Notre régime d'assurance du risque nucléaire est conforme à des principes de responsabilité – limitée, en l'occurrence – des opérateurs et des États qui ont été définis par plusieurs conventions internationales. Lorsque l'on s'intéresse aux coûts d'une activité à risque, il importe de bien garder à l'esprit l'objectif d'internalisation de ce risque, qui vise à faire en sorte que les acteurs économiques dont l'activité est susceptible d'entraîner des conséquences dommageables puissent en être tenus responsables et que ces dommages potentiels s'imputent dans leur calcul économique, pour deux raisons principales. D'une part, parce que de tels mécanismes de responsabilité constituent aussi des incitations permettant d'envoyer les bons signaux-prix et, d'autre part, afin de faciliter l'indemnisation, en favorisant notamment le provisionnement des risques.
Or, le caractère limité de la responsabilité des opérateurs nucléaires et des États signataires des conventions internationales est tel que cette internalisation n'est pas effective, ou du moins est-elle très limitée. Il est en effet difficile de couvrir des risques très importants mais de probabilité extrêmement faible à l'aide de mécanismes d'assurance traditionnels. Un tel constat soulève alors deux questions : d'une part, celle de l'évaluation du coût du risque nucléaire et, d'autre part, celle de son internalisation.
L'évaluation du coût du risque nucléaire ne nous est pas spontanément fournie par le marché sous forme de prix, contrairement à ce que l'on constate pour la majeure partie des activités économiques. Ainsi ma prime d'assurance d'automobile me fournit-elle une indication de ce que je coûte à la collectivité en termes de dommages potentiels lorsque je conduis – même en faisant très attention. Il n'y a en revanche pas de prix de marché des risques nucléaires, la responsabilité étant limitée : il revient donc à la collectivité d'évaluer ce coût.