Intervention de Valérie Fourneyron

Séance en hémicycle du 13 mai 2014 à 15h00
Économie sociale et solidaire — Présentation

Valérie Fourneyron, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire :

Ce projet de loi conforte la charte et donne enfin une définition législative de la subvention, assurant sa sécurisation. Il rend plus attractif le titre associatif et ouvre l’accès à la grande capacité. Ma collègue Najat Vallaud-Belkacem, aujourd’hui chargée de la vie associative, viendra porter le titre V du projet de loi, qui lui est totalement consacré, grâce au travail réalisé par Yves Blein, l’ensemble des rapporteurs et la commission des affaires culturelles.

Et l’Europe dans tout cela ? Elle est aussi un levier pour donner corps à l’architecture de notre économie sociale et solidaire. Ce projet de loi s’inscrit dans le cadre de l’initiative de la Commission européenne pour promouvoir ce secteur comme acteur à part entière d’une « économie sociale de marché hautement compétitive ». À cet égard, le projet de loi organise le fléchage de financements européens vers l’ESS en France : des fonds d’investissement solidaires de droit français bénéficiant du nouveau label européen de fonds d’entrepreneuriat social pourront ainsi collecter de l’épargne longue auprès d’investisseurs institutionnels. Ce sera là une excellente opportunité pour attirer en France de nouvelles ressources, en vue de développer le financement de l’ESS.

Le gouvernement français poursuit, par ce projet de loi, le travail qu’il a mené au niveau européen, notamment lors de la conférence de Strasbourg, en janvier dernier. Comme vous le savez, le commissaire européen Antonio Tajani y a annoncé la prochaine publication des résultats de l’étude d’impact sur le statut de la mutuelle européenne. C’est une très bonne nouvelle car cela pourra être, pour chacun, pour tous les Européens, une véritable opportunité de vivre concrètement l’économie sociale en Europe.

J’aimerais à présent aborder la belle idée de l’entrepreneuriat collectif, que ce projet de loi promeut énergiquement. Le pouvoir d’agir, c’est le pouvoir d’être l’architecte de son destin. Lorsque nous pensons aux entreprises, nous avons trop souvent en tête l’entrepreneur individuel. Mais la création d’une activité grâce à une coopérative d’activité et d’emploi qui facilite la mise en commun de moyens avec d’autres entrepreneurs ou la reprise d’une entreprise en SCOP par les salariés, ce sont des solutions qui sauvent l’emploi, qui créent des emplois, et qui sont issues de l’engagement collectif.

Chacun d’entre vous connaît une petite entreprise – une imprimerie ou une scierie – qui, en fermant, détruit dix, vingt, trente emplois. À l’échelle des statistiques macro-économiques, c’est peu, mais à l’échelle d’un petit territoire, c’est souvent un séisme. La froideur des chiffres cache parfois de grandes tragédies humaines. Le Gouvernement est déterminé à agir pour préserver ces entreprises qui comptent tant dans et pour la cohésion territoriale du pays. C’est pourquoi il souhaite, avec le droit préalable d’information des salariés, leur permettre de proposer le cas échéant une offre de reprise, en leur donnant le temps de formuler une telle offre, moyennant des contreparties évidentes en matière de confidentialité. Je sais, mesdames et messieurs les députés, que la non-divulgation est un point qui compte beaucoup pour nombre d’entre vous et je tiens à vous rassurer sur ce sujet.

Ce droit d’information préalable est d’autant plus important qu’avec le poids de la mondialisation, les salariés français ont le sentiment que la gouvernance économique est éloignée d’eux, que les décisions relèvent de moins en moins des États et de plus en plus de sphères abstraites et lointaines. Il faut créer plus de liens entre le salarié et son entreprise. Avec le droit d’information préalable, le droit de propriété n’est pas remis en question : la liberté du cédant est intacte. Le droit d’information préalable est l’un des trois piliers du « trident » que nous avons conçu pour soutenir le « choc coopératif », les deux autres étant le nouveau statut de SCOP d’amorçage et le fonds SCOP mis en place par Bpifrance.

Ce projet de loi tout entier réhabilite l’entrepreneuriat collectif : il n’y a donc pas de raisons valables de s’y opposer dans les circonstances que j’ai décrites. Notre ambition est de placer les salariés dans la situation d’être des repreneurs potentiels, forts de leur compétence et de leur connaissance de l’outil de production. Ni plus, ni moins.

Comme vous, je suis aussi une élue locale et j’ai vu avec plaisir l’entreprise de métallerie SETCO à Malaunay devenir une coopérative reprise par ses salariés. Ce projet, accompagné par l’Union régionale des SCOP, est l’histoire d’un dirigeant d’entreprise qui aide ses salariés à reprendre leur entreprise, en négociant avec la banque les prêts dont ils ont besoin. C’est aussi cela, l’ESS.

Enfin, ce projet de loi aborde un nombre conséquent de sujets de modernisation et d’adaptation relatifs aux différents statuts des mutuelles, des associations, des fondations, des coopératives.

Accompagner l’essor de l’économie sociale et solidaire, c’est non seulement une exigence, mais c’est aussi notre devoir. C’est l’intérêt général, c’est aussi notre intérêt national. Qui peut encore croire que concilier performance économique et utilité sociale est un paradoxe ? Comme l’écrivait Marcel Proust, « les paradoxes d’aujourd’hui sont les préjugés de demain ». Demain, performance économique et utilité sociale pourront être reconnues comme synonymes ! Cette synonymie, c’est aussi l’idée forte que ce projet de loi défend.

Mesdames et messieurs les députés, la fatalité n’est qu’un vieux mythe à court d’imagination. C’est parce que j’ai cette conviction solidement ancrée que, médecin à Rouen, j’ai voulu m’engager auprès de mes concitoyens, pour ma ville et aujourd’hui pour mon pays. C’est parce que nous voulons changer l’ordre apparemment implacable des choses que ce projet de loi vous est présenté. C’est pourquoi je suis fière aujourd’hui de vous convier à ce rendez-vous historique de la reconnaissance de l’économie sociale et solidaire par la loi, pour lui donner les moyens de changer d’échelle et d’atteindre son plein potentiel.

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