Monsieur Choné, vous êtes président de l'Association des opérateurs détaillants en énergie, qui regroupe les nouveaux entrants – que l'on continue à appeler fournisseurs alternatifs – sur un marché de l'électricité et du gaz désormais concurrentiel.
Depuis l'ouverture du marché, on observe que les tarifs ne cessent d'augmenter. Est-ce un effet de la concurrence elle-même ? Ce qu'a constaté la Commission de régulation de l'électricité (CRE) en analysant les coûts d'EDF, c'est une croissance exponentielle de ses coûts de commercialisation. En effet, alors qu'un opérateur en situation de monopole n'a pas besoin de consentir des efforts commerciaux importants, il n'en est pas de même quand il doit se battre pour conserver ses parts de marché.
Les pouvoirs publics ont tenté de modérer cette hausse, mais ceux-là mêmes qui étaient à l'origine de l'augmentation des coûts de commercialisation, c'est-à-dire les nouveaux entrants, ont attaqué cette décision devant le Conseil d'État. Celui-ci a conclu à la nécessité d'augmenter les tarifs.
Quel est le nombre des nouveaux entrants, sachant que des fusions ont été opérées depuis l'ouverture à la concurrence ?
On peut d'ailleurs juger que le marché n'est pas si ouvert dans la mesure où de nombreux clients ont eu le réflexe d'opter, en matière d'électricité comme de gaz, pour les opérateurs historiques. Des sondages montrent même que certaines personnes n'ont toujours pas compris qu'EDF et GDF étaient désormais deux entreprises différentes.
En ce qui concerne la filière nucléaire, les pouvoirs publics ont choisi de ne pas répartir les centrales existantes entre différents opérateurs – je ne suis d'ailleurs pas sûr que les membres de votre association auraient eu la capacité financière d'investir dans ce type de production –, mais de développer la concurrence en aval, en mettant à la disposition du marché 25 % de la production d'EDF. L'ANODE étant directement concernée par cette disposition, nous aimerions connaître son avis sur l'organisation du marché et son éventuelle évolution.
Nous venons d'auditionner le président d'Exeltium, qui représente les industriels électro-intensifs. Ces derniers connaissent des jours difficiles : alors qu'ils ont investi beaucoup d'argent pour bénéficier d'un tarif particulier, celui-ci est aujourd'hui supérieur à celui de l'ARENH, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique. Au fond, ils sont comme vous : ils jugent que l'ARENH n'est pas suffisamment élevé. Vous comprenez, bien sûr, que je suis provocateur à dessein, pour vous inciter à réagir.
Nous souhaitons également savoir si le développement de la concurrence peut, selon vous, passer par une tarification de l'accès au réseau.
Par ailleurs, face aux personnes de plus en plus nombreuses qui, de bonne foi, ne parviennent plus à payer leurs factures, une loi issue de la proposition que j'avais déposée a étendu à tous les foyers la trêve hivernale de l'énergie. Or la rumeur prétend que les opérateurs alternatifs ont tendance à abandonner ces « précaires de l'énergie », au point que nous réfléchissons à l'idée d'instituer un fournisseur de dernier recours. La question n'est certes pas directement liée à la filière nucléaire et n'entre donc pas dans le cadre de notre commission d'enquête, mais l'aborder aujourd'hui permettra d'éviter de vous faire revenir plus tard.
Avant de vous laisser la parole, je vous demande, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.