Intervention de Bernard Laponche

Réunion du 17 avril 2014 à 17h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Bernard Laponche, ancien directeur général de l'AFME, aujourd'hui ADEME :

La France est probablement en surcapacité pour certains aspects, mais les coûts ne sont pas favorables. Il faudrait connaître le détail des chiffres.

Du point de vue de l'offre, le rapport est un peu léger. L'absence de l'ADEME dans le choix des scénarios illustre un manque d'intérêt pour la demande et le rapport se limite en fait au poids du nucléaire dans le mix électrique. Or, il est très grave de ne pas prendre en compte la demande car, selon que cette dernière sera de 350 ou de 600 milliards de kilowatt-heure, la réflexion sur l'industrie nucléaire sera très différente : la différence est un facteur 2, même si la part du nucléaire reste de 50 %.

Les comparaisons quantifiées figurant dans le rapport ne comportent ni le scénario de négaWatt ni celui d'Enerdata, et il n'est tenu compte ni des incertitudes de sûreté ni de l'éventualité et du coût d'un accident nucléaire. Un exercice de prospective peut aussi bien viser à rechercher la perspective optimale pour les auteurs de la prospective elle-même qu'à présenter aux décideurs politiques l'ensemble des avantages et des risques. Or, le seul risque pris en compte dans le rapport – comme d'ailleurs de nombreuses autres études – est le risque climatique, sans que soient évoqués ni les autres pollutions ni le risque nucléaire.

Ce matin, pour la première fois, il a été question des coûts et de l'assurance : évoquer une probabilité d'accident grave de 10-4 par année.réacteur n'a de prime abord rien de très évocateur, mais cela signifie qu'il existe une probabilité d'accident pour 10 000 cas possibles, c'est-à-dire pour 250 réacteurs PWR, soit à peu près l'ensemble de ceux qui existent dans le monde, pour une durée de fonctionnement de quarante ans. Pour 58 réacteurs, l'occurrence annoncée par cette probabilité est de 0,23 accident. Il ne s'agit pas là, contrairement à ce qu'a dit M. Thierry Salomon, d'une probabilité de zéro – ni même epsilon – multipliée par l'infini.

Il y a là une grande faiblesse dans un exercice de prospective qui, même s'il était moins détaillé, pourrait au moins poser la question du risque. Les anomalies génériques introduisent une incertitude considérable dans les scénarios et, même lorsque le nucléaire joue un rôle important, on pourrait veiller à ce que sa proportion soit moins sensible à ces anomalies.

L'exemple du Japon est à cet égard très intéressant. Selon une étude que j'ai réalisée sur l'énergie au Japon après Fukushima, l'arrêt des réacteurs, qui fournissaient moins d'un tiers de la consommation, n'a pas cassé le système électrique, ce qui n'aurait pas été le cas si la consommation d'électricité avait reposé pour 65 % sur ces réacteurs nucléaires. Le risque aurait alors été pratiquement impossible à maîtriser.

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