Je remercie également la commission des affaires culturelles, celle des affaires étrangères, celle des affaires sociales, celle du développement durable, celle des finances et celle des lois pour leurs analyses et pour les travaux de grande qualité qui y ont été menés. Je tiens aussi à remercier particulièrement M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, Yves Blein, qui s’est avéré être un architecte précieux de l’enrichissement d’un projet de loi inscrit au coeur de son engagement de longue date pour la force et la place de la vie associative dans notre pays et dans le lien social. Les débats en commission ont prouvé à quel point il est urgent de réfléchir aux enjeux de l’ESS et proposer une loi accompagnant adéquatement son essor pour lui insuffler une dynamique plus vive encore. Je remercie enfin ma collègue Axelle Lemaire, qui a présenté en mon nom le projet de loi en commission. Le texte que je vous propose aujourd’hui est celui d’une loi ouverte respectant la diversité intrinsèque du secteur, mais aussi d’une loi d’affirmation marquant bien ses frontières.
J’en viens, mesdames et messieurs les députés, au contenu du texte qui repose sur trois piliers : la reconnaissance, la structuration et le développement de l’ESS.
Le projet de loi est tout d’abord une définition, celle de l’économie sociale et solidaire et de son périmètre, qui constituera une référence pour les autres législations et un moyen d’inscrire dans la durée les politiques publiques en faveur de ces entreprises. Il s’agit, comme le précise l’article 1er, d’un mode d’entreprendre intégrant dans les statuts de l’entreprise concernée les principes suivants : un but distinct du seul partage des bénéfices, une gouvernance démocratique ou participative définie par des statuts et incluant les parties prenantes et une gestion mettant en oeuvre les modalités d’une lucrativité limitée ou encadrée. Une telle définition inclut non seulement les acteurs historiques de l’ESS tels que les associations, les mutuelles, les coopératives et les fondations, mais aussi les sociétés commerciales qui auront fait le choix volontaire de s’appliquer à elles-mêmes les principes de l’ESS que je viens d’énoncer. Cette définition légale reconnaît que l’ESS constitue une autre manière d’entreprendre.
Notre objectif est d’accompagner l’essor de l’entrepreneuriat social en France tout en promouvant les valeurs de l’économie sociale et solidaire. Il s’agit bien d’insuffler les valeurs de l’ESS à l’économie classique. Si le projet de loi est adopté, la loi française sera d’ailleurs l’une des plus avancées et des plus actives en Europe.
Le projet de loi vise ensuite à mieux structurer le secteur afin d’organiser son développement. À l’échelle nationale, je souhaite qu’il refonde le conseil supérieur de l’ESS au profit d’un dialogue entre les différents acteurs et l’État. À l’échelle locale, les chambres régionales de l’ESS joueront un rôle important pour répondre aux mutations et aux besoins des territoires. Il faut renforcer l’ancrage territorial de l’ESS et l’articuler aux politiques publiques locales. La loi reconnaîtra les pôles territoriaux de coopération économique – les PTCE – comme pôles de compétitivité de l’économie sociale et solidaire. Les PTCE institutionnalisent les synergies unissant entreprises de l’ESS, entreprises classiques, collectivités territoriales, laboratoires de recherche et structures de formation au sein d’une filière et d’un territoire. Il existera bien des pôles de compétitivité dont la spécialité et la spécificité sera l’économie sociale et solidaire. Ils permettront de mutualiser les moyens, favoriser l’innovation sociale et agir pour le développement durable des territoires et de l’environnement.
Enfin, le projet de loi a pour ambition d’offrir à l’ESS un cadre dans lequel orienter davantage de financements vers les entreprises de l’ESS. En effet, si nous nous contentions de reconnaître l’ESS sans la doter d’outils financiers adaptés, nous ne parcourrions que la moitié du chemin. La loi entend conforter les modèles existants et engager résolument un changement d’échelle. La promesse d’y consacrer 500 millions d’euros sera tenue. Telle est en effet la capacité d’engagement totale et Bpifrance sera pleinement mobilisée pour l’atteindre. Elle gérera un fonds de financement de l’innovation sociale, cofinancé par l’État et les régions au plus près des territoires et abondé à hauteur de 40 millions d’euros à partir de 2014. Le fonds distribuera des avances remboursables à concurrence de 500 000 euros. Un fonds de soutien financera en fonds propres les entreprises de l’ESS avec une capacité-cible d’une centaine de millions d’euros. Il investira notamment dans un fonds d’investissement dédié aux coopératives. Quant à la capacité d’engagement totale du nouveau dispositif de garantie de prêts bancaires de Bpifrance dédié aux entreprises de l’ESS, elle s’élèvera à cinquante millions d’euros.
Il faudra aussi davantage orienter l’épargne longue vers l’ESS. En effet, les encours de l’épargne solidaire dans notre pays ont explosé, passant de 600 000 euros en 2006 à 2,6 millions d’euros l’an dernier. Il faut à présent favoriser la création de nouveaux supports d’investissements pour aller encore plus loin.
Quel est l’autre axe de développement de l’ESS proposé par le projet de loi ? C’est l’orientation des achats publics vers les acteurs de l’ESS par la généralisation des schémas de promotion des achats socialement responsables. Il faut que tous les acteurs publics se saisissent des clauses sociales afin de faciliter l’accès aux marchés publics des entreprises de l’insertion par l’activité économique. Comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés, dans le cadre de mes précédentes responsabilités locales et gouvernementales, j’ai beaucoup travaillé pour et avec les associations, qui constituent l’employeur principal de l’ESS. Je sais combien le texte est important à leurs yeux. Au cours des dernières années, elles ont vu croître la commande publique au détriment des subventions et des conventions pluriannuelles.
Car le problème majeur auquel elles font face aujourd’hui, c’est le manque de financements, que ce soit en prêts, en fonds propres, en garanties bancaires, sous la forme de subventions ou de soutiens indirects. C’est pourquoi, en tant que ministre de la vie associative, j’ai signé avec Jean-Marc Ayrault une nouvelle charte des engagements réciproques en février dernier, une charte réunissant, pour la première fois, aux côtés de l’État et du mouvement associatif, toutes les associations d’élus de France. Cette charte, nous l’avons signée en Meurthe-et-Moselle, auprès du président du conseil général, Michel Dinet, ardent défenseur dans son engagement public de l’humain, des solidarités, de la vie associative, et dont je veux saluer la mémoire.