Nous envisageons une diminution à la fois de la mobilité globale et de la mobilité motorisée. Nous comptons aussi sur un développement des modes de transport alternatifs à la voiture. Le rapport à la voiture se modifie également, avec le développement de flottes servicielles et de l'autopartage. Ces différents éléments concourent à une division par deux du nombre de véhicules. Ce scénario repose donc sur une évolution très poussée des comportements.
Le deuxième scénario – décarbonation par l'électricité – s'appuie également sur une efficacité énergétique accrue – cette donnée est incontournable pour atteindre l'objectif – mais aussi sur la diffusion du vecteur électrique dans tous les usages – mobilité, chauffage, procédés industriels. L'électricité est produite par des sources décarbonées : énergies renouvelables et nucléaire.
Illustration de ce scénario, dans le bâtiment, le rythme de rénovation est soutenu sans atteindre celui du premier scénario ; le parc rénové consomme 50 à 60 % d'énergie en moins ; on constate un effet rebond puisque, après rénovation, on se chauffe un peu plus. Dans le transport, les tendances actuelles sont maintenues sans augmentation mais tout l'effort repose sur une électrification des véhicules et plus généralement des modes de transport. En 2030, 65 % des véhicules vendus sont des véhicules électrifiés : hybrides rechargeables ou véhicules électriques.
Enfin, le troisième scénario – vecteurs diversifiés – mise sur une efficacité énergétique poussée et l'apparition de nouveaux vecteurs au sein du système énergétique grâce au développement de systèmes locaux, à une forte incorporation des bioénergies, sous forme liquide ou gazeuse, ainsi qu'à une forte valorisation des sources de chaleur basse température, notamment la chaleur des centrales.
Illustration de ce scénario, dans le bâtiment, les modalités de la rénovation sont les mêmes que dans le deuxième scénario mais les technologies alternatives à l'électricité sont privilégiées – solaire, réseau de chaleur, géothermie. Dans le transport, la baisse de la consommation de carburants fossiles est compensée par une hausse accélérée de l'efficacité énergétique des véhicules et le développement de carburants issus de la biomasse. Dans ce scénario, la part des biocarburants de première génération n'augmente pas, contrairement aux biocarburants issus de la biomasse lignocellulosique. Le développement des véhicules électriques est plus faible que dans les scénarios précédents.
Pour chacun de ces scénarios, la réalisation du « facteur 4 » nécessite l'avènement de ruptures technologiques – technologies mal identifiées ou dont l'acceptation peut poser problème. Dans le premier scénario, il faut faire appel au captage, au stockage ou à la valorisation du CO2 ainsi qu'au développement de solutions d'effacement pour la gestion du réseau électrique. Dans le deuxième scénario, des stockages massifs d'électricité sont nécessaires afin de gérer la variabilité saisonnière et de tirer le meilleur parti des énergies renouvelables. Dans le troisième scénario, l'exploitation de la chaleur basse température suppose des systèmes de cogénération nucléaire.
Concernant la production d'énergie, la part du nucléaire dans la production d'électricité à l'horizon 2030 est proche de 50 % et continue à diminuer jusqu'en 2050. La consommation d'électricité dans le premier scénario reste stable et dans le second, augmente de 30 %. Mais dans tous les cas, la capacité électrique installée double.
Dans la seconde partie de l'année 2013, nous avons travaillé à l'évaluation de ces scénarios selon des critères divers. Ce travail très lourd n'est pas achevé. Nous disposons de quelques chiffres qui figurent dans le rapport, notamment sur les investissements nécessaires dans les différents secteurs.
Je terminerai en vous faisant part des principaux enseignements que l'ANCRE a tirés de cet exercice. Les scénarios envisagés nécessitent une accélération des rythmes d'innovation et de diffusion de celle-ci ainsi qu'une inflexion, voire une inversion, des tendances de l'évolution des comportements.
Cet exercice, à cet égard très utile pour les équipes R&D de l'ANCRE, a également permis de mettre en évidence les grands invariants en termes d'innovations technologiques. Il montre également que certaines technologies de rupture permettent d'atteindre plus rapidement les objectifs.
Enfin, il nous est apparu évident pour la suite de nos travaux que l'apport des sciences humaines et sociales est indispensable pour une meilleure compréhension des comportements, pour la prise en compte de ce facteur comportemental dans les travaux sur les technologies au service de la transition énergétique, pour l'identification des systèmes de gouvernance favorables à la mise en place de certaines de ces technologies ainsi que pour la conception de nouveaux modèles d'affaires.