Je l'ai dit, la décision que nous nous apprêtons à prendre concernant les électro-intensifs ne vaudra que pour cette année. Pour une parfaite sécurité juridique ultérieure, une loi sera nécessaire. Nous ne savons pas où en sont exactement les discussions entre l'Allemagne et la Commission européenne sur l'exonération du paiement de l'acheminement pour certaines entreprises – nous savons seulement où elles en sont pour ce qui concerne l'équivalent de notre CSPE (contribution au service public de l'électricité). Certains éléments laissent penser que la Commission pourrait accepter le principe d'une exonération. Si tel était le cas, je ne vois alors pas pourquoi nous ne pourrions pas, si le Gouvernement et le législateur le souhaitaient, mettre en place un dispositif équivalent en France. Mais un support législatif est indispensable. Le régulateur ne peut pas prendre seul une telle décision à long terme.
Pour ce qui est du timbre d'injection, sujet récurrent, le principal objectif est de donner un signal de localisation aux producteurs. Nous en avons beaucoup discuté lors de la définition du TURPE 4. S'agissant de la distribution, nous avons décidé d'attendre un retour d'expérience des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) afin d'éviter de donner des doubles signaux. Pour ce qui concerne le transport, nous estimons que le sujet doit être discuté au niveau européen, car cela pourrait avoir un effet contre-productif sur les interconnexions. Là aussi, comme sur le marché de capacité, nous estimons nécessaire une approche européenne. Nous serons certainement amenés à reparler de tous ces sujets lors de la fixation du TURPE 5.
Le marché de l'électricité ne fonctionne pas, dites-vous. Comment s'en étonner ? Les gouvernements nationaux et la Commission européenne ont mis en place, d'un côté, un marché intérieur de l'énergie qui fonctionne à peu près, et, d'un autre côté, une politique climatique, sans jamais s'interroger sur la coordination des deux. Lorsque la direction Climat de la Commission a présenté ses orientations aux autorités de régulation, elle a jugé ennuyeux de les engager alors que le marché ne fonctionnait pas encore très bien. Les deux directions, Climat et Énergie, de la Commission ont avancé parallèlement, chacune de son côté promouvant un système qui n'était pas véritablement coordonné avec l'autre : d'un côté, on mettait en place un marché, d'un autre côté, on incitait au développement des énergies renouvelables par le biais de subventions. Or, sans coordination, un système de marché et un système subventionné ne peuvent pas cohabiter sans aboutir à des dysfonctionnements. Et ce qui devait arriver est arrivé : le marché s'est bloqué et de mauvais signaux ont été adressés. Je ne porte pas de jugement de valeur, je ne dis pas que l'un est mieux que l'autre. Je déplore simplement un manque de coordination. Du fait de cette incohérence, plusieurs centrales à gaz ont, par exemple, été fermées parce qu'elles n'étaient plus rentables. À qui la faute ? Sans doute à un manque de vision globale de la part de la Commission européenne et des gouvernements nationaux qui n'ont pas perçu qu'en promouvant les deux ensemble, cela poserait un problème.
Le marché intérieur de l'énergie fonctionne. Le commissaire européen à l'énergie avait souhaité qu'il soit achevé en 2014 par le biais de l'interconnexion des réseaux. C'est en train de se faire, et tout sera bouclé, avec un peu de retard, en 2015, non que l'on ait réalisé assez d'interconnexions, mais parce qu'ont été créés tous les codes de réseau nécessaires, aussi bien pour le gaz que pour l'électricité, à tous les niveaux. D'ici à un an, toute la structure nécessaire à l'existence d'un véritable marché sera en place. Mais il faut, par ailleurs, que les décideurs politiques au niveau européen clarifient leurs positions et sachent ce qu'ils veulent vraiment. Ce n'est pas un problème de marché, mais de décision politique.