Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du 15 mai 2014 à 15h00
Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, le projet de loi adopté en première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, transpose deux directives visant à renforcer les droits de la défense dans le cadre des procédures pénales : la directive du 22 mai 2012, qui renforce le droit à l’information des personnes suspectées ou poursuivies et doit être transposée en droit interne au plus tard le 2 juin 2014, et certaines dispositions de la directive du 22 octobre 2013 relatives au droit d’accès à un avocat pour les personnes suspectées dans le cadre de l’audition libre, lesquelles bénéficient désormais d’un statut juridique complet.

Grâce au travail sérieux de nos deux assemblées en première lecture et aux échanges fructueux avec mon collègue sénateur et rapporteur du texte, M. Jean-Pierre Michel, nous avons pu présenter des propositions de rédaction communes lors de la commission mixte paritaire. Celle-ci fut un succès, puisque le texte que nous présentons aujourd’hui a recueilli l’unanimité des voix, suite à l’adoption de toutes les propositions des deux rapporteurs, des parlementaires de la majorité et de ceux de l’opposition.

Je suis ravie de constater que nous sommes parvenus à un texte équilibré, dans le souci de l’intérêt général, qui renforcera les droits de la défense – ceux des personnes soupçonnées ou poursuivies – tout en améliorant l’efficacité des procédures d’enquête et des procédures judiciaires. Je suis aussi satisfaite de constater que ce projet de loi, qui transpose des directives européennes en respectant les délais – merci, madame la garde des sceaux –, nous permet de poursuivre l’amélioration de notre dispositif de procédure pénale.

Au chapitre Ier, sur proposition de M. Guy Geoffroy, la commission mixte paritaire a estimé opportun de remplacer, dans le titre et dans chaque article de ce chapitre, les mots « suspect » et « personne suspectée », employés par la directive, par les mots « personne soupçonnée », dans la mesure où il s’agit d’une personne auditionnée librement. Ainsi, l’expression « personne suspectée » n’est plus employée que pour désigner une personne auditionnée sous contrainte, c’est-à-dire placée en garde à vue ou en détention provisoire.

Au sein même de ce chapitre Ier, sur proposition des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire a complété l’article 1er en indiquant que l’officier de police judiciaire doit rappeler à la personne soupçonnée les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle « par tout moyen », ce qui permet tant l’affichage de ces informations dans les locaux, que nous avons suggéré dans le rapport, que la remise d’un document écrit.

La commission mixte paritaire a également sécurisé le texte adopté par l’Assemblée nationale s’agissant de la convocation adressée à une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction, en précisant que cette convocation écrite mentionnera l’infraction reprochée « si le déroulement de l’enquête le permet » – ce dernier critère relevant de la seule appréciation des officiers de police judiciaire –, en lieu et place de la mention « sauf si les nécessités de l’enquête l’exigent », qui aurait été facteur de contentieux. Cette convocation précise aussi les droits de la personne soupçonnée à un avocat et à une assistance juridique.

À l’article 2, la commission mixte paritaire a apporté deux précisions de coordination, suite à l’instauration d’une possibilité de confrontation entre la personne soupçonnée libre et la victime.

J’en viens au chapitre II relatif aux personnes faisant l’objet d’une privation de liberté. À l’article 3 relatif à la garde à vue, la commission mixte paritaire a modifié les conditions dans lesquelles une personne qui ne serait pas déférée devant le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention peut contester la légalité de la prolongation de sa garde à vue. Sur proposition des deux rapporteurs, elle a indiqué que cette personne ne pourra plus contester la prolongation de sa garde à vue par écrit, mais qu’elle pourra « faire connaître ses observations oralement dans un procès-verbal d’audition qui devra être communiqué au magistrat avant qu’il ne statue sur la mesure de prolongation ». Cela permettra d’éviter des difficultés, notamment lorsque la personne ne sait pas écrire ou n’écrit pas en français.

Au chapitre III relatif aux personnes poursuivies devant les juridictions d’instruction ou de jugement, la commission mixte paritaire a modifié le texte de l’Assemblée nationale sur plusieurs points.

Sur proposition de M. Dominique Raimbourg, et avec l’avis favorable des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire a supprimé une précision introduite par l’Assemblée nationale à l’article 6, qui permettait aux parties ou à leurs avocats de se faire délivrer copie des pièces du dossier, « y compris les éléments de personnalité et le bulletin n° 1 du casier judiciaire ». Ces éléments figurent déjà dans le dossier de la procédure ; en outre, toute personne a le droit d’obtenir communication du relevé intégral des mentions du casier judiciaire la concernant, dans les conditions prévues à l’article 777-2 du code de procédure pénale. Cette précision avait été ajoutée en raison du constat, dressé lors des auditions, que ces deux dernières pièces n’étaient pas toujours contenues dans le dossier et qu’elles étaient difficiles à obtenir. Le rapport mentionne cette obligation de transmission : l’information ainsi limitée dans la loi nous paraît suffisante, et une circulaire pourra peut-être rappeler opportunément la liste des pièces devant figurer au dossier.

À l’article 6 bis A, sur proposition des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire a précisé que le décret d’application de l’article 803-5 du code de procédure pénale, auquel il est fait référence s’agissant du droit à la traduction, mentionne la liste des pièces devant être traduite, mais pas uniquement ces pièces, comme pouvait le laisser penser la rédaction du texte adopté par l’Assemblée nationale.

À l’article 6 ter, introduit à l’Assemblée nationale pour permettre aux personnes détenues d’avoir accès aux enregistrements de vidéo-surveillance dans le cadre d’une procédure disciplinaire, la commission mixte paritaire a jugé nécessaire de tirer les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 25 avril 2014, pour remonter au niveau législatif l’ensemble des garanties procédurales accordées aux personnes détenues faisant l’objet d’une procédure disciplinaire. Désormais, il est précisé que le décret disposant du régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté, mentionné à l’article 726 du code de procédure pénale, « détermine les conditions dans lesquelles le dossier de la procédure disciplinaire est mis à la disposition [de l’intéressé] et celles dans lesquelles l’avocat, ou l’intéressé s’il n’est pas assisté d’un avocat, peut prendre connaissance de tout élément utile à l’exercice des droits de la défense, sous réserve d’un risque d’atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes ».

Cette nouvelle rédaction devrait satisfaire en particulier M. Coronado, car elle concrétise l’amendement qu’il avait déjà présenté en commission et auquel votre rapporteure avait donné un avis favorable.

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