Intervention de Maurice Corrihons

Réunion du 10 avril 2014 à 17h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Maurice Corrihons, directeur spécialités de la Caisse centrale de réassurance :

Nous sommes effectivement soumis à la directive Solvency II, réglementation avec laquelle nous nous efforçons de nous mettre en conformité d'ici à 2016. Il existe un dispositif permettant aux assureurs, réassureurs et rétrocessionnaires de limiter leur exposition au risque en la transférant aux marchés financiers et non plus à la réassurance traditionnelle.

Quant à la caisse centrale de réassurance (CCR), elle est habilitée, avec la garantie de l'État, à intervenir, au cas où l'assurance privée ne pourrait pas satisfaire la demande, en cas de risque de guerre sur les transports pour les corps de navire et les facultés, d'engagement de la responsabilité civile des exploitants nucléaires, de catastrophe naturelle ou encore d'attentat ou d'acte terroriste.

S'agissant des principes généraux de l'assurance nucléaire, les polices portant sur les dommages matériels garantissent l'exploitant contre les dommages d'incendie, les événements naturels et les bris de machines portant sur les biens et installations lui appartenant. Quant au régime juridique de la responsabilité civile de l'exploitant nucléaire, il est issu de la convention de Paris de 1960 qui définit une responsabilité objective, sans faute, exclusivement canalisée sur l'exploitant et limitée quant à son montant et à sa durée. Ce régime est fondé sur un principe de non-discrimination à l'égard des victimes d'un incident nucléaire, indépendamment de leur nationalité, de leur domicile ou de leur lieu de résidence.

Le protocole modificatif de 2004 à la convention de Paris a porté la limite de responsabilité de l'exploitant de 91,5 à 700 millions d'euros, et ce, à la charge de l'assureur, que ce dernier l'assume par une prise d'assurance ou par garantie financière. En outre, ce texte étend le champ des garanties aux dommages à l'environnement, aux mesures de sauvegarde et aux événements naturels à caractère exceptionnel. La limite de garantie s'entend par site nucléaire – la difficulté étant que plusieurs sites peuvent être touchés par un même événement, notamment en cas de tremblement de terre ou de crue dans la vallée du Rhône. Si la première tranche relève de l'exploitant, la deuxième tranche, à la charge de l'État dans lequel l'accident se produit, a été portée de 108 à 500 millions d'euros. Enfin, la troisième tranche, qui correspond à la contribution de tous les États contractants, a été portée de 140 à 300 millions. Cette garantie s'élève donc au total à 1,5 milliard d'euros contre 340 millions aujourd'hui. Les difficultés que soulèvent ces nouvelles règles sont les mêmes en France que dans tous les États signataires de la convention et du protocole.

J'exposerai à présent le mécanisme de réassurance que l'État pourrait envisager d'instituer dans l'hypothèse où le marché privé de l'assurance et de la réassurance ne pourrait couvrir les dommages prévus par le protocole de 2004. L'État ne peut en effet intervenir que si le risque n'est pas assurable par le secteur privé. L'opérateur ou l'exploitant est garanti par un assureur « fronteur » entièrement réassuré, sur les risques qu'il couvre, par le pool de réassurance qu'est Assuratome. Outre ce pool national, les pools étrangers peuvent eux aussi apporter une capacité de réassurance dans le cadre d'une mutualisation entre opérateurs. La CCR pourrait quant à elle intervenir avec une garantie d'État dans le cadre d'une convention de réassurance avec Assuratome.

Pour terminer, je présenterai une comparaison de ce système avec des dispositifs d'assurance à plusieurs étages couvrant d'autres risques exceptionnels, faisant intervenir des assureurs, des réassureurs privés et une réassurance par la CCR avec la garantie de l'État. À cet égard, le groupement d'intérêt économique le mieux adapté est en l'occurrence le groupement chargé de la gestion de l'assurance et de la réassurance des risques d'attentats et d'actes de terrorisme (GAREAT), créé le 1er janvier 2002 à la suite des attentats du 11 septembre 2001, pour couvrir les risques dont la police est supérieure à 20 millions d'euros. Dans le cadre des polices d'assurance, si l'assureur ne peut s'exonérer de garantir le terrorisme à l'assuré, cette obligation n'est en revanche pas imposée au réassureur. Une telle situation étant très inconfortable pour les assureurs, les représentants de la profession se sont entretenus avec les réassureurs sous l'égide des pouvoirs publics, à la suite de quoi a été institué un dispositif de mutualisation regroupant les quelque 200 membres des organisations professionnelles.

Au 1er janvier 2014, les membres du pool d'assureurs du GAREAT conservent entièrement en rétention une première ligne de 400 millions d'euros et ce GIE se protège par un programme de réassurance privée, en faisant appel à un marché ouvert jusqu'à un certain seuil. Avec la garantie de l'État, la CCR a ainsi signé une convention avec le GAREAT afin de le garantir au-delà du seuil de capacité que lui fournit le marché privé.

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