Nous avons fait le choix, difficile, de préserver les 730 millions d'euros prévus annuellement pour les études amont, dont environ 200 millions pour la dissuasion. C'est une volonté du ministre, appuyé par le DGA et par le CEMA. En période de tension budgétaire et d'engagement opérationnel intense, il est toujours tentant de privilégier les besoins immédiats. Mais en matière de défense, il ne faut pas céder aux sirènes du présent : ce sont notre industrie de défense et notre recherche qui, jusqu'ici, nous ont toujours permis d'avoir un coup d'avance. Certes, le maintien de ce niveau d'ambition pour les recherches amont implique des renoncements douloureux ailleurs, mais je précise que ces choix ne sont pas figés : selon les avancées technologiques, selon le calendrier, ils pourront être modifiés, puisque nous parlons ici de l'horizon 2030.
Nous avons effectivement choisi de conserver une part importante pour le nucléaire. N'oublions pas qu'il comporte une recherche duale, à la fois civile et militaire. Il est difficile de s'étendre pour des raisons de confidentialité, mais c'est un aspect très important.
Je ne crois donc pas que nous allions trop loin, bien au contraire. Tout est affaire de dosage et d'équilibre entre les besoins et les contraintes de chacun : opérationnels, chercheurs et industriels de défense, tous font partie d'une même équation. Je note que les Américains continuent à travailler de la même manière que nous dans le domaine du nucléaire – en dépensant évidemment bien plus, et pour cause : dans l'affrontement perpétuel entre l'épée et la cuirasse, il faut toujours disposer des armes idoines pour percer les défenses adverses. Cela étant, vous avez raison, nous disposons peut-être d'un petit temps d'avance sur certains points. Qui s'en plaindrait ? Cela contribue certainement à la réelle considération qu'ils ont pour nous, et à la qualité de notre dialogue. Je crois que l'équilibre auquel nous sommes parvenus est satisfaisant. Les ingénieurs veulent bien sûr toujours aller plus loin, et c'est leur rôle. Le mien est de veiller à un bon équilibre.
Sur la contrainte budgétaire, je redis qu'à mon sens, la copie de la LPM est bonne, cohérente. La question est maintenant celle de son respect. J'ai déjà beaucoup insisté sur ce point. C'est un équilibre entre des facteurs nombreux – contrat opérationnel, personnel, équipements, formation, logistique… Les membres de votre commission l'ont bien compris, mais cela reste parfois difficile à expliquer aux profanes.
Toute entorse à la LPM remettrait en cause ces équilibres qui ont été calculés au plus juste, et donc l'économie de la LPM tout entière. Sur les rémunérations, nos seules marges de manoeuvre sont le recrutement, le vieillissement des combattants, ou l'avancement, ce qui ne serait pas bon pour le moral des troupes. Sur les infrastructures, tout a été fait pour réduire les dépenses alors que les besoins sont grands ; les travaux dans les ports ont été retardés, par exemple. Vous connaissez la situation des matériels : en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO), nous avons fait tout ce qui était possible, notamment en prolongeant la durée de vie de vieux équipements.
Quant au fonctionnement, l'an dernier, nous avions tellement réduit les dépenses que le ministre a dû dégager 30 millions d'euros en catastrophe, au mois d'octobre, pour chauffer les bâtiments ! Je ne crois donc pas que l'on puisse gagner encore sur le fonctionnement. Je n'ai rien contre les gains de productivité, mais à un moment, la corde casse ! Ainsi, le ministre a décidé d'accroître les crédits consacrés à l'activité opérationnelle sur la période, en considérant que nous étions arrivés à des seuils où la capacité opérationnelle était mise en cause.
Vous connaissez nos choix budgétaires en matière d'équipement, et vous savez combien ils ont été douloureux. Les hélicoptères interarmées légers (HIL) ont été repoussés à 2027 ! Les quelques programmes nouveaux qui doivent être lancés sont la seule marge de manoeuvre. Je ne vois donc pas comment aller au-delà de ce qui a été fait.
Je demeure optimiste, positif, parce que la LPM a été élaborée par des gens responsables et compétents ; mais elle ne peut pas être aménagée : si on la retouche, alors ce sera une autre LPM. Voilà le discours que nous tenons, que tient le ministre de la Défense, que tiennent les chefs d'état-major. C'est pourquoi je compte sur votre soutien. La Défense a déjà beaucoup contribué à la réduction des dépenses publiques : nous aurons perdu 80 000 postes entre 2008 et 2018, et 40 milliards d'une LPM à l'autre ! C'est déjà un effort absolument considérable. N'oublions pas qu'aujourd'hui, notre armée combat sur des théâtres dangereux : nous avons 9 000 hommes engagés dans des opérations extérieures.
Si l'on devait aller plus loin dans la réduction des dépenses, les conséquences seraient nécessairement importantes : les capacités opérationnelles seraient touchées, ainsi que nos capacités industrielles, ce qui entraînerait des pertes d'emplois ; enfin, la conséquence la plus inquiétante serait sociale, car les personnels auraient du mal à l'accepter.