Intervention de Henri Richard

Réunion du 30 avril 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Henri Richard, conseiller technique CFTC :

Tout repose sur les « Quatre E » : économie, énergie, emploi et énergie. L'objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire à l'horizon 2025 n'a pas de sens, car il implique des décisions arbitraires, indépendantes des avis de l'ASN et de l'état réel des installations. La composition du mix, d'ici à 2025, 2030 ou 2040, suppose de réfléchir en termes d'économie, d'emploi et d'investissements ; cela relève, en somme, de la gestion prévisionnelle des moyens de production. Il faut aussi s'interroger sur l'électricité et ses usages futurs. Comment développer les véhicules électriques sans électricité nucléaire ? On n'entend pas brûler du pétrole, j'imagine, pour produire de l'électricité… Alimenter des véhicules décarbonés par des unités qui émettent du CO2 n'aurait aucun sens. Si les autorités politiques entendent, par exemple, développer les transports en commun dans les villes – tramways, métros ou bus électriques –, bref, réduire les émissions de CO2, il faut bien qu'elles prennent des décisions pragmatiques.

Notre vision de l'écologie est rationnelle et globale. Importer des matières premières pour produire de l'énergie, par exemple, génère de la pollution à cause du transport. Le mix énergétique doit tenir compte de plusieurs critères, parmi lesquels l'emploi. On ne peut prendre une décision qui nous engage sur quarante ans en se fondant seulement sur le coût, quand bien même, au regard de ce facteur, telle ou telle solution apparaît plus avantageuse que le nucléaire à un moment donné. La filière nucléaire fut créée, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, pour lever des incertitudes sur les coûts à long terme, créer des emplois et assurer l'indépendance énergétique. Il revient au politique de décider si nous continuons ou non dans cette voie. Fixer l'objectif de 50 % de nucléaire en 2025 n'est ni réaliste ni rationnel ; et la France, aujourd'hui, n'a pas les moyens de ne pas être rationnelle.

J'en viens au rapport coûtinvestissements. Par définition, l'ASN ne dira jamais, car il y va de son indépendance, qu'elle n'envisage pas l'hypothèse d'une fermeture de centrale ; en revanche, elle peut conditionner la prolongation à des investissements et à l'optimisation de systèmes de sûreté. L'hypothèse d'une durée de quarante ans suppose que l'on en reste aux modèles en construction, comme l'EPR ou ATMEA ; celle d'une durée de soixante ans – pas irréaliste au vu des tranches de 1 300 mégawatts, voire de 900 – implique le passage à une nouvelle génération de réacteurs.

Vous avez également évoqué l'aval. On impose aujourd'hui à l'opérateur de mettre de l'argent en réserve pour faire face aux futurs démantèlements. On peut y voir une sécurité, mais les 10 milliards d'euros bloqués en vue d'un démantèlement hypothétique dans trente ans ne seraient-ils pas mieux utilisés dans la recherche de solutions innovantes, en matière de démantèlement, justement, ou de retraitement des déchets ? Alors que l'État, dit-on, n'a pas les moyens d'investir dans la recherche, la Russie consacre des sommes considérables à la conception de centrales intégrant le retraitement. S'agissant des déchets, monsieur le président, la réversibilité passe par des méthodes de retraitement nouvelles ; d'où la nécessité de la recherche et développement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion