Intervention de Christiane Taubira

Séance en hémicycle du 15 mai 2014 à 15h00
Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales — Discussion générale

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

mais je crois que nous partageons cette préoccupation. C’est une nécessité de cohérence pour notre code pénal.

Nous nous retrouverons donc, pas simplement dans l’hémicycle : je vous l’ai dit, je vous soumettrai très vite des propositions et vous inviterai à les travailler, de façon que nous écrivions la loi à plusieurs mains et assez tôt.

Monsieur Chassaigne, vos inquiétudes sur l’aide juridictionnelle sont partagées. Vous savez que nous avons de grandes ambitions en vue d’une réforme. Cela fait plus d’une dizaine d’années que, sur tous les bancs, dans les deux chambres du Parlement, toutes celles et tous ceux qui connaissent le sujet disent que le système est à bout de souffle. Nous avons une demi-douzaine de rapports à disposition, et depuis mon arrivée j’y travaille sérieusement. J’ai affiché de très grandes ambitions, puisque je souhaite faire de l’aide juridictionnelle une véritable politique nationale de solidarité. Malheureusement, il faut des moyens : il faudrait pratiquement doubler le budget actuel de l’aide juridictionnelle, de façon, d’une part, à relever le plafond de ressources qui est quand même très modeste, puisqu’il est inférieur au seuil de pauvreté ; de façon, d’autre part, à actualiser le montant de l’unité de valeur qui est demeuré le même depuis 2007, c’est-à-dire depuis sept ans ; de façon, aussi, à élargir le champ des contentieux, parce qu’il y a des contentieux qui comptent beaucoup pour les justiciables à revenus modestes, mais qui ne sont pas inclus dans le champ de l’aide juridictionnelle.

Si nous améliorons, au niveau de nos juridictions, les procédures facilitant l’accès à l’aide juridictionnelle, il y a des choses à faire, et j’ai cette grande ambition. Cela fait un moment que je cherche des ressources. Elles ne sont pas faciles à trouver. Nous avons travaillé sur plusieurs pistes, et j’ai fait étudier les conditions dans lesquelles on pourrait se mobiliser, y compris ce qui concerne les mécanismes de recouvrement.

Du point de vue technique et juridique, les choses sont complètement maîtrisées. Du point de vue de la faisabilité, c’est autre chose : il faut quand même un minimum de bonne volonté de la part des professions juridiques et puis nous sommes dans une période de difficultés budgétaires. Le Gouvernement ne souhaite pas créer de nouveaux prélèvements obligatoires, ce qui limite les marges pour diversifier les ressources. Je continue à penser que celles-ci doivent être diversifiées pour pérenniser l’aide juridictionnelle, mais nous y reviendrons puisque nous aurons le débat parlementaire sur le budget.

Pour répondre en tout cas à votre préoccupation, nous avons tenu compte des besoins au-delà même de ce qui est estimé dans l’étude d’impact, puisque en plus du besoin potentiel, nous avons aussi estimé ce qu’il va générer de dépenses supplémentaires dans nos juridictions. Et c’est sur cette base-là que nous discutons le budget du ministère de la justice : nous avons demandé une augmentation de 50 millions d’euros. Je ne doute pas que les parlementaires seront extrêmement actifs pour faire valoir le bien-fondé de cette demande.

Par principe de réalité, nous avons, pour tenir compte de ces difficultés, reporté à 2015 l’application de cette disposition, pour être sûr que le budget de l’État soit en mesure de la financer. Il y aurait pour ainsi dire une « entourloupe » pour les justiciables, pour les citoyens, à affirmer un droit, à l’inscrire dans la loi, sans créer les conditions qui le rendent effectif.

Inscrire ce droit sans être en mesure de le rendre effectif conduirait à des pratiques très simples et bien connues : des pratiques dilatoires, des pratiques de contournement, des ruses. Nous n’avons pas envie de tromper les citoyens. Nous n’allons pas ouvrir un droit et inventer après une montagne d’obstacles et de difficultés pour empêcher ce droit d’être effectif. Nous ouvrons ce droit, mais pour respecter le calendrier budgétaire, nous veillons à ce qu’il devienne effectif à partir du moment où le budget sera en mesure de faire face.

Nous y reviendrons sans doute, mais je tenais, par respect pour vous, à vous répondre déjà un peu longuement.

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