Intervention de Christian Leyrit

Réunion du 6 mai 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Christian Leyrit, président de la Commission nationale du débat public, CNDP :

Je suis heureux de me trouver de nouveau devant la Commission du développement durable, un peu plus d'un an après avoir été auditionné en vue de ma nomination à la présidence de la CNDP. Je profite de cette occasion pour vous remercier de votre confiance.

Le premier thème à l'ordre du jour est le débat public sur le projet Cigéo. La loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs du 28 juin 2006 a imposé que la demande d'autorisation de création du centre de stockage de Bure – dont le maître d'ouvrage est l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) – soit précédée d'un débat public. Celui-ci a été organisé du 15 mai au 31 juillet 2013.

Le projet de centre Cigéo a pour objet de stocker les déchets radioactifs français de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL), qui ne représentent que 3 % du volume des déchets radioactifs existants, mais concentrent plus de 99 % de la radioactivité totale.

Comme vous le savez, il y a eu un désaccord sur le calendrier. Quarante-quatre associations, rejointes par le parti Europe Écologie-Les Verts, ont écrit au Président de la République pour demander le report du débat public après la loi de programmation sur la transition énergétique. Le débat a démarré en dépit de l'opposition de ces quarante-quatre associations, qui n'y ont donc pas participé. Ce dernier s'est déroulé dans des conditions difficiles : les réunions publiques de Bure et de Bar-le-Duc ont été perturbées par quelques dizaines d'opposants, qui ont empêché la vice-présidente d'Europe Écologie-Les Verts du conseil régional de Champagne-Ardenne de s'exprimer, alors même qu'elle souhaitait manifester son opposition au projet.

On peut regretter que les réunions publiques n'aient pu se tenir. Pour que le débat puisse tout de même avoir lieu, la CNDP a redéployé le mode d'expression des citoyens. Elle a organisé neuf débats contradictoires interactifs sur internet, sur les différents thèmes concernant le projet. Elle a également mis en oeuvre un partenariat avec la presse régionale, qui s'est traduit par une édition de neuf pages dans le Journal de la Haute-Marne et L'Est Républicain. Enfin, elle a organisé une conférence de citoyens. Ce dispositif très pratiqué dans les pays nordiques, en particulier au Danemark, est assez peu utilisé en France – c'est la seconde fois, depuis sa création, que la CNDP y avait recours. Dix-sept citoyens, dont une quasi-majorité était issue des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, ont suivi durant deux week-ends une formation reflétant la diversité des positions. Ils ont consacré un troisième week-end à l'audition de vingt-six personnalités, dont M. Denis Baupin, Mme Corinne Lepage et M. Jean-Louis Dumont, député de la Meuse et favorable au projet, ainsi que de médias et d'experts de la sûreté nucléaire.

Fait notable, la conférence de citoyens a rédigé une note de dix pages, adoptée à l'unanimité, qui a « bluffé » les experts de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ce document est disponible sur le site internet de la CNDP, www.debatpublic.fr. L'expérience a donc montré que sur ce sujet complexe, qui engage notre pays pour des générations, des citoyens « naïfs » – c'est-à-dire n'ayant aucune compétence sur le sujet – sont capables, pour peu qu'ils soient bien formés, d'exprimer un point de vue tout à fait digne d'intérêt, y compris aux yeux des experts. L'avis de ces citoyens est d'ailleurs assez proche du bilan que j'ai moi-même rédigé à l'issue du débat public. Cela ne signifie pas que les conférences de citoyens doivent remplacer celui-ci, mais c'est un élément encourageant sur la capacité des citoyens à s'exprimer sur les sujets les plus complexes – pour peu qu'ils soient correctement informés et formés.

Les vidéos des formations sont disponibles sur notre site, de même que le rapport du comité d'évaluation de la conférence de citoyens, composé de trois scientifiques – deux Français et un Italien –, qui a assisté à l'ensemble du processus d'échange et s'est exprimé sur la manière dont celui-ci avait conduit la conférence de citoyens à formuler un avis adopté à l'unanimité. Bien entendu, cette démarche implique une grande rigueur non seulement dans la constitution du panel, mais également dans la formation de ses membres. Malgré l'absence de réunions publiques, le débat public a été extrêmement riche.

Faut-il s'engager dans le projet d'un stockage profond ? Le clivage entre les tenants de cette solution – l'ensemble des responsables politiques et associatifs, à l'exception des groupes Europe Écologie-Les Verts des conseils régionaux de Champagne-Ardenne et de Lorraine, du parti communiste de la Meuse et des élus de gauche du conseil général – et ceux qui s'y opposent est très marqué.

Quels types de déchets seraient pris en charge par Cigéo ? Le public a exprimé des préoccupations quant au plutonium et au MOX qui pourraient y être stockés. L'éventualité du stockage des combustibles MOX dépendra évidemment de la politique énergétique mise en oeuvre par la France dans le futur.

L'éthique a traversé l'ensemble du débat. Quel héritage laisserons-nous aux générations futures ? Entre des participants que tout oppose quant au devenir du projet, il ressort un consensus unique sur l'exigence éthique : les générations actuelles ont bénéficié, grâce au nucléaire, d'une électricité peu chère ; elles n'ont pas le droit de laisser aux générations futures la charge de gérer les déchets résultant de cette production. Mais ce consensus vole en éclats sur les conséquences à en tirer selon que l'on est ou non favorable au projet. Certains estiment que ce qui serait éthique dans la gestion des déchets radioactifs serait de ne plus en produire. Le débat est finalement le suivant : pour les centaines de générations à venir, est-il préférable de faire confiance à l'homme ou bien à la géologie ?

Un autre thème de réflexion – que je ne développerai pas – concerne l'entretien de la mémoire du site.

L'éthique et l'accompagnement financier du territoire sont des points importants. Les responsables politiques et économiques des deux départements considèrent que l'acceptation de cet ouvrage utile à notre pays appelle légitimement des contreparties pour les territoires concernés. Inversement, de nombreux participants au débat stigmatisent cet accompagnement financier comme un moyen « d'acheter » l'acceptation des élus et des populations.

Certains formulent aussi des doutes sur l'indépendance de la recherche et des organismes de contrôle. Il me semble donc nécessaire de retrouver une confiance mutuelle – qui fait aujourd'hui largement défaut – entre la population, les experts scientifiques et les décideurs.

De nombreuses questions portent sur la maîtrise des risques. Je dois dire que dans le cas de Cigéo, la polarisation entre « pro » et « anti » empêche la mise à plat des analyses de risque et une approche raisonnable et pluraliste.

De nombreuses questions évoquent le passage d'un laboratoire de modélisation à une activité industrielle, avec la nécessité de réaliser un prototype ou un démonstrateur. Cette étape comprendrait deux phases : une première avec réception de faux colis, destinée à tester la manutention, le comportement de la roche ou la ventilation, et une seconde avec de vrais colis, permettant de tester leur mise en place et leur récupérabilité. Je rappelle que le Parlement a insisté sur la notion de réversibilité, qui implique la récupérabilité des colis. Cette question est donc centrale.

La sécurité des transports est un autre enjeu important.

Les coûts et les financements restent de grandes inconnues. Au moment du lancement du débat, la CNDP avait demandé à disposer d'éléments sur les coûts du projet. La Cour des comptes a également souhaité que les coûts soient arrêtés par l'État avant le débat public. Force est de constater que celui-ci s'est déroulé sans que nous disposions de la moindre information sur les coûts. Comme de nombreux citoyens et experts, la CNDP ne peut que le regretter.

Quels impacts pour le territoire ? Le choix du site de Bure résulte d'un long processus, que certains d'entre vous connaissent bien. Les mesures pour le développement et l'aménagement du territoire ont fait l'objet d'un grand nombre de cahiers d'acteur et ont nourri le débat contradictoire du 30 octobre 2013. Les perspectives de créations d'emplois pour la construction et l'exploitation des installations ont été largement évoquées par les participants, comme les effets sur l'agriculture et l'image du territoire.

Des questions se posent aussi sur la réforme de la gouvernance. Nombre de citoyens expriment leur méfiance à l'égard du processus de décision. Le débat a illustré la perte de confiance entre, d'une part, la population, et, de l'autre, la maîtrise d'ouvrage, les acteurs du projet, les scientifiques et les organisateurs du débat. Cela trahit une inquiétude quant au contrôle de l'ANDRA, une incrédulité face aux données et études scientifiques et une désillusion dans le processus démocratique.

Au terme de ce débat, je souhaite faire part de mes conclusions et formuler quelques propositions.

Le débat a été difficile, mais très riche. De nombreux avis ont été exprimés : 154 cahiers d'acteur ont été reçus ; une dizaine de milliers de personnes ont suivi les débats interactifs sur Internet ; le site Internet a enregistré près de 1 500 questions. On peut bien sûr regretter que les réunions publiques n'aient pu se tenir ; mais le sentiment d'être impuissant, voire méprisé, va bien au-delà des poignées d'opposants qui ont empêché le débat. L'attribution des marchés par l'ANDRA en plein débat public, comme si tout était déjà décidé, a été particulièrement dommageable. J'ai exprimé ce point de vue à plusieurs reprises à la directrice de l'ANDRA. Cela a renforcé le sentiment – déjà fort répandu dans la population – que les opinions exprimées par le citoyen étaient de peu d'importance et que tout allait se poursuivre dans la hâte et la précipitation – hypothèse aujourd'hui rejetée par la quasi-totalité des citoyens et même par des responsables de l'IRSN et de l'ASN, y compris les plus favorables au projet. Les opposants au projet ont considéré que le débat public était un débat « bidon » et que les décisions étaient déjà prises.

Pour que le projet se réalise, il est urgent de restaurer un climat de plus grande confiance entre les citoyens, les experts, la maîtrise d'ouvrage et les pouvoirs publics, faute de quoi nous aboutirons aux mêmes blocages que sur des sujets autrement moins sensibles.

Il est primordial que le maître d'ouvrage et les pouvoirs publics entendent les nombreuses interpellations des citoyens exprimées au cours de ce débat. La mise en oeuvre du projet – ou de tout autre projet alternatif – implique un impératif de vérité, un impératif de responsabilité et un impératif de précaution.

De nombreuses personnes, ainsi d'ailleurs que l'IRSN – qui l'a reconnu sans ambiguïté devant les citoyens – considèrent que le calendrier de déploiement du projet prévu par la loi de 2006 est beaucoup trop tendu, et que des preuves supplémentaires doivent être apportées sur la sécurité du projet. Il convient donc d'allonger les délais prévus à l'origine.

L'idée d'un nouveau jalonnement du projet, intégrant une étape de stockage « pilote », constituerait une avancée significative. Cette étape permettrait notamment de garantir la capacité à maîtriser les risques, étant entendu que si la démonstration ne pouvait être apportée, un retour en arrière devrait être possible. Ce n'est qu'à l'issue de cette étape que la décision de poursuivre la construction du centre de stockage et de procéder à son exploitation courante pourrait être prise – et non au stade de la demande d'autorisation de création. Un dispositif législatif et réglementaire spécifique devrait donc accompagner ce nouveau jalonnement.

Par ailleurs, le projet du ministère de l'écologie d'intégrer la question de la réversibilité du stockage dans le projet de loi de programmation sur la transition énergétique a pu donner le sentiment d'une accélération du processus en contradiction avec l'objectif largement partagé de desserrer le calendrier.

L'inventaire des déchets pouvant être accueillis dans Cigéo a fait l'objet de nombreux commentaires au cours du débat. C'est en particulier vrai pour les combustibles usés, qui se trouvent aujourd'hui exclus du périmètre du fait de leur statut de matière valorisable. Ce choix pourrait être remis en cause demain en fonction de l'évolution de la politique énergétique de notre pays. Il est donc important que la démonstration complémentaire de la faisabilité du stockage de nouveaux combustibles accompagne, le moment venu, la demande d'autorisation de création de Cigéo.

Dans l'examen des déchets pouvant être stockés, une attention particulière doit être apportée au risque incendie. La probabilité qu'en cent ans plusieurs risques, dysfonctionnements ou erreurs humaines interviennent simultanément ne doit pas être négligée. Je rappellerai ici l'exemple de la catastrophe du tunnel du Mont Blanc, qui a été provoquée par des phénomènes simultanés – et imprévisibles – sur une route considérée à l'époque comme l'une des plus sûres de France.

Un autre point me paraît fondamental. Sans remettre en cause la probité des différents acteurs dans l'exercice de leurs missions, il faut noter que la demande de la société reste forte envers les preuves d'indépendance de l'expertise vis-à-vis du maître d'ouvrage. Les propositions émises sur ce point, à l'issue du débat public de 2005, en faveur de la construction d'une expertise plurielle ayant les moyens de jouer son rôle restent pleinement d'actualité. Des efforts ont été engagés, notamment par l'IRSN, pour rendre accessible à la compréhension du public l'ensemble des travaux de recherche et d'expertise, par nature complexes ; ils doivent être poursuivis, et même amplifiés. Les sujets qui apparaissent essentiels pour la sécurité du projet, qu'ils soient soulevés par les experts publics, privés ou issus de la société civile, doivent être débattus avec l'ensemble des acteurs concernés et en toute transparence.

Au-delà du dispositif institutionnel, qui est impressionnant – ASN, IRSN, comités locaux d'information et de suivi (CLIS), Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI), Commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs (CNE), Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) – , il est nécessaire de renouveler la gouvernance et de faire appel à des experts indépendants, français ou étrangers, pour conduire des études approfondies. Cela pourrait se faire dans le cadre du CLIS et de l'ANCCLI, à condition d'accroître leurs moyens financiers. Sans une expertise plus pluraliste, il sera difficile de retrouver la confiance.

Un autre progrès consisterait à ce que les instances de contrôle et de décision auditionnent les associations locales. Le président de l'ASN est ouvert à cette idée. Ces auditions pourraient d'ailleurs être publiques.

Enfin, il est indispensable d'apporter au public des informations sur les financements et les coûts, en intégrant les coûts relatifs à la réversibilité. Si quelques esquisses ont été ébauchées, elles datent des années 2005-2006, avant que le législateur n'affirme le principe de réversibilité, qui est un élément fondamental pour la poursuite du projet.

Voilà donc pour le bilan du débat public sur le projet Cigéo.

J'en viens à la réforme de la CNDP. Il est nécessaire de faire évoluer le débat public pour faire en sorte que le citoyen retrouve confiance dans les institutions et la parole publique. À l'heure d'Internet et des réseaux sociaux, toutes les pratiques d'information et d'expression sont bouleversées. Dans ce contexte, les citoyens souhaitent de plus en plus participer directement aux décisions publiques. Mieux associer le citoyen, démocratiser et légitimer ces décisions sont désormais de véritables enjeux.

Avec l'approbation de la CNDP, j'ai donc proposé vingt-et-un chantiers pour rénover le débat public.

Le premier objectif est d'affirmer l'indépendance de la CNDP vis-à-vis des maîtres d'ouvrage et de réduire les coûts. Actuellement et à la différence d'autres pays, ce sont les maîtres d'ouvrage qui saisissent la CNDP. Les personnes qu'elle désigne pour conduire le débat sont indemnisées par la CNDP, mais le secrétaire général du débat est un salarié du maître d'ouvrage. Pour le débat sur Cigéo, il s'agissait donc d'un employé de l'ANDRA, ce qui, dans le contexte polémique de ce débat, n'était guère crédible aux yeux des opposants. De même, les garants nommés par la CNDP sont rémunérés non par celle-ci, mais par le maître d'ouvrage. C'est à tout le moins une anomalie. Je propose donc que les maîtres d'ouvrage financent un fonds de concours, et que la CNDP lance elle-même les appels d'offres – ce qui serait aussi un facteur de réduction des coûts. Il me semble également souhaitable de développer la contre-expertise. Il est bien sûr légitime que les maîtres d'ouvrage présentent leur projet, mais il est aussi nécessaire qu'un autre regard soit porté sur celui-ci. Pour prendre un exemple, l'évaluation des perspectives de trafic est un sujet récurrent dans les projets autoroutiers ou ferroviaires. Le citoyen se demande sur quelle base l'État ou RFF ont établi leurs prévisions et si elles ne sont pas surestimées. Il importe donc qu'un regard différent puisse être porté sur les projets.

Deuxième objectif : garantir la neutralité et l'impartialité des commissions particulières du débat public (CPDP) et diversifier et former les équipes. La CNDP doit être à équidistance des citoyens et du maître d'ouvrage. Pour cela, il convient d'améliorer le mode de sélection des membres des CPDP, en constituant un vivier de recrutement suffisamment large, et de les former. Nous avons eu quelques déboires à ce sujet, notamment sur le projet Cigéo. Je rappelle qu'à l'inverse de ce qui se passe par exemple au Canada, la CNDP ne donne pas d'avis sur les projets : son rôle se borne à garantir que les citoyens puissent s'exprimer et être entendus. Un président de commission avait laissé entendre dans la presse, avant le lancement d'un débat public, qu'il avait un point de vue sur le projet. Je n'ai pas voulu qu'il mène le débat. Pour redonner du crédit aux CPDP, nous devons être intransigeants sur cette neutralité et cette impartialité. Le débat public se distingue de la concertation organisée par le maître d'ouvrage. Celle-ci est légitime, et les citoyens savent que le maître d'ouvrage va défendre son projet. Mais le débat public doit être confié à un tiers qui n'est pas partie prenante au projet.

Par ailleurs, l'indemnisation des membres des CPDP est très faible. Pour un travail – à mi-temps ou tiers-temps – d'environ un an sur le projet, elle est plafonnée à 6 800 euros bruts et à 9 000 euros pour le président. Ces montants sont difficilement compatibles avec la nécessité de rajeunir et de dynamiser ces commissions.

Troisième objectif : diversifier les modes d'expression du public. Le débat public ne se limite pas aux réunions publiques, dont les participants sont souvent âgés, en majorité masculins et issus des catégories socioprofessionnelles supérieures. Avec Mme Monnoyer-Smith, universitaire spécialiste de ce domaine, nous entendons développer Internet et les réseaux sociaux et aller chercher les citoyens là où ils sont, en organisant des débats mobiles dans les gares, les lycées ou encore les universités.

Il convient aussi de mettre en oeuvre des méthodes d'évaluation du débat public, afin de s'assurer que celui-ci permette de connaître le point de vue de tous.

Quatrième objectif : développer les échanges et les partenariats avec les collectivités, les syndicats, le patronat et les organisations non gouvernementales (ONG) pour renforcer la culture du débat public. Cela passe par une coopération approfondie avec les grandes collectivités – régions, départements, communautés d'agglomération, grandes villes. Nous proposons aussi de recruter des « ambassadeurs » du débat public, c'est-à-dire des personnalités d'horizons différents, leaders d'opinion dans leur domaine, qui pourraient « vendre » l'idée que le point de vue des citoyens doit être entendu plus qu'il ne l'est aujourd'hui.

Cinquième objectif : développer les échanges et les coopérations à l'international, en créant un « club Aarhus » – nous rencontrons le président de la Convention d'Aarhus dans quelques jours.

Sixième objectif : développer une action de sensibilisation à la participation du public dans les grandes écoles, en direction des futurs managers du public et du privé, qui seront de plus en plus confrontés au dialogue direct avec le public et à la gestion de crise. La directrice de l'École nationale d'administration (ENA) est d'ailleurs déjà sensibilisée à ce thème.

Septième objectif : renforcer la visibilité et l'image de la CNDP. Nous organisons les 16 et 17 juin prochains, sous le patronage du Président de la République, un colloque international, parrainé par les présidents des deux assemblées et le président de la Convention d'Aarhus, sur le thème : « Le citoyen et la décision publique : enjeux de légitimité et d'efficacité ». Nous y attendons de nombreux responsables français et étrangers, qui dialogueront avec des citoyens. Pour préparer ce colloque, nous avons lancé une enquête d'opinion qualitative et quantitative, de manière à pouvoir éclairer l'ensemble des acteurs, notamment les décideurs politiques, sur les évolutions nécessaires.

Huitième et dernier objectif : proposer des évolutions relatives aux missions et au champ d'action de la CNDP. Nous souhaitons élargir la capacité d'intervention de celle-ci après un débat public jusqu'à l'enquête publique. La concertation est un continuum. Prenons l'exemple de Notre-Dame-des-Landes : le projet a fait l'objet d'un débat public en 2003, d'une enquête publique en 2008, d'une procédure d'enquête européenne en 2013. L'idée serait donc que la CNDP puisse intervenir tout au long du processus. Même si chaque étape se déroule bien, cela peut poser problème s'il ne se passe rien entre plusieurs d'entre elles qui sont espacées de cinq ou dix ans. Nous proposons aussi d'étendre le champ d'action de la CNDP aux grands projets d'aménagement : c'est un point capital à nos yeux. Aujourd'hui, la CNDP est saisie par les maîtres d'ouvrage. Nous avons organisé il y a peu un débat sur le grand stade de rugby de Ris-Orangis, dans l'Essonne ; nous allons en organiser un autre sur un projet du groupe Auchan, d'un montant de 2 milliards d'euros, à Gonesse, dans le Val d'Oise. Ces grands projets d'aménagement suscitent des questions des citoyens sur les transports, par exemple. Le débat public doit donc porter sur les projets d'aménagement de manière globale – cela permettrait de mieux coordonner leurs différents éléments. L'aménagement du plateau de Saclay n'a jamais été soumis à un débat public ; mais pour transférer l'École centrale à Saclay, le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur doit saisir la CNDP. Comment envisager un débat public sur ce transfert alors que l'aménagement du plateau de Saclay n'a jamais fait l'objet d'un débat ?

Vous connaissez tous le schéma national des infrastructures de transport (SNIT). En Allemagne, les grands schémas de transports sont soumis aux citoyens. Rien de tel en France. Le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) est, certes, soumis à une concertation et à des enquêtes publiques ; mais il ne donne pas lieu à débat public sur les grands choix et les grandes options en amont. Je fais le pari que si les citoyens pouvaient s'exprimer sur les schémas de desserte des TGV, qui sont décidés par le Gouvernement en liaison avec les grands acteurs régionaux, les décisions prises seraient différentes de celles auxquelles nous assistons.

Les conférences de citoyens sont un outil très pertinent, à condition de suivre une méthodologie et d'être d'une extrême rigueur – sans quoi, c'est la porte ouverte à toutes les dérives. Nous évoquerons, lors du colloque de juin, une proposition formulée par un universitaire il y a quelques années, consistant à confier à une instance nationale le soin d'organiser l'ensemble des conférences de citoyens.

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