Je souhaite faire une observation sur nos conditions de travail. Nous avons reçu les invitations aux auditions concernant ce texte lundi soir, alors qu'elles avaient commencé ce même jour. Cette situation n'est pas admissible. Je vous demande de veiller à ce que pareille situation ne se reproduise pas.
Pour permettre l'adoption de la loi relative à la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale, Michel Sapin a dû renoncer à maintenir dans le texte la réforme de l'inspection du travail. En effet, le 20 février 2014, 201 sénateurs votaient contre l'adoption de l'article 20 réformant l'inspection du travail, véritable cavalier législatif.
Malgré le vote négatif de parlementaires de tous bords et l'opposition de plusieurs syndicats, le Gouvernement a maintenu la réforme à l'ordre du jour en la scindant en deux parties : une partie relative à l'organisation interne de l'inspection, qui a fait l'objet d'un décret publié le 21 mars 2014, soit exactement deux semaines après la promulgation de la loi, ce qui s'apparente à un véritable déni de démocratie ; une partie relative à l'extension des pouvoirs de l'inspection du travail, qui prend la forme de cette proposition de loi.
Sur la forme, cette proposition de loi se caractérise par la précaution tous azimuts qui la gouverne.
L'exposé des motifs indique que « les signataires de cette proposition espèrent que les nouvelles concertations auxquelles donneront lieu tant le projet de décret du Gouvernement que la présente proposition permettront de dissiper tous les malentendus qui subsisteraient sur la préservation de l'indépendance des agents de contrôle de l'inspection du travail ». On ne peut que se féliciter d'une telle déclaration d'intention. Hélas, le décret a été publié dès le 21 mars, quelques semaines seulement après le désaveu infligé par le Parlement. Les organisations syndicales les plus représentatives n'ont pas manqué de dénoncer l'acharnement du ministre. Au regard de la procédure et du calendrier choisis, quel sens donnez-vous encore au dialogue social ?
Sur le fond, l'absence d'équilibre du texte pose question. Cette proposition donne davantage de pouvoirs aux agents de contrôle, d'une part, en matière de sanctions et, d'autre part, en matière d'investigation. Si l'on peut saluer l'extension du pouvoir des agents en matière de santé au travail, ainsi que le recours à la transaction pénale, on ne peut que dénoncer le pouvoir exorbitant qui est conféré aux agents de contrôle en matière d'accès aux documents. En effet, cet accès est rendu possible par l'article 4 dès lors que « les documents sont nécessaires à l'accomplissement de la mission des agents ». Dans la mesure où la liste n'est pas limitative, cette définition comporte le risque d'une appréciation purement subjective.
Qu'en sera-t-il si un inspecteur estime qu'un contrat entre l'entreprise contrôlée sous-traitante et Airbus est nécessaire à sa mission ? Et s'il considère que le certificat du dépôt d'un brevet de l'entreprise à l'INPI et la notice de description du brevet sont nécessaires à sa mission ? Ou encore s'il juge que les résultats des travaux expérimentaux de la recherche fondamentale engagée dans l'entreprise sont nécessaires à sa mission ?
Les agents de contrôle pourront prendre copie des documents, ce qui soulève un autre problème, car cela risque de compromettre le secret professionnel, ce qui, dans un environnement très concurrentiel, peut être préjudiciable aux entreprises.
Enfin, on peut s'inquiéter des conséquences des amendes administratives sur la santé des entreprises fragiles. L'article 2 prévoit une amende pouvant aller jusqu'à 2 000 euros par travailleur concerné par infraction, soit, pour cinquante salariés, 100 000 euros !
De plus, l'administration pourra appliquer ces sanctions sans mise en demeure préalable, c'est-à-dire sans laisser le temps à l'entreprise de régulariser sa situation. L'entreprise ne disposera en effet que d'un délai de un mois pour faire part de ses observations au DIRECCTE. En outre, les sanctions ne pourront pas faire l'objet de recours gracieux.
Sans contester la nécessité de l'inspection du travail, la proposition de loi va alourdir les contrôles pesant sur les petites entreprises. Son adoption risque d'être perçue comme un signe de défiance à l'égard des entreprises. L'inspection du travail ne doit aucunement être une inquisition du travail. En résumé, le texte n'est pas satisfaisant.