Intervention de Bernard Bigot

Réunion du 10 avril 2014 à 12h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Bernard Bigot, administrateur général du CEA :

Oui. Ce réacteur, plus complexe que les précédents et associé à un cycle de production également plus complexe, ne peut entrer en compétition stricte avec ses prédécesseurs. Mais ce surcoût peut être effacé par le bénéfice obtenu à ne devoir stocker in fine que des colis vitrifiés contenant des produits de fission à durée de vie plus courte au lieu de devoir confiner pendant un temps extrêmement long les combustibles usés. Ces derniers devront d'ailleurs être reconditionnés, car ils n'ont pas été conçus pour pouvoir être stockés durablement sans conditionnement supplémentaire ; il faudra des gainages plus résistants aux échanges thermiques de très long terme. Aussi longtemps qu'il n'y a pas déficit d'uranium naturel disponible pour faire fonctionner les réacteurs de la troisième génération, la production d'électricité par le biais d'un réacteur à neutrons rapides induira un surcoût, mais l'économie globale d'un parc où cohabiteraient des réacteurs à neutrons thermiques et quelques réacteurs à neutrons rapides serait favorable. L'un des objets de la construction du prototype est d'en faire la démonstration.

Je ne dis pas que les autres technologies – réacteurs à caloporteur plomb ou hélium, filière à sels fondus – ne pourraient faire l'objet d'une démonstration au cours de ce siècle, mais je ne pense pas leur développement industriel possible au XXIe siècle. Le grand avantage du sodium est qu'il peut être travaillé à la pression atmosphérique ; cela élimine le risque de surpression existant dans les réacteurs à eau pressurisée et facilite les démonstrations de sûreté. La Russie utilise des réacteurs à caloporteur sodium depuis quarante ans et le réacteur Phénix a fonctionné pendant trente ans ; nous disposons donc d'un retour d'expérience considérable sur lequel nous pouvons nous appuyer. J'observe que les réacteurs qui n'ont jamais fonctionné sont toujours dits plus sûrs, moins cher et meilleurs. Je doute des vertus dont ils sont ainsi parés. Dans le cas qui nous occupe, des étapes ont déjà été franchies, il faut en franchir d'autres : l'enjeu de sûreté d'abord, puis l'opérabilité, qui conditionne l'économie générale du projet.

Venons-en à la sûreté. Il est toujours très facile de prétendre que le réacteur qui vient doit avoir un niveau de sûreté supérieur à celui de la génération précédente. Selon moi, nous avons atteint, avec les réacteurs de troisième génération, un niveau de sûreté très élevé. Néanmoins, même s'il est extrêmement peu probable, un accident est toujours possible, et il aurait des conséquences dommageables. Le seul objectif qui vaille en matière de sûreté, la condition absolue, c'est qu'il ne doit pas y avoir de relâchement de radionucléides à l'extérieur du site nucléaire, même dans le cas du pire accident nucléaire. Autrement dit, il faut éviter ce qui s'est passé à Fukushima, où un relâchement de radionucléides a neutralisé pour quelques décennies un territoire de quelque 400 kilomètres carrés. C'est, pour nous comme pour nos concitoyens, l'exigence absolue, et c'est l'objectif que doivent atteindre les réacteurs de troisième génération, ce qui a impliqué des renforcements considérables en matière de conception et d'organisation. Les réacteurs de quatrième génération doivent avoir le même niveau de sûreté.

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