Oui.
Grâce à son charbon, la Chine peut, elle aussi, développer d'importantes capacités électro-intensives dans d'excellentes conditions de compétitivité. Par ailleurs, en Europe – tout au moins hors de la France, où le prix de l'ARENH semble constituer à court terme un « plancher de verre » – plusieurs facteurs contribuent également à la faiblesse des prix de marché de l'électricité : une demande atone du fait de la crise ; la baisse du prix du charbon américain importé, induite par l'exploitation du gaz de schiste, qui permet un regain de compétitivité des parcs de centrales au charbon, dans un contexte de bas prix du dioxyde de carbone ; le fort développement de nouvelles capacités de production d'origine renouvelable, qui amènent des quantités toujours plus importantes d'électricité sur le marché.
Nous assistons ainsi à une inversion complète du rapport entre la France et l'Allemagne en matière de compétitivité des prix de l'électricité : alors que, en 2009, les prix de marché en Allemagne étaient supérieurs au TaRTAM de 30 euros par MWh, ils seront de 35 euros par MWh environ en 2015, à comparer aux 42 euros de l'ARENH et aux 50 euros d'Exeltium.
Enfin, de nombreux États ont mis en place des dispositifs spécifiques permettant d'abaisser encore le montant de la facture pour les industries électro-intensives. Des contrats de long terme à des tarifs très favorables ont été mis en place aux États-Unis et au Canada. D'autres pays, telle l'Allemagne, ont adopté un panel de mesures portant sur diverses composantes du coût de l'électricité : larges exonérations du coût de son transport, lequel représente en moyenne 6 euros par MWh pour les industries électro-intensives françaises ; compensation du coût des émissions indirectes de dioxyde de carbone, soit un peu plus de 3 euros par MWh ; rémunération élevée de l'effacement et de l'interruptibilité. Au total, en 2015, les grandes industries électro-intensives acquitteront en Allemagne une facture inférieure de 35 % à celle qu'elles paieront en France, tout en consommant une électricité plus carbonée.
Dans ces conditions, refonder la compétitivité à court-moyen terme du dispositif Exeltium est devenu une urgence industrielle, en particulier pour certains sites directement menacés à brève échéance. Nous menons, depuis quelques mois, des discussions avec EDF sur un certain nombre d'améliorations. L'objectif est d'adapter ce contrat privé, qui offre certes une compétitivité et une prévisibilité à long terme, aux évolutions violentes du contexte immédiat : compte tenu de la situation économique des industries électro-intensives en France, le long terme apparaît bien lointain, alors que la question posée à court terme peut être celle de la survie !
La solution en négociation consiste à sécuriser une baisse du prix pour les prochaines années et à introduire dans le contrat une souplesse qui permette de l'adapter aux aléas futurs de l'environnement économique. Pour simplifier, il s'agit de créer un « tunnel » autour du prix actuel, avec une modulation à la baisse, dans une certaine limite, lorsque le contexte est déprimé, et une modulation à la hausse, également dans une certaine limite, lorsque la situation économique est plus favorable et que les prix de l'électricité sont revenus à la « normale ». Les discussions avec EDF portent également sur une limitation plus stricte de l'impact pour Exeltium de la matérialisation des risques partagés avec EDF dans le cadre du contrat de partenariat.
Si, comme je l'espère, ces discussions aboutissent rapidement, la philosophie du contrat, validée à l'origine par la Commission européenne, ne sera pas modifiée : il s'agira toujours d'offrir une visibilité à long terme aux industries électro-intensives avec un prix compétitif sur l'ensemble de la période considérée, tout en permettant au producteur de couvrir ses coûts dans la durée. La variabilité introduite devrait permettre d'amortir les soubresauts du contexte économique et concurrentiel, sans remettre en cause l'économie générale du dispositif. Le schéma ainsi redéfini serait donc robuste, tant du point de vue économique que juridique.
En conclusion, malgré les difficultés apparues ces dernières années, Exeltium est un bon dispositif, qui renforce la compétitivité des industries électro-intensives et leur donne de la visibilité. Ce sont là deux éléments prioritaires pour elles. Les correctifs envisagés devraient apporter à Exeltium la souplesse qui lui manquait sans doute à l'origine et lui permettre de s'adapter aux aléas de la conjoncture.
Cependant, le prix de l'électricité n'est qu'une des composantes de la facture des industries électro-intensives. Dans ce contexte, il est essentiel que les réflexions engagées depuis deux ans aboutissent. Il conviendrait notamment de fixer une rémunération attractive des effacements et de l'interruptibilité industriels, en échange du service économique rendu par les grands consommateurs de base à l'équilibre du système électrique. Il apparaît également nécessaire de créer un dispositif ad hoc pour prendre en charge une partie du coût du transport ; là encore, la consommation en base profite à l'équilibre du réseau, sans exiger le surdimensionnement qu'impliquent des consommations plus fluctuantes. S'agissant de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), il est important de maintenir des plafonds adaptés aux industries électro-intensives et conformes aux lignes directrices de la Commission européenne. Enfin, d'une manière générale, il faut éviter que les modifications successives du régime fiscal applicable à des projets tels qu'Exeltium ne viennent compromettre leur équilibre économique délicat.