Les taux se situent plutôt entre 2 et 2,5 % sur dix ans. Sur des échéances plus longues, le taux, augmenté de la marge, est à 4,6 %.
Quoi qu'il en soit, les exploitants n'appliquent pas, à l'heure actuelle, le plafond fixé par la réglementation. L'autorité administrative pourrait vous parler des négociations en cours. D'après ce que j'ai compris, il serait question de modifier le taux de référence en le faisant porter sur une période plus longue – dix ans au lieu de quatre – tout en demandant aux exploitants de constituer des marges de sécurité supplémentaires.
En second lieu, les provisions prennent en compte le coût du dispositif de stockage géologique profond sur la base d'évaluations dont le rapport estime qu'elles sont probablement sous-valorisées – ce qu'a confirmé l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans une lettre de janvier 2014.
D'autres éléments peuvent influer sur l'évaluation du coût de démantèlement et de gestion des stockages, notamment la modification de la politique énergétique – fermeture d'une centrale nucléaire ou révision de la part du nucléaire dans le mix énergétique.
Cependant, le portefeuille d'actifs constitué par les exploitants pour couvrir leurs engagements est passé de 31,6 à 38,7 milliards. Cette hausse s'explique à la fois par l'évolution générale des marchés, la baisse des taux d'intérêt, l'augmentation des valeurs des indices boursiers, mais également par les adaptations réglementaires, dont la plus importante a été, en février 2013, l'inclusion de la créance liée à la contribution au service public de l'électricité (CSPE) d'EDF – de 4,9 milliards d'euros – dans le montant de ses actifs dédiés. La créance CSPE, dont le remboursement s'étalera jusqu'en 2018, est ainsi venue s'ajouter à la prise en compte, il y a deux ans, d'une fraction de la participation d'EDF dans le Réseau de transport d'électricité (RTE). Cela explique l'augmentation, dans les portefeuilles, de la part des éléments non liquides.
Signalons, par ailleurs, que la réglementation sur la dispersion des actifs éligibles a été modifiée dans un sens qui paraît tout à fait convenable : on applique maintenant intégralement la réglementation des entreprises régies par le code des assurances.
Observons enfin que, à la suite d'une remarque faite par la CNEF en 2012, le plafond des titres non cotés a baissé de 20 % à 15 %.
Les taux de couverture découlent de la comparaison entre les évaluations des provisions et les portefeuilles des actifs dédiés : il y a deux ans, le principal problème venait d'EDF, qui avait bénéficié d'un report jusqu'à 2016 pour atteindre un taux de couverture de 100 %, taux que presque tous les grands exploitants avaient atteint à la fin de l'année 2013. Le seul qui ne l'avait pas fait – et ne l'a toujours pas fait – est Eurodif. Si vous auditionnez les représentants du CEA, ils vous expliqueront que cette situation est essentiellement liée au problème des actionnaires minoritaires d'Eurodif – dont le CEA possède 60 % – et ils vous parleront des négociations qui se poursuivent en vue de la sortie de ces actionnaires minoritaires.
Que peut-on dire du fonctionnement de l'autorité administrative au cours de ces deux dernières années ? Le jugement que je me permets de vous livrer est positif, dans la mesure où la faiblesse des moyens, qui avait été dénoncée en 2012, a été corrigée : d'une part, les moyens des équipes qui se consacrent au suivi du provisionnement ont été nettement renforcés ; d'autre part, l'administration a passé en mars 2014 une convention avec le contrôle général et financier du ministère de l'économie et des finances pour qu'il l'aide à résoudre les problèmes d'évaluation et de suivi des portefeuilles des exploitants.
Dans le rapport de 2012, nous souhaitions que l'autorité administrative puisse bénéficier du concours de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) qui suit les compagnies d'assurance. Le gouverneur de la Banque de France, qui préside l'ACPR, avait refusé, considérant qu'un texte de loi était nécessaire. Cette piste a été temporairement abandonnée, mais, compte tenu de son expertise en matière d'évaluation des portefeuilles d'organismes ayant des engagements longs, il paraît souhaitable qu'une disposition législative introduise l'ACPR dans le circuit de contrôle des provisions des exploitants.
D'autre part, le rapport de 2012 estimait que l'administration devait développer sa capacité d'appréciation des évaluations faites par les exploitants, en réalisant notamment des audits. Ceux qui avaient été annoncés pour la fin de 2012 ont pris du retard. Nous sommes actuellement dans un processus d'appel à la concurrence, et on peut penser que, en juin 2014, sera lancé un audit portant sur cinq thèmes. Au lieu de concerner, sur un thème, tous les exploitants, il concernera un exploitant et portera sur les cinq thèmes choisis.
Enfin, la poursuite de la coopération avec l'ASN – dont le jugement est fort précieux pour signaler les points qui méritent d'être mieux étayés et mieux assurés dans les évaluations des coûts futurs – est un autre motif de satisfaction. À ce propos, une lettre très intéressante de l'ASN, de janvier 2014, pourra servir de base à de nouvelles discussions sur la méthodologie applicable. L'ASN y évoque divers problèmes qui méritent d'être approfondis : le niveau d'assainissement complet des sites lors du démantèlement ; l'impact de la non-disponibilité éventuelle des installations de stockage lors de la constitution des paquets de déchets ; l'impact des évaluations complémentaires de sûreté ; enfin et surtout, la réévaluation ou l'évaluation des coûts de solutions de gestion à long terme des déchets. Le schéma actuellement pris en compte est fondé sur une première évaluation de 15 milliards, alors que d'autres évaluations, plus récentes, atteignent 35 milliards.
À l'époque de son introduction en Bourse, EDF était très réticente à l'idée de constituer des provisions. À la suite d'une expertise à laquelle j'avais été associé, son président accepta une mise à niveau de son provisionnement. Mais il ne s'agissait que de 12 milliards d'euros, alors que ce provisionnement tourne aujourd'hui autour de 20 milliards d'euros. Par ailleurs, à l'époque, il n'y avait quasiment pas d'équipe administrative affectée au suivi des exploitants et la CNEF n'existait pas. Ainsi, en quelques années s'est constitué un système permettant de suivre, sur le plan technique, les opérations de fin de cycle. Nous ne pouvons que nous en satisfaire.
La CNEF a joué son rôle, en mettant en lumière les éléments qui méritent d'être approfondis et améliorés. Après des débuts difficiles, elle doit faire face à des échéances incertaines, puisqu'elle ne pourra continuer son action sans des textes qui ne seront pas sortis à la fin du mandat des membres actuels.