Je suis accompagné de Mme Natahalie Alazard, géologue et économiste, qui a été co-responsable de la rédaction des scénarios.
En préambule, je souhaite rappeler que l'ANCRE est une alliance, dépourvue d'administration et de crédits, à la différence d'une agence. L'Alliance rassemble des partenaires liés par une convention afin d'évoquer ensemble un sujet qui constitue leur mission commune, en l'occurrence, la recherche sur l'énergie. Quatre partenaires sont membres fondateurs : le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l'Institut français du pétrole Energies nouvelles, qui tous deux s'intéressent exclusivement à l'énergie, mais aussi le CNRS qui mène des recherches généralistes et la Conférence des présidents d'université. Font également partie de l'ANCRE quinze organismes travaillant, parmi d'autres thèmes, sur celui de l'énergie : l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), etc.
L'ANCRE réunit donc 19 organismes de recherche publics représentant près de 400 experts afin de définir une stratégie nationale de recherche et de participer au débat national sur la transition énergétique.
Sur le plan méthodologique, face à la multitude de paramètres existants, les scénarios mesurent la variation de certains paramètres au regard de paramètres pré-définis. Nous avons bâti des scénarios contrastés qui s'appuient sur des trajectoires ambitieuses. Les hypothèses sur lesquelles ils reposent sont de nature scientifique et technologique mais aussi économique, industrielle, sociétale, environnementale ainsi que du domaine de la recherche et développement (R&D).
Les postulats correspondent à la feuille de route fixée par le débat national sur la transition énergétique : une division par quatre à l'horizon 2050 des émissions de gaz à effet de serre, une part de la production d'électricité nucléaire limitée à 50 % conformément à l'objectif affiché par le Président de la République, un recours accru aux énergies renouvelables, une sobriété et une efficacité énergétique plus grandes.
Trois scénarios ont été établis : le premier insiste sur la sobriété énergétique, en mettant en avant l'efficacité énergétique et les changements comportementaux ; le deuxième mise sur un usage accru de l'électricité pour réduire les émissions de gaz ; le troisième parie sur un développement cohérent de vecteurs diversifiés, associant la biomasse, la valorisation et l'utilisation de la chaleur fatale – la chaleur perdue dans les centrales.
Contrairement aux scénarios de l'ADEME, nous prenons pour hypothèse des ruptures technologiques. Nos scénarios nécessitent la levée de plusieurs verrous technologiques ou comportementaux qui ont fait l'objet d'un rapport distinct.
Le scénario sur les vecteurs diversifiés a été retenu par le groupe de travail des experts du débat national sur la transition énergétique pour illustrer l'une des quatre trajectoires qu'il a retenues.
À ces trois scénarios s'ajoute une variante, prenant en compte l'insuffisance des énergies renouvelables en raison de leur caractère intermittent, dans laquelle une partie du nucléaire est remplacée par du gaz. Afin d'éviter la remontée des gaz à effet de serre que cette solution provoque, nous proposons une autre variante dans laquelle la contrainte sur le nucléaire est relâchée.
L'étude de l'ANCRE a été publiée en janvier et fera l'objet d'un séminaire le 29 avril. Elle est complétée par une première évaluation multicritères selon une grille d'analyse prédéfinie. Elle doit évidemment être mise à jour en permanence et approfondie.
En conclusion, je souhaite souligner les caractéristiques communes aux différents scénarios : les hypothèses sur lesquelles l'étude est fondée sont précisément explicitées, ce qui n'est pas toujours le cas ; la coopération des experts au sein de l'ANCRE permet de couvrir un champ de compétences bien plus large que ce qu'aucune organisation pourrait à elle seule réaliser ; le respect des objectifs impose un déploiement massif des meilleures technologies dont certaines exigent une rupture, ce que des organismes de recherche ne peuvent que souhaiter. Les modèles économiques donnent de premières évaluations mais ils présentent encore beaucoup d'incertitudes, limitant d'autant la possibilité de s'y référer pour arrêter une planification au titre de la transition énergétique – dont l'objectif principal est la réduction de l'impact climatique et environnemental dans des conditions économiques viables et en limitant notre dépendance aux importations.