Oui, il s'agit du stockage à très long terme des déchets à Bure. Je prends également en compte le CEA, considérant que cet établissement est un organisme de soutien à la filière et que les dépenses qui lui ont été consacrées font partie de celles qui nous permettent de bénéficier de l'électricité thermonucléaire.
Dans l'hypothèse où l'on construirait une centrale aujourd'hui, son coût futur ne commencerait à être réalisé qu'à la fin de sa durée de fonctionnement, soit quarante ans. Il suffirait donc de provisionner annuellement un peu moins de 1 % de ce coût pour pouvoir l'assumer, ce qui est presque négligeable par rapport aux autres éléments. Ce phénomène intertemporel est très présent dans les discussions sur le changement climatique : le futur rend les choses moins chères.
Mon analyse prend également en compte l'assurance dommages. Dans un texte adopté par le Sénat en 2012, il est en effet prévu d'obliger les opérateurs à s'assurer contre un grand accident. Je l'ai constaté lors de la présentation de mon travail à Paris : la question, déjà traitée devant votre commission par le professeur Picard, ne laisse personne indifférent. Dans le scénario du « pire » en matière de coûts, j'ai retenu un montant de 4 milliards d'euros par an.
Mon étude récapitule également tous les coûts de recherche et développement depuis 1952, à l'exception des recherches relatives aux réacteurs de quatrième génération, qui devraient être payées par les usagers de l'EPR. L'énergie que nous utilisons aujourd'hui est censée payer toutes les dépenses de recherche, fructueuses ou non, faites dans le passé.
Pour intégrer ce coût global au coût courant économique, on le rapporte à la totalité de la production thermonucléaire depuis son début en 1968 – et, surtout, depuis l'augmentation en volume qu'a représentée l'ouverture de la centrale de Fessenheim en 1977. J'intègre ensuite tous ces éléments dans un tableau synthétique permettant de calculer le coût courant économique. Les deux scénarios que je propose sont le reflet de l'incertitude des hypothèses que j'ai retenues.
Il apparaît ainsi que l'électricité thermonucléaire dont nous jouissons depuis quarante ou cinquante ans nous aura coûté, en termes actuels, 60 euros par mégawattheure (MWh) lorsque nous aurons fini de la payer – il faut en effet inclure des dépenses qui adviendront dans un futur lointain. L'exercice consiste à collecter coûts passés, présents et futurs, et à tout ramener à la date d'aujourd'hui, avec le problème sous-jacent des taux d'intérêt à appliquer pour actualiser les montants.
Dans l'hypothèse la plus mauvaise – augmentation des coûts, résultats négatifs, taux d'intérêt correspondant à un financement privé et non à un financement public –, le coût du MWh pourrait monter jusqu'à environ 80 euros.