Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, mes chers collègues, au-delà d’une simple transposition de directive européenne, le texte que nous étudions aujourd’hui soulève les nombreux problèmes auxquels la France est confrontée en matière de procédure pénale.
La directive du 22 mai 2012 s’impose à notre pays pour améliorer le droit à l’information des personnes suspectées d’une infraction pénale, ou poursuivies à ce titre. Dans un pays libre et démocratique comme la France, qui pourrait s’élever contre un texte renforçant les droits de la défense ? Qui pourrait s’opposer à un texte permettant aux gardés à vue, aux personnes auditionnées librement ou encore à celles entendues sous statut de témoin assisté, d’avoir une meilleure information sur leurs droits ?
Ce projet de loi est indéniablement nécessaire à notre système judiciaire, mais il souffre d’un mal bien connu dans cet hémicycle : une certaine impréparation, d’où une certaine précipitation. Nous n’ignorons pas que nous devons transposer cette directive avant le 2 juin 2014, mais nous ne pouvons nous empêcher de penser que cette course à la transposition nous donne un texte plutôt frustrant, et ce pour deux raisons.
D’abord, il n’est pas assez abouti, Guy Geoffroy l’a dit à plusieurs reprises. C’est un constat que nous pouvons imputer à l’urgence de cette transposition, si tant est qu’il y ait eu urgence, car nous savons depuis 2012 que la date butoir était fixée au 2 juin 2014.
Ensuite, ce projet de loi a tendance à un peu trop s’éparpiller : j’en veux pour preuve l’article 10 sur le droit d’asile, cavalier législatif qui a, fort heureusement, été supprimé par le Sénat.
Si je m’attarde un peu sur la forme générale de ce texte, c’est que pour le groupe UDI, la procédure pénale mérite une réforme complète que notre pays tarde à mettre en oeuvre. Et ce genre de texte nous laisse malheureusement un arrière-goût d’inachevé – ce mot a d’ailleurs été prononcé tout à l’heure. Malgré tout, nous saluons le fait que le Gouvernement respecte les règles du jeu de l’Union européenne – cela semble être la moindre des choses – condition nécessaire pour renforcer la confiance mutuelle entre les États membres.
Ce projet de loi a le mérite de renforcer le droit à l’information des personnes auditionnées librement par l’officier de police judiciaire. Ce texte permet donc à des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions, mais qui sont libres, d’être entendues après avoir été informées de leurs droits : celui, par exemple, de pouvoir quitter à tout moment les locaux ou encore celui de choisir de se taire.
Créer un véritable statut du « suspect libre » est évidemment une avancée nécessaire pour notre système judiciaire et pour l’encadrement des auditions de ces personnes, libres mais soupçonnées. Je me réjouis d’ailleurs de voir que la Commission mixte paritaire ait retenu le terme de « soupçonné » plutôt que celui de « suspecté ». C’est d’ailleurs l’une des seules modifications qu’elle ait apportée, mais elle est essentielle. Cette imprécision aurait pu être préjudiciable par la suite, comme le rappelait la semaine dernière notre collègue Guy Geoffroy.
Le groupe UDI formule cependant une réserve quant aux droits des personnes ne faisant pas l’objet d’une garde à vue. Selon l’article 1er du projet de loi, en cas de suspicion de commission d’un délit susceptible d’être puni d’une peine d’emprisonnement, ces personnes libres – j’insiste sur le mot « libres » – ont le droit d’être assistées par un avocat au cours de l’audition ou de la confrontation. Cette mesure ne risque-t-elle pas d’alourdir des procédures déjà trop longues et souvent très complexes ?
Une audition libre ne peut excéder quatre heures, et elle est souvent pratiquée par les policiers. Il ne faudrait pas prendre le risque d’entraver un système qui fonctionne bien et qui a su prouver son efficacité avec le temps. Il ne faudrait pas non plus vouloir transformer l’audition libre en garde à vue.
De plus, je me permets de rappeler que cette mesure est directement liée à la directive du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat, directive que la France doit transposer d’ici le 27 novembre 2016. Je forme le voeu que l’on n’attende pas le 27 octobre 2016 pour la transposer.