Le rapport annuel de l'ASN a été présenté avant-hier devant l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) avant de faire l'objet d'une conférence de presse le lendemain. Nous avons effectivement jugé, comme l'année précédente, « globalement assez satisfaisante » la situation en 2013 du nucléaire en France. Il s'agit donc d'un jugement positif nuancé. C'est en 2012 que j'avais répondu, à un journaliste me demandant de préciser ce que ce jugement signifiait exactement, que je n'aurais pas aimé lire sur mon bulletin scolaire une telle appréciation, qui correspond à un 12 ou à un 13 sur 20 – j'étais personnellement habitué à de meilleures notes.
Nous avons établi la liste de grands dossiers sans précédents à ouvrir dans les prochaines années : les suites de Fukushima, l'éventuelle prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires, le chantier de l'EPR à Flamanville, le radon – une question trop rarement évoquée alors qu'elle concerne trente et un départements français – et, enfin, le domaine médical. La somme de tous ces dossiers représente pour l'ASN une charge croissante. Or, compte tenu de l'état des finances publiques, je ne vois pas comment l'État pourra nous assurer les moyens supplémentaires dont nous avons besoin dans la forme actuelle de notre financement. Nous avions déjà souligné, dans l'avis que nous avions rendu l'année dernière sur notre budget, le problème posé par le financement pérenne et durable de l'ASN et de l'ISRN, avec lequel nous avons travaillé pour estimer la charge à venir, tout en tenant compte des efforts d'efficacité que nous devons faire en interne. L'ASN et l'ISRN emploient chacun 500 personnes : or nous estimons avoir encore besoin de 150 à 200 personnes supplémentaires.
Je tiens à rappeler que mon salaire est composé d'une partie indiciaire, fixée par la loi, et de primes, fixées par un décret puis un arrêté publiés au Journal officiel. Il est donc public. Les primes ont été augmentées pour me permettre de conserver le niveau de salaire qui était le mien lorsque j'étais directeur général de l'énergie et du climat. Mon salaire est désormais dans la moyenne de celui des présidents d'autorités comparables.
La France possède les outils nécessaires au calcul de probabilité des accidents graves : nous pouvons donc quantifier les gains de sûreté apportés par les améliorations que nous demandons. Toutefois, ce n'est pas ce calcul qui nous a guidés dans le passage de la génération II à la génération III et qui nous guidera dans celui à la génération IV. Les objectifs de génération III visent à écarter la contamination à long terme des territoires en évitant le relargage de radionucléide à vie longue, relargage qui, au Japon, rend inhabitable durant plusieurs dizaines d'années la zone dite d'exclusion qui fait quelque vingt kilomètres.
Les réacteurs de génération II ne sont pas encore dimensionnés à cette fin, contrairement aux réacteurs de génération III, comme l'ont montré les suites de Fukushima en France. C'est mon successeur qui définira les objectifs de génération IV – je ne suis nommé que pour six ans : toutefois, nous avons clairement souligné que génération IV était une appellation trompeuse qui ne recouvrait en soi aucune amélioration de sûreté, à la différence de génération II et de génération III qui désignent des niveaux de sûreté. Les générateurs de génération IV ont vocation à entrer en service entre 2040 et 2050 : or, d'ici là, de nouvelles exigences d'amélioration de niveau de sûreté auront été vraisemblablement formulées par rapport à la génération actuelle. Ce n'est pas en termes de probabilité que nous raisonnons. Après Fukushima, nous avons cherché à définir les besoins prioritaires qu'il convenait d'assurer pour éviter une catastrophe similaire. Or le premier d'entre eux est l'alimentation en eau du réacteur, laquelle suppose l'existence de pompes elles-mêmes alimentées en électricité. Il est donc nécessaire de prévoir à la fois des moteurs diesel et des puits supplémentaires : tel est le noyau dur de la sûreté à garantir. Une telle approche ne repose en rien sur un rapport coût-bénéfice, qui est une approche moins lisible et pertinente. Des dispositions provisoires ont été prises – sources d'eau d'appoint, pompes d'appoint et moteurs diesel –, l'année 2013 ayant été consacrée à préparer le schéma du système définitif. Une fois que celui-ci aura été arrêté, il sera de la responsabilité des exploitants de proposer des plans et de les mettre en oeuvre sur les sites. Le plein déploiement de ces systèmes définitifs devrait être effectué en 2018. Il faudra une dizaine d'années pour tirer totalement les leçons de Fukushima.
Les CLI nous sollicitent pour obtenir des financements : nous leur versons quelque 1 million d'euros par an à leur demande sans intervenir sur le contenu de leur action ou l'opportunité de leur demande, qui doit évidemment être conforme à leur mission. Il est vrai que les dispositions de la loi de 2006 permettant de lever au bénéfice des CLI une partie de la taxe « installation nucléaire de base » (INB) ne sont pas entrées en vigueur, ce qui laisse évidemment en suspens la question de leur financement. Les CLI qui fonctionnent bien sont celles qui ont les moyens de disposer d'un permanent, qui fait vivre de vrais débats. Si nous participons aux séances de travail organisées par les CLI, nous regrettons en revanche qu'elles n'organisent pas davantage de réunions publiques – je l'ai déjà souligné – sur les questions de sûreté. Je leur ai déjà passé le message mais il leur appartient de le mettre en application : je n'ai pas autorité sur elles.
Quant aux dispositions à prendre pour renforcer l'information, il s'agirait simplement d'inscrire dans la loi l'obligation de mettre à jour et de diffuser auprès des riverains les informations pertinentes sur la gestion de crise.