Intervention de Hubert François

Réunion du 7 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Hubert François, président-directeur général des Salins du Midi :

Après avoir travaillé au sein du ministère de l'agriculture, j'ai rejoint l'entreprise des Grands Moulins de Paris, que j'ai dirigée pendant quatorze ans. Au cours de ces années, le chiffre d'affaires de l'entreprise a été multiplié par trois, passant de 350 millions d'euros à 1,3 milliard d'euros. L'emploi a également été multiplié par trois. J'ai beaucoup oeuvré au développement international de l'entreprise, tant en direction de pays partenaires de manière traditionnelle, comme le Mali ou la Guinée, mais aussi envers de nouveaux pays, principalement en Asie du Sud-Est et en Amérique du Nord. Au final, nous réalisions environ 40 % de notre activité à l'international en 2012. A cette époque, nous développions près de 400 nouveaux produits par an, ce qui montre que dans l'agroalimentaire, l'innovation se concrétise par la production de plus d'un nouveau produit par jour pour certaines entreprises. Il ne s'agit pas toujours d'innovation de rupture, mais la création d'un macaron au foie gras est des plus complexes à réaliser car il faut mélanger les saveurs et industrialiser la production. Nous parvenions à mettre au point ces nouveaux produits dans un délai de six semaines. Le temps de mise au point d'un produit est une notion fondamentale dans notre secteur, où il est très facile de copier un concurrent : il faut donc aller plus vite que les autres ! Nos performances nous ont permis, par exemple, de produire un milliard de croissants surgelés par an (Nutrixo). Vous en consommez tous les jours, y compris à l'Assemblée nationale, mais vous ne vous en doutez pas. Ces croissants sont des produits surgelés, mais sont très bons et garantissent une qualité et une sécurité impossible à assurer autrement.

J'ai rejoint les Salins du Midi depuis un an. Il s'agit d'une entreprise totalement différente, fondée en 1860, qui produit environ 3,5 millions de tonnes de sel par an. Cette entreprise fait également partie du patrimoine français, et accueille 100 000 visiteurs par an aux Salins d'Aigues-mortes. L'entreprise est également présente dans le Languedoc et en région Provence Alpes Côte d'Azur en raison des marais salants, ainsi que dans le sud-ouest grâce à la saline de Dax et dans l'est du pays en raison de la mine de Varangéville, située près de Nancy. Enfin, l'entreprise produit du sel de Guérande. Toutefois, la moitié de notre activité se situe hors de France, en Espagne, en Italie, en Tunisie ou au Sénégal, des régions venteuses et ensoleillées, très favorable à la production de sel. Je rappelle à ce titre que la production de sel est extrêmement écologique puisque les seuls moyens de production mis en oeuvre sont le soleil et le vent. C'est ce qui explique que nous ayons du mal, malheureusement, à produire du sel en Baie de Canche, pas suffisamment ensoleillée.

Permettez-moi de vous faire part de quelques étonnements. Je lis un article par jour qui indique que le sel est un poison. Comme pour beaucoup de produits, la presse joue un rôle très important dans la construction de l'image. Or, pour rappel, notre corps comporte 350 grammes de sel et si manger plus de 6 ou 7 grammes de sel par jour est assez dangereux, en manger moins de 3 grammes est immédiatement mortel. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé à l'été 2003 : les populations âgées, très sensibles aux messages dits « sanitaires », ont arrêté de consommer du sel. Or, en période de forte chaleur, le corps transpire et même en buvant beaucoup, on ne parvient pas à se réhydrater s'il n'y a pas de sel dans le corps pour fixer l'eau.

Par ailleurs, les entreprises agroalimentaires sont très innovantes mais on attend d'elle qu'elles maintiennent et transmettent des valeurs très traditionnelles, voire traditionalistes. Nous sommes donc forcés à nous montrer schizophrènes car on nous demande à la fois d'être innovants et de relayer des messages portant sur le respect des traditions.

Sur ce qui concerne notre filière en général, j'ai été personnellement un peu choqué par la disparition du secrétariat d'État à l'agroalimentaire. Nous devons nous positionner dans les instances publiques car notre secteur est important pour l'emploi et l'exportation en France. Mais nous ne sommes jamais au même endroit. Or nous devons trouver notre place, notamment par rapport à l'innovation, puisque s'il peut y avoir de l'innovation en filière, il peut aussi y en avoir hors des filières.

C'est le cas du contrat de filière dont je vais vous dire un mot. Il s'est donné sept thèmes. Patrice Robichon a parlé de « Food for life », qui est la plateforme opérationnelle permettant aux entreprises d'accéder aux aides. Pour mettre en oeuvre ces aides, il faut en définir le cadre d'utilisation. Mais c'est extrêmement complexe car nous sommes face à un millefeuille. Nous avons également comme objectif de moderniser les entreprises car les entreprises d'agroalimentaire en France souffrent d'un retard d'investissement énorme. Par exemple, dans la salière de 650 g de sel, il y a très peu de valeur dans le sel. L'essentiel de la valeur est dans le packaging. Or, nous sommes en retard en termes de machine pour fabriquer des packagings. Les industries agroalimentaires en souffrent. C'est un des axes de « Food for life France ».

Un autre axe est de clarifier les trophées de l'innovation. Ils sont complexes et trop nombreux. Beaucoup sont plus facilement accessibles pour les grandes entreprises que pour les PME.

Enfin, le groupe de financement de l'innovation travaille aussi sur les moyens de financement de l'innovation. Je pourrai répondre à vos questions dans ce domaine.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion