réécrire dans son intégralité. En effet, sa rédaction même laisse à désirer : les articles sont souvent compliqués par de multiples renvois à d'autres dispositions, ce qui rend la lecture fastidieuse. Ce droit minier s'inscrit dans une époque où la fonction de l'État était bien différente de ce qu'elle est aujourd'hui, où les grandes lois de décentralisation n'avaient même pas été envisagées : il faut donc revoir les compétences de l'État, de l'administration et des collectivités. C'est le lien entre droit minier et droit public qui doit être repensé. Le projet de loi sur la participation du public, qui est actuellement discuté au Sénat mais qui ne répond pas à toutes les attentes, pourrait en offrir l'occasion.

Il faut identifier les trois temps qui caractérisent la participation du public. Le premier temps est celui de l'information : c'est sur la base d'une information complète, sincère, solide, vérifiable, que le public peut valablement formuler son avis. Dans l'affaire des gaz de schiste, il a été assez délicat de retrouver, dans le Journal officiel, le texte du titre minier qui suscitait la polémique. En outre, l'information des élus locaux était manifestement déficiente en l'absence de procédures de porter à connaissance.

Le deuxième temps est celui de la concertation. Le Conseil constitutionnel l'a rappelé à plusieurs reprises : le principe de participation ne se limite pas à une simple information du public. Il suppose un dialogue environnemental, esquissé lors du Grenelle de l'environnement et qui, je l'espère, se renforcera à la suite de la conférence environnementale. Il faut bien distinguer les deux moments de la concertation. La concertation directe permet aux citoyens de s'exprimer auprès des autorités administratives chargées de l'instruction des demandes de titres miniers et des autorisations d'ouverture de travaux ; la participation indirecte s'opère par le biais des corps intermédiaires. Cette réforme, en effet, doit aussi penser la place des associations de protection de l'environnement, leur représentativité, leur légitimité, la manière dont elles prennent part au dialogue environnemental.

Le troisième temps est celui de la décision, qui ne doit pas être écrite à l'avance. La procédure vise à éclairer le responsable public. L'autorité administrative n'est pas liée par les observations du public, mais elle doit pouvoir démontrer qu'elle en a tenu compte. Il faudrait, ici, renforcer les motivations des décisions administratives.

Je crois aussi qu'il faut distinguer les domaines législatif et réglementaire. Le code minier, depuis 1956, mélange l'un et l'autre. J'espère que la prochaine réforme de la partie législative du code minier séparera ce qui est de l'ordre des principes, par lesquels le législateur guide l'action de l'administration, de ce qui relève du règlement. J'espère, en particulier, que les amendements n'entreront pas trop dans le détail.

Vous m'avez demandé, monsieur le président, pourquoi je n'ai pas, dans mon rapport, privilégié l'absorption du code minier par le code de l'environnement. Ma lettre de mission ne me demandait pas de réfléchir à la suppression du code minier. J'ai été saisi dans un moment de vive émotion : il n'était pas question d'exacerber les passions. J'ai proposé qu'on réfléchisse à cette question complexe. À titre personnel, j'y suis favorable, je pense même que ce serait dans l'intérêt des industriels. Mais je me suis borné à répondre à la question qui m'était posée : comment revisiter le code minier sur le thème de la participation dans son périmètre actuel.

Je regrette que le décret du 12 octobre 2012, signé par le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères, n'ait pas été précédé de la concertation qui, conformément à l'article 7 de la Charte, accompagne toute décision ayant une incidence sur l'environnement. Ce décret supprime la zone de protection écologique créée en 2003 en Méditerranée, au profit d'une ZEE. L'un des défis de demain sera de développer les énergies marines. Des projets de parcs éoliens en Méditerranée sont à l'étude. Y a-t-il un lien entre cette décision et la demande de renouvellement de permis déposée par la société Melrose ? N'ayant pas accès au dossier, je me garderai de l'affirmer. Ce qui est certain, c'est qu'il y a un lien entre ce décret et toute possibilité d'exploitation en Méditerranée.

J'imagine que nous aurons l'occasion de revenir sur la question des ICPE. Il est faux de penser que l'environnement est absent du code minier, qui contient des dispositions très intéressantes et qui prévoit déjà des procédures de participation du public. Un travail de précision de la procédure minière pourrait se faire dans le cadre de la police des installations classées. Des administrations, des autorités, des institutions existent déjà : je pense au Conseil supérieur des installations classées (CSIC), qui est devenu le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) ; je pense aux conseils de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) qui, dans les départements, animent le dialogue sur les projets d'activité industrielle. On pourrait aussi limiter la création de nouvelles autorités en confiant la régulation juridique de l'activité minière à la police des installations classées.

Enfin, la propriété du sous-sol est un sujet extrêmement complexe. Il peut paraître généreux de rémunérer le propriétaire du sol, pour éviter le sentiment de dépossession qui a entraîné la mobilisation de 2011, mais il faut également éviter d'encourager la spéculation sur les terrains – ce que l'on constate autour de l'éolien en région. Il ne s'agit pas de réfléchir seulement à l'indemnisation, mais à la notion de patrimoine commun.

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