Une fermeture plus précoce des réacteurs aurait-elle un impact positif ou négatif ? Je me permets de souligner que moins longtemps on produira de déchets, moins il y en aura à stocker. Plus on fermera tôt, moins cela coûtera cher. Mais il est vrai qu'il faudra alors sans doute débourser l'argent un peu plus tôt.
Le sujet dont nous traitons peut paraître aussi technique qu'abstrait : il n'en est pas moins crucial. Ce qui est en cause, en effet, c'est l'argent qu'il faudra dépenser dans vingt, trente, quarante, cinquante ou soixante ans, à un moment où il n'y aura peut-être plus de nucléaire en France. Il n'est pas question que les générations futures assument le financement des charges induites par l'électricité que nous consommons aujourd'hui. Le démantèlement des centrales et la gestion des déchets ne rapportent rien, alors que les centrales nucléaires – quoi qu'on en pense – produisent au moins de l'électricité, et que cette production est finançable. C'est donc une charge totale que nous transmettrions aux générations futures si nous ne nous mettions pas en situation de financer correctement ces activités.
Pour cela, il faut remplir trois conditions : bien évaluer les coûts ; avoir un taux d'actualisation qui ne reporte pas les charges sur les générations futures ; sécuriser les financements pour qu'ils soient disponibles le moment venu.
Permettez-moi de citer quelques éléments tirés du document de référence d'EDF, destiné à informer les investisseurs éventuels : « Les provisions constituées par le Groupe pour les opérations de traitement du combustible usé et pour la gestion à long terme des déchets pourraient s'avérer insuffisantes. […] La déconstruction du parc nucléaire existant pourrait présenter des difficultés qui ne sont pas envisagées aujourd'hui ou s'avérer sensiblement plus coûteuse que ce qui est aujourd'hui prévu. […] Les actifs dédiés constitués par le Groupe pour couvrir les coûts de ses engagements de long terme dans le nucléaire (déchets radioactifs et déconstruction) pourraient s'avérer insuffisants et entraîner des décaissements supplémentaires. »
Dans ce même document, les commissaires aux comptes notent que « l'évaluation des provisions de long terme liées à la production nucléaire, qui résulte des meilleures estimations de la Direction […] est sensible aux hypothèses retenues en termes de procédés techniques, de coûts, de taux d'inflation, de taux d'actualisation à long terme et d'échéanciers de décaissements. La modification de certains de ces paramètres pourrait conduire à une révision significative des provisions comptabilisées. »
L'Autorité des marchés financiers (AMF), que j'ai eu l'occasion de rencontrer pour évoquer, notamment, la situation d'EDF, a fait remarquer qu'il était plutôt rare qu'une telle observation figure dans le rapport des commissaires aux comptes d'une entreprise cotée au CAC 40. Lorsque c'est le cas, une solution ne tarde pas à être apportée au problème et, au bout d'un an ou deux, l'observation n'a plus lieu d'être. Or celle-ci figure dans le document de référence d'EDF depuis son introduction en Bourse : la situation n'a pas progressé depuis.
La situation actuelle ne paraît donc ni rassurante ni satisfaisante. A-t-on bien évalué le taux d'actualisation et les provisions à faire ? Ces provisions sont-elles sécurisées ? Le taux d'actualisation est actuellement fixé à 5 %…