Face à l'aberration d'un projet du xxie siècle conçu à l'aide des outils et des modèles du xixe, les députés écologistes s'opposent à la ratification du traité franco-italien sur le Lyon-Turin. Prévisions de trafic fantasques, rentabilité non démontrée de la future ligne, sources de financement hasardeuses pour un budget pharaonique, dans un contexte de disette budgétaire, incompatibilité avec les conclusions de la commission Mobilité 21, problèmes climatiques et de santé publique liés à l'émission de particules fines par le trafic routier, consommation d'espaces agricoles : la table ronde convoquée hier par Mme Danielle Auroi, présidente de la Commission des affaires européennes de notre Assemblée, a permis d'établir la longue liste des nombreuses contradictions inhérentes à un projet qui ne semble avoir d'autre raison d'être que de ne pas renier les engagements pris par la France il y a plus de vingt ans, sur des fondements tous remis en cause depuis !
Comme l'a rappelé hier mon collègue Paul Molac, nous disposons des moyens de moderniser la ligne existante pour passer très vite au fret ferroviaire. En effet, la ligne fait partie d'une infrastructure qui va d'Almería à la frontière ukrainienne, déjà harmonisée et fonctionnelle, et qui n'est aujourd'hui utilisée qu'à 17 % de sa capacité de 20 millions de tonnes. Notre collègue François-Michel Lambert a en outre demandé aux promoteurs du projet comment ils intégraient à leurs scénarios les solutions alternatives que sont la technologie R-shift-R, la motorisation répartie ou l'internet physique, qui se développent ailleurs dans le monde et permettraient de moderniser la ligne existante pour un coût inférieur aux 26 milliards d'euros annoncés.
Le représentant de la Cour des comptes à la table ronde, rappelant les principales conclusions du référé de la Cour en date du 12 août 2012, ne dit pas autre chose lorsqu'il souligne que les solutions techniques alternatives ont été écartées trop vite, que le pilotage du projet n'est pas assez lisible et que son plan de financement reste incomplet, alors que le coût total estimé ne fait que croître.
M. Noël Mamère, auteur le 23 septembre dernier, avec M. Paul Molac, Mme Michèle Bonneton et M. François-Michel Lambert, d'une plainte pour mise en danger de la vie d'autrui par abstention auprès du procureur de la République de Chambéry, interpelle les autorités en leur rappelant que ceux qui ne font rien pour utiliser la ligne existante – sur laquelle pourraient circuler 800 000 à 1 million de camions transportant des marchandises – mettent en danger la vie des populations riveraines. En d'autres termes, l'on fait fi des coûts environnementaux et sanitaires de l'inaction et du privilège de la route.
Pour les écologistes, le message est clair : la priorité doit être donnée à la prospective et aux solutions techniques du xxie siècle, afin de moderniser et d'exploiter la ligne existante de manière à favoriser le fret ferroviaire, en utilisant les financements publics comme le préconise la commission Mobilité 21.
Nous émettrons donc un avis défavorable à ce projet de loi.