Intervention de Jean-Philippe Girard

Réunion du 7 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Jean-Philippe Girard, président de l'Association nationale des industries agroalimentaires, ANIA :

Oui vous avez raison. Une simple anecdote sur la question des marques de distributeurs (MDD) me permettra d'illustrer ce propos. J'ai présidé une commission sur la protection de l'innovation. Lorsqu'une entreprise est référencée auprès d'un distributeur, elle doit compléter un document de référencement qui nécessite de donner une masse d'information considérable. Il est normal que l'entreprise de distribution s'informe de la situation financière du fournisseur mais de ce fait elle est en position de presque tout savoir sur ce dernier : sa structure, son chiffre d'affaires, sa dépendance à l'égard de ce distributeur… Le produit, son étiquetage, ses pourcentages… Je suis dur au sujet de la moralité de certains acheteurs car certains font une copie de ces informations et les envoient directement au concurrent. En conséquence, le travail de recherche et développement, long et coûteux, peut être transmis directement à un concurrent qui n'a pas supporté la charge de l'innovation mais va bénéficier de l'information. Cette situation n'est pas tenable.

Je reviens maintenant sur la question du « fait maison ». Libre à celui qui veut inscrire la mention « fait maison » de le faire. Cette information peut être rassurante pour le consommateur. En un an, nous avons réussi à mettre autour de la table, pour un échange constructif, Coop de France, les industries agroalimentaires et la Confédération Générale des Artisans. Chacun doit trouver sa place. L'enjeu, c'est bien la volonté du consommateur. Les entreprises n'ont aucun intérêt à ne pas se concentrer sur cette dimension car s'il est déçu, le consommateur part acheter ailleurs.

J'en viens au Plan industrie du gouvernement. Sur les 33 plans sectoriels présentés au départ, aucun ne concernait l'agroalimentaire alors même que nous sommes le premier secteur industriel français. Cette anomalie a été réparée et nous avons obtenu un 34ème plan intitulé, de façon assez consensuelle, « Produits innovants, pour une alimentation sûre, saine et durable ». Nous avons souhaité prouver que l'agroalimentaire était une industrie responsable sur le plan social, écologique et économique en construisant notre projet. Une cinquantaine de projets régionaux étaient attendus mais ce sont en réalité 530 projets qui sont remontés des territoires. C'est formidable ! Il n'y aura pas des financements pour tous mais j'ai demandé au ministre qu'une réponse soit au moins envoyée à chaque entreprise pour expliquer les fléchages de crédits.

Concernant les contreparties au Pacte de responsabilité et de solidarité, j'ai obtenu une audience auprès du Président de la République le 15 avril. Nous sommes en discussion permanente mais la relation entre agriculteurs, industries agroalimentaires et distributeurs doit être soutenue. La politique agricole est décidée au niveau européen mais les industries alimentaires n'en sont pas destinataires. Par ailleurs, les relations avec la grande distribution sont souvent tendues même si j'apprécie nos interlocuteurs comme Serge Papin par exemple, qui s'est inscrit dans une véritable démarche de territoire. Reste que le politique d'achat des centrales est extrêmement dure en raison de la concurrence qu'elles se mènent entre elles. Je rappelle que les enseignes font leur rentabilité sur les fournisseurs car elles ne peuvent désaligner leurs prix. Je le dis avec une pointe d'humour mais la grande distribution ne fait rien en tant que tel. Elle a un rôle de service mais ne produit rien. Nos relations avec elle sont complexes. La loi de modernisation de l'économie a constitué une avancée sur la question des conditions générales de vente, sur l'application de la loi, le contrôle et la communication des sanctions mais elle n'empêche pas les menaces permanentes de déréférencement. Je veux dire cette vérité pour pouvoir discuter sur un pied d'égalité avec les patrons des grandes enseignes. Nous avons besoin des parlementaires pour avancer sur cette négociation entre nous. Elle devra s'établir entre des fournisseurs et des acheteurs responsables, responsables moralement. J'insiste sur ce terme de responsabilité. Il faut qu'acheteurs et fournisseurs soient responsables de leur métier, de leur avenir et de leur pays.

Quelques mots sur la Bretagne, sujet qui revient régulièrement du fait de son poids de 15 % dans le secteur. Elle est dans la zone rouge. Il y a un sujet. On doit trouver comment sortir de la crise en tenant compte de la question de l'offre et de l'amont.

Sur l'innovation, il est faux de dire que le secteur de l'agroalimentaire n'est pas générateur d'innovation. Prenez l'exemple du pain : en trente ans, l'offre en boulangerie a considérablement évolué pour se diversifier et permettre au consommateur de trouver une baguette selon ses goûts. Cette évolution peut ne pas vous paraître révolutionnaire. Je reconnais qu'il est plus facile pour un ministre de décrire l'avion du futur plutôt que l'aliment du futur. Reste que notre industrie regroupe 12 000 entreprises alors que l'aéronautique n'en rassemble que 10 à 30 avec les sous-traitants.

Une question a été posée sur l'alimentation connectée. Elle soulève en réalité le problème de la logistique virtuelle et réelle. Sur le virtuel, on doit se méfier du fait de la contrefaçon. Il faut avoir conscience du fait que les entreprises françaises se font copier et que des stratégies collectives doivent être menées.

Sur la distribution des produits, de nouvelles formes se développent. Dans les 530 projets, on retrouve de nombreuses initiatives intelligentes et astucieuses en matière de nouveaux circuits et de leurs coûts. Notre industrie n'est pas contre les circuits courts et agissons sur l'économie du produits et de ses matériaux. Mais nous devons rester à un prix accessible en jouant sur les trois leviers traditionnels : le contenu c'est-à-dire le produit, le contenant soit son emballage et enfin la logistique, son acheminement. Nous devons promouvoir sur ces trois points la qualité, la sécurité et la diversité de l'offre.

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