Tout à fait.
Compte tenu des difficultés de financement initiales, la phase 2, qui doit porter sur la fourniture de 163 TWh pendant la même période, est en suspens depuis le démarrage de la phase 1. Elle n'a pas encore été relancée. À la fin de l'année 2013, Exeltium a livré au total 25 TWh à une centaine d'usines appartenant à ses vingt-six actionnaires-clients, soit 7,4 TWh en rythme annuel. Ce volume représente entre le tiers et la moitié des besoins des sites concernés.
J'en viens à la philosophie du projet Exeltium. Historiquement, la production électrique et les usines électro-intensives se sont développées en symbiose : les usines se sont implantées à côté des moyens de production existants ou des gisements d'énergie à exploiter, notamment dans les vallées alpines et pyrénéennes. Ainsi, avant la nationalisation de 1946, de nombreux industriels possédaient leurs propres centrales et s'approvisionnaient ainsi à prix coûtant. Après la nationalisation, pour compenser la perte de ces centrales, des tarifs spécifiques ont été mis en place. Prévus pour une longue période, ils sont arrivés à échéance récemment.
Aujourd'hui, alors que la possession de centrales par les industriels électro-intensifs eux-mêmes est révolue en France, les pays qui disposent d'une production électrique compétitive, souvent issue de ressources locales, s'appuient sur ces spécificités pour développer des dispositifs favorables aux industries électro-intensives – l'hydroélectricité au Québec, aux États-Unis, au Brésil, en Norvège et en Russie ; le gaz dans les pays du Golfe ; le charbon en Chine. Telle est également la philosophie du projet Exeltium : s'appuyer sur la spécificité française de notre parc nucléaire historique pour donner aux industries électro-intensives implantées dans notre pays un accès à l'électricité, dans le cadre d'un partenariat associant ces industriels à certains risques d'exploitation – disponibilité et capacité installée du parc –, ainsi qu'au développement de nouvelles capacités, qui devaient être à l'époque une petite série d'EPR.
Comment Exeltium fonctionne-t-il concrètement ? Le consortium se doit de fournir à ses actionnaires-clients de l'électricité à un prix compétitif et prévisible pendant vingt-quatre ans. Il acquiert cette électricité auprès d'EDF sous la forme de plusieurs rubans en « take or pay » – c'est-à-dire d'enlèvements constants – d'une durée de quinze à vingt-quatre ans. En contrepartie, Exeltium a versé à EDF au début du contrat, en mai 2010, une prime fixe initiale, dite « avance en tête », d'un montant de 1,75 milliard d'euros, financée à 90 % par de la dette et à 10 % par les fonds propres apportés par les actionnaires-clients. D'autre part, au fur et à mesure de la livraison d'électricité, Exeltium règle à EDF un prix d'enlèvement proportionnel. Le prix de l'électricité vendue par Exeltium à ses actionnaires-clients est donc constitué principalement de deux composantes : la première vise à rembourser la dette contractée pour payer l'avance en tête à EDF ; la seconde couvre la part proportionnelle du prix négocié avec EDF.
L'intérêt du montage Exeltium est de faire bénéficier les industries électro-intensives de la compétitivité du parc nucléaire historique. En outre, la forte part de dette pour financer l'avance en tête et la déconsolidation de cette dette leur permet de tirer parti d'un effet de levier important, résultant du différentiel entre le coût de la dette d'Exeltium, d'une part, et le coût moyen pondéré du capital d'un producteur d'électricité, d'autre part. Cet effet de levier assure à Exeltium une compétitivité à long terme.
La mise en place d'Exeltium, je le souligne, est un acte volontariste inédit : des groupes mondiaux ont investi 1,75 milliard d'euros en France pour assurer pendant plus de vingt ans la fourniture électrique d'une centaine d'usines, qui emploient 60 000 personnes. C'est un engagement fort en faveur du développement industriel.
Quel peut être l'avenir d'Exeltium à court et moyen terme ? Depuis le démarrage d'Exeltium en 2010, le contexte énergétique a considérablement évolué, tant en France qu'à l'échelle européenne et mondiale. En France, l'ARENH a été mis en place en juillet 2011, avec un prix de 40 euros par mégawattheure (MWh), puis de à 42 euros dès janvier 2012, reflétant en principe le coût de la production du parc nucléaire historique. Le coût total d'Exeltium pour ses actionnaires-clients revient, quant à lui, à environ 50 euros par MWh en 2014. Ce montant inclut différents éléments : le prix contractuel de l'électricité vendue par Exeltium à ses clients ; une provision liée au surcoût du futur EPR de Flamanville versée par les clients, qui découle du partage des risques avec EDF dans le cadre du contrat de partenariat que j'ai évoqué précédemment ; le coût pour les actionnaires de la non-rémunération par Exeltium des fonds propres qu'ils ont apportés. Le principe du montage est, en effet, que tous les éléments doivent être répercutés dans le prix et qu'il n'y ait aucun versement de dividendes.
Or le recours à l'ARENH est moins risqué et ne nécessite aucun apport en capital. En outre, la loi NOME limite l'accès à ce dispositif pour les actionnaires d'Exeltium : elle les oblige à consommer toute l'électricité achetée auprès d'Exeltium avant d'acquérir des quantités dans le cadre de l'ARENH, ce qui crée une réelle distorsion de traitement. Par ailleurs, le prix d'Exeltium reflète pour partie un développement du parc fondé sur la construction d'une petite série d'EPR. L'abandon tacite de cette option au profit d'une prolongation du parc existant, moins coûteuse, handicape donc Exeltium. Enfin, plusieurs décisions vont aggraver directement la dégradation de la compétitivité d'Exeltium : d'une part, la diminution annoncée de la capacité du parc nucléaire historique ; d'autre part, la modification, dès 2015, des règles fiscales applicables aux projets de cette nature, en particulier la fin de la déductibilité totale des intérêts d'emprunt.
Dans le même temps, au-delà de nos frontières, l'évolution du contexte concurrentiel est considérable : les prix du gaz nord-américain, deux à trois fois inférieurs aux prix européens, permettent de produire une électricité à un prix bien moindre qu'en Europe.