Intervention de Christine Passagne

Réunion du 30 avril 2014 à 16h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Christine Passagne, conseillère technique au Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles, CNIDFF :

Le CNIDFF est favorable à la substance même de cette proposition de loi, qui prône l'égalité entre les pères et les mères.

En revanche, il a relevé d'emblée l'absence de garde-fous en ce qui concerne les violences au sein du couple, à l'exclusion de l'article 4, qui traite du changement de résidence et prévoit une exception à l'obligation d'accord de l'autre parent lorsque ce dernier a été condamné pour des faits de violence à l'encontre de celui qui déménage. Cette exception est insuffisante : elle ne devrait pas se limiter à l'article 4. Les rapporteurs du texte estiment qu'il n'est pas possible de prévoir une exception pour chaque dispositif, mais qu'un « chapeau » général d'exception en cas de violence pourrait à la rigueur être envisagé.

Quel que soit le cas de figure, la rédaction retenue pour l'article 4 – qui dispose que « l'accord de l'autre parent n'est pas requis lorsque celui-ci a été condamné soit comme auteur, coauteur ou complice d'un crime ou délit sur la personne du parent qui souhaite changer la résidence ou l'établissement scolaire de l'enfant » – n'est pas satisfaisante, en particulier s'agissant du changement de résidence, qui se fait généralement dans l'urgence, face à un danger. Les mots « a été condamné » pourraient être compris comme faisant référence à une condamnation définitive, sachant que celle-ci peut intervenir des années après les faits. Mieux vaudrait les remplacer par les mots « lorsqu'une ordonnance de protection a déjà été prononcée ».

Il est difficile de trouver une terminologie précise sur laquelle fonder cette exclusion. Nous pourrions introduire les notions de danger, de violence constatée par les services de police ou par un certificat médical, sachant qu'il ne faut pas être exhaustif si l'on veut pouvoir prendre tous les cas en compte. Pourquoi ne pas reprendre la notion de danger qui a été retenue pour l'ordonnance de protection ? La nécessité de prévoir une exception en cas de violences pour tous les dispositifs du texte trouve son fondement dans le fait que ces violences risquent d'être réitérées. La notion de danger nous semble importante, de même que la notion de temporalité entre la commission des violences et la décision de justice. Des violences ont pu être commises longtemps auparavant et ne pas se reproduire, mais le seul fait de se retrouver à nouveau devant la justice peut faire renaître un climat de violence. La notion de danger de réitération des violences est donc fondamentale.

L'autre constat que nous faisons est que la proposition de loi est contraire aux dispositions de la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul, qui devrait entrer en vigueur cet été, et notamment à son article 31, qui prévoit que « les parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que, lors de la détermination des droits de garde et de visite concernant les enfants, les incidents de violence couverts par le champ d'application de la présente convention soient pris en compte ». Or le texte ne le fait pas.

Pour les rapporteurs, le texte entend traiter exclusivement de l'autorité parentale et de l'intérêt de l'enfant, le sujet des violences étant déjà traité par le droit en vigueur. En somme, nous a dit Mme Chapdelaine, vous nous demandez de combler les failles de la législation actuelle sur les violences. Cette législation est en effet insatisfaisante en ce qui concerne la protection des femmes, lui avons-nous répondu. Mais j'irais plus loin : la proposition de loi a un effet négatif sur la législation actuelle. Je pense en particulier aux articles 3 et suivants, relatifs à la fixation de la résidence de l'enfant. Le changement, qui apparaît comme sémantique, pourrait être interprété – surtout à la lecture de l'exposé des motifs – dans un sens défavorable aux enfants.

Je terminerai sur l'audition de l'enfant. Nous sommes plutôt favorables à l'article 19, qui prévoit que « le mineur est entendu d'une manière adaptée à son degré de maturité ». En revanche, nous attirons votre attention sur le danger que représente le syndrome d'aliénation parentale, qui vient d'être reconnu par la Cour de cassation. Il est bon que l'enfant soit entendu ; mais si l'on considère que ses propos peuvent être manipulés par l'autre parent, cela risque d'avoir un effet pervers.

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