Intervention de Jacques Bompard

Réunion du 14 mai 2014 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

C'était une bonne chose que de créer cette structure, mais il y a lieu de s'inquiéter de son fonctionnement.

L'alinéa 9 de la proposition de résolution européenne est assez timide dans sa critique : plutôt que de parler de « dispositions insuffisantes », nous devrions faire état des craintes qu'inspire la grave absence de tout examen démocratique de l'action d'Eurojust.

De manière bienvenue, l'alinéa 10 tente de faire barrage à un fonctionnement opaque d'Eurojust que l'on justifierait par des contraintes réglementaires, et de préserver le pouvoir des parlements européen et nationaux. Toutefois, faute d'attaque contre la logique technocratique, il risque de rester un voeu pieux.

L'alinéa 11 propose la création d'une commission mixte, commune au Parlement européen et aux parlements nationaux, afin de garantir l'évaluation d'Eurojust. Cette disposition va dans le bon sens, mais reste prisonnière de la perte de souveraineté des parlements nationaux qui résulte des réformes de Bruxelles. Comment se satisfaire d'un dispositif « sparadrap » quand l'architecture sécuritaire de notre pays est en péril ?

L'alinéa 13 ne va pas assez loin dans sa critique de la disposition scandaleuse qui acte encore la prééminence de la Commission européenne. Le fait que cette dernière veuille nommer le directeur administratif d'Eurojust est tout simplement intolérable. Il faut comprendre que cette Commission exaspère les Français !

Les alinéas 14 et 15 traitent de la protection des données. Le premier refuse de présumer de l'accord donné par un État membre au transfert de données à caractère personnel vers des organes de l'Union. En effet, nous ne pouvons accepter ce principe : s'il faut bien entendu tout mettre en oeuvre pour faciliter la traque des criminels transfrontaliers, nous ne saurions abandonner cet aspect essentiel de la sécurité intérieure. Par ailleurs, les parlements nationaux doivent continuer de défendre la vie privée dans le traitement des données, même s'il s'agit de criminels, la justice et la sécurité intérieure demeurant des éléments constitutifs du pouvoir régalien.

S'agissant de l'immigration criminogène, aucune action n'est proposée. Or, comme le montre la situation en Italie, l'immigration clandestine, qui explose en Europe – l'agence Frontex fait état d'une hausse de 48 % entre 2012 et 2013 –, pose de graves problèmes qui inquiètent les populations locales : maladies, criminalité, démultiplication des coûts sociaux. L'Europe doit elle aussi s'en inquiéter.

J'en terminerai par la méthode. Eurojust a été créée en 2002 par une décision du conseil des ministres de l'Union européenne afin de lutter contre les formes graves de criminalité. Cette disposition a été transposée en droit français par l'article 17 de la loi du 9 mars 2004. Nous ne pouvons que regretter qu'aucun parlement national n'ait jugé utile de prévoir les garde-fous nécessaires à la préservation de la souveraineté nationale. C'est la question de la subsidiarité qui est une nouvelle fois posée, comme le notait le Sénat dans son rapport du 17 avril dernier. Or, sans subsidiarité, l'Europe perd l'essence même de son droit à exister.

Aux termes de l'article 85 du TFUE qui lui est consacré, « la mission d'Eurojust est d'appuyer et de renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites relatives à la criminalité grave affectant deux ou plusieurs États membres ou exigeant une poursuite sur des bases communes, sur la base des opérations effectuées et des informations fournies par les autorités des États membres et par Europol ». Il y a donc eu tromperie sur la marchandise, puisqu'au lieu de l'organe de coopération promis, nous sommes confrontés à une intégration forcée qui ne respecte plus le principe de subsidiarité.

Permettez-moi de conclure en me référant à Saint Thomas : l'objet naturel de toute intervention en matière sociale est d'aider les membres du corps social, et non de les détruire ou de les absorber – comme le font en quelque sorte nos institutions européennes.

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