Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 13 mai 2014 à 17h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Chevrollier :

L'inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour a été pour moi une heureuse surprise, tant ce texte répond à une attente forte de la part des élus locaux, notamment des élus ruraux. La question de la domanialité des ponts et des routes est un véritable serpent de mer. Dominique Bussereau, alors secrétaire d'État aux transports, avait déjà réuni, en 2009, une commission de travail sur le sujet. À l'issue des travaux de cette commission, deux propositions de loi avaient été déposées au Sénat, l'une émanant du groupe UMP, l'autre du groupe communiste, républicain et citoyen ; le changement de majorité au Sénat a fait que c'est cette dernière qui a été discutée, puis adoptée à l'unanimité le 17 janvier 2012. Elle répond à l'inquiétude des élus dont les communes sont traversées par des routes, des autoroutes, des voies navigables ou des lignes de chemin de fer nécessitant la construction de ponts ou d'ouvrages d'art de rétablissement des voies.

Ce sujet concerne tout particulièrement la Mayenne, la Sarthe et l'Ille-et-Vilaine, dont cinquante-sept communes sont traversées par la nouvelle ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire. C'est ainsi que j'ai été alerté par de nombreux maires au sujet de la domanialité des ouvrages d'art et de ses conséquences. J'ai donc déposé en juillet 2013 une proposition de loi similaire à celle que nous examinons aujourd'hui et qui avait été cosignée par plusieurs de mes collègues.

La jurisprudence du Conseil d'État considère, depuis un arrêt du 26 septembre 2001, que les collectivités territoriales sont nécessairement propriétaires des ouvrages de rétablissement, ce qui n'est pas contesté. Ce qui l'est en revanche, c'est que le Conseil d'État estime en conséquence que la maîtrise d'ouvrage et les obligations de sécurité, d'entretien et de renouvellement de la structure de l'ouvrage d'art incombent aux collectivités, comme pour la chaussée. Or les coûts d'entretien, de réfection, voire de reconstruction, excèdent largement les ressources de la plupart des communes. Pourtant, celle de La Cropte en Mayenne, qui compte 224 habitants, va devoir entretenir le pont qui franchira la ligne à grande vitesse…

L'enjeu financier global s'élève à plusieurs dizaines de millions d'euros par an pour les charges liées à la surveillance et à l'entretien, et à plusieurs centaines de millions d'euros pour les travaux de renouvellement d'un ouvrage d'art. Il faut d'ailleurs noter que beaucoup d'élus ignorent que ces charges leur incombent, d'où leur surprise quand on leur demande d'effectuer et de financer les travaux nécessaires.

C'est donc une réelle épée de Damoclès qui pèse sur eux, car ces ouvrages sont très nombreux : 4 750 rien que pour les routes départementales ! Beaucoup sont heureusement récents et en bon état, mais la question de leur renouvellement va forcément se poser un jour, notamment pour ceux qui ont été construits après-guerre.

L'objet de cette proposition de loi est donc d'établir une répartition claire des charges entre les communes et les maîtres d'ouvrage. Elle pose un principe simple : celui qui décide de construire une nouvelle voie en assume les conséquences. Les collectivités sont donc dispensées de la prise en charge de la gestion, de l'entretien et de l'éventuel renouvellement de la structure de l'ouvrage de rétablissement, mais gardent la responsabilité de la chaussée et des trottoirs.

Le texte pose aussi l'obligation pour les parties de signer une convention, ce qui permettra une clarification des responsabilités et une information de chacune sur celles-ci.

Une autre disposition autorise, en cas de litige, une dénonciation des conventions existantes, permettant qu'une nouvelle convention soit conclue sur la base des principes de répartition établis dans cette proposition pour les ouvrages d'art futurs. Il en serait de même dans les cas où aucune convention n'aurait été passée. Cette disposition est lourde de conséquences et avait justifié, lors du débat au Sénat, les réserves du Gouvernement d'alors. En effet, la renégociation prévue aux alinéas 14, 15 et 16 de l'article 1er peut être source d'instabilité juridique et financière. Elle n'en sera pas moins indispensable pour nombre de communes en cas de travaux importants qu'elles ne pourront assumer.

Je me dois également de signaler une demande des élus de communes traversées par une ligne à grande vitesse. Ces communes subissent de nombreux effets indésirables – bruit, coupure de routes entraînant un allongement des parcours, etc. – qui font fuir certains habitants. En sus de ces nuisances, ces projets d'infrastructures signifient pour les collectivités une perte de base d'imposition sur le bâti et le non-bâti et la création de zones inconstructibles en bordure du tracé. Ces communes réclament donc une redevance annuelle pérenne, comme il en existe pour les autoroutes, les lignes à très haute tension ou les éoliennes. Un fonds de solidarité territoriale a certes été créé mais, là où il faudrait une redevance forfaitaire annuelle pérenne, il ne s'agit que d'ouvrir par ce moyen un droit à subvention, plafonné à 80 %. Le candidat François Hollande avait, en son temps, laissé espérer une compensation qui semble avoir été oubliée par le Président élu.

Cela étant, nous soutiendrons cette proposition de loi, dont nous espérons qu'elle sera adoptée à l'unanimité, comme au Sénat. Nous libérerons ainsi les communes d'une responsabilité trop lourde pour elles tout en garantissant la sécurité de nos concitoyens.

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