Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du 15 avril 2014 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'ASN :

Je vais citer quelques données sur l'activité quotidienne de l'ASN en 2013. En premier lieu, pour les activités nucléaires : 2 191 inspections ont été réalisées, 3 événements ont été classés au niveau deux dans l'échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires) et 127 au niveau un. En second lieu, pour la radiothérapie, nous avons recensé 6 événements de niveaux deux et 91 de niveau un sur l'échelle ASN-SFRO (société française de radiothérapie oncologique). En troisième lieu, nous avons dressé 36 procès-verbaux et le collège de l'ASN s'est réuni 76 fois, pour prendre 61 décisions et élaborer 21 avis. Nous avons réuni nos groupes permanents d'experts 24 fois et reçu 477 avis de l'IRSN, émis 91 notes d'information et 17 communiqués de presse. Notre centre de crise a été activé 9 fois pour des exercices. Enfin, au 31 décembre 2013, notre effectif était de 478 agents.

Par ailleurs, nous avons poursuivi les travaux de refonte de la réglementation issue de la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire. Nous avons notamment révisé l'arrêté dit « INB », pierre angulaire du système de contrôle des installations nucléaires. Nous l'avons complété par des décisions réglementaires de l'ASN, publiées ou soumises à consultation du public, dans divers domaines, comme l'environnement, la prévention des risques d'incendie, les réexamens de sûreté, l'arrêt des réacteurs, les modifications matérielles ou encore la gestion de la sûreté. Ce travail doit se poursuivre, d'une part, pour obtenir un cadre réglementaire stable et, d'autre part, pour respecter les engagements pris auprès de l'organisation WENRA (Western European Nuclear Regulators' Association), qui rassemble les autorités de sûreté européennes, et promouvoir notre approche de la sûreté au niveau international. Avant la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire, l'ASN ne disposait pas d'un ensemble de documents de référence permettant de présenter, de façon systématique et organisée, notre démarche de sûreté.

Dans le domaine de la radioprotection, des évolutions importantes sont à venir, suite à l'approbation, en décembre 2013, de la directive sur les normes de base. Dans le domaine de la gammagraphie, utilisée dans l'industrie et susceptible d'induire des irradiations graves des travailleurs, nous continuons à travailler à un plus grand encadrement de cette technique. Enfin, nous travaillons aussi à l'accroissement de la transparence et de la robustesse des mesures de radioactivité dans l'environnement, aujourd'hui rassemblées sur un site dénommé « réseau national de mesure de radioactivité dans l'environnement ».

Les inspections sont planifiées et organisées, en fonction du risque induit par l'activité contrôlée ainsi que de l'appréciation sur les personnes et organismes concernés. Les inspections de revue rassemblant une dizaine d'inspecteurs accompagnés d'experts de l'IRSN durent souvent plusieurs jours, en général une semaine. Quatre ont été réalisées en 2013 : une sur le démantèlement des réacteurs de la filière UNGG, sur les sites de Chinon et de Saint-Laurent, une sur la gestion des déchets du site de Marcoule, en collaboration avec nos collègues de l'Autorité de sûreté défense, une sur la rigueur d'exploitation de la centrale EDF de Civaux, et une sur la radioprotection dans le nucléaire de proximité, au CEA de Grenoble. En 2014, nous devrions également en réaliser quatre : sur un réacteur d'EDF, sur le cycle du combustible, dans une installation industrielle utilisant des rayonnements ionisants et, pour la première fois, dans un centre hospitalier. Nous complétons cette démarche de contrôle et d'inspection par des actions d'information et de formation à destination des professionnels, aussi bien au niveau local que national. Nous avons ainsi mis en place des séminaires sur l'organisation de crise et les plans d'urgence, le retour d'expérience au niveau national, la radiothérapie, la gammagraphie et la médecine nucléaire, ainsi que sur l'arrêté dit « INB », à destination des industriels.

Sur la manière de rendre compte de nos activités, nous avons renforcé nos liens avec le Parlement et les élus : le président de l'ASN a été auditionné une dizaine de fois par les commissions parlementaires et par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. En novembre 2012, nous avons, pour la première fois, participé au Salon des maires dans le cadre duquel nous avons eu deux cents visiteurs, avec des questions aussi diverses que les dispositifs d'urgence à proximité des centrales nucléaires, la gestion des conséquences d'un accident nucléaire, les risques liés au radon dans l'habitat ou encore les utilisations médicales des rayonnements ionisants.

En matière d'urgence, nous avons activé notre centre de crise pour neuf exercices nationaux, en particulier en juin à Saint-Laurent-des-Eaux, pour tester le nouveau plan gouvernemental élaboré suite à l'accident de Fukushima et l'autre, d'une durée de trois jours, à la centrale de Cattenom, qui avait pour objectif de gérer la démarche post-accidentelle dans une logique transfrontalière. Quatre de ces exercices incluaient une simulation de pression médiatique, des journalistes appelant pour poser des questions. En 2014, la déclinaison du plan gouvernemental de gestion de crise et la démarche post-accidentelle resteront des priorités.

Par ailleurs, nous continuons notre démarche d'information du public. Nous avons publié en 2013 des documents sur la qualité radiologique des eaux de boissons, la gestion des déchets, le projet Cigéo, la gestion du risque incendie ou encore le retour d'expérience dans le domaine des transports. Nous avons souhaité approfondir notre démarche d'ouverture. Nous rendons publiques, depuis janvier 2013, nos décisions importantes avec l'avis de l'IRSN sur lequel nous nous appuyons. En application de la Charte de l'environnement, adossée à la Constitution, nous avons mis en place, d'abord à titre expérimental, un processus de consultation du public sur nos décisions, sur lequel nous ferons, en 2014, un retour d'expérience pour l'améliorer.

Comme je l'ai dit, nous avons des groupes permanents d'experts, sur lesquels nous nous appuyons pour prendre nos décisions importantes. Nous avons décidé de les élargir en les ouvrant à des représentants de la société civile. Cette évolution devrait être effective dans les semaines qui viennent. Nous continuons également à être actifs auprès du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et, au niveau local, des commissions locales d'information (CLI). Nous avons ouvert notre centre de documentation et d'information dans les nouveaux locaux que nous occupons depuis un an. Nous y avons notamment accueilli des groupes scolaires, par exemple à l'occasion de la fête de la science.

Concernant l'harmonisation européenne, M. Pierre-Franck Chevet a mentionné l'importance de la coordination européenne dans la gestion d'un accident transfrontalier. D'autres actions sont en cours au niveau européen, puisque c'est l'un des axes prioritaires définis par l'ASN dans son plan stratégique 2013-2015. Nous travaillons notamment sur la directive fixant les normes de base en radioprotection, adoptée en 2013, dans laquelle nous nous sommes beaucoup investis, mais qui reste à transposer au niveau français. Par ailleurs, le travail sur la révision de la directive sur la sûreté nucléaire est en cours. Nous soutenons cette révision, notamment sur le renforcement de l'indépendance des autorités, la transparence et la définition d'objectifs de sûreté. Toutefois, l'ASN a appelé l'attention sur le fait que cette directive ne doit pas introduire de confusion dans les responsabilités. Nous avons également contribué à la deuxième conférence sur la sûreté nucléaire, organisée en juin 2013. Celle-ci doit, à terme, devenir l'homologue de celle existant aux États-Unis d'Amérique. Enfin, nous avons engagé l'élaboration du premier rapport sur l'application de la directive européenne sur la sûreté nucléaire, comme l'exige cette dernière.

J'en viens à l'évaluation annuelle des activités nucléaires. M. Pierre-Franck Chevet a commencé à aborder le sujet de la radiothérapie qui est une priorité pour nous depuis 2007. Depuis 2012, les centres de radiothérapie sont contrôlés tous les deux ans, sauf pour ceux présentant une fragilité ou développant de nouvelles techniques, potentiellement porteuses de dysfonctionnements, pour lesquels la périodicité reste annuelle. Les inspections réalisées en 2012 et le bilan de 2013 confirment une évolution favorable des ressources humaines en radio-physique médicale, même si un certain nombre de centres restent fragiles sur ce plan. Nous avons aussi constaté une amélioration dans la démarche de management et de la sécurité des soins, mais là encore les situations sont très hétérogènes. Sur le transport des matières radioactives, en 2013 nous avons rendu un bilan fondé sur les déclarations d'événements, principalement pour les années 2007 à 2011. Des axes d'amélioration restent à approfondir, notamment sur la vérification de la conformité des colis et, plus spécifiquement dans le nucléaire de proximité, sur la culture de radioprotection chez les transporteurs et la connaissance de la réglementation des transports.

Pour les centrales d'EDF, 2013 a été assez satisfaisant, tant au plan de la sûreté nucléaire que de la radioprotection. Comme en 2012, nous avons constaté un accroissement significatif de la durée des arrêts des réacteurs par rapport à celle initialement prévue par EDF. Cette situation révèle une maîtrise insuffisante des opérations de maintenance. Elle peut avoir des impacts défavorables sur la sûreté. L'ASN considère que la maîtrise de ces arrêts doit faire l'objet d'une action prioritaire de la part d'EDF, ce que nous lui avons demandé de faire. Tous les ans, nous procédons aussi à une évaluation des dix-neuf sites d'EDF. Cette analyse est fondée sur nos inspections, sur le suivi des arrêts de tranches, sur l'analyse des incidents et, plus généralement, sur le traitement des dossiers site par site. Les sites de Penly et de Golfech se détachent favorablement pour la sûreté nucléaire, les sites de Civaux, Penly et Golfech pour la radioprotection, celui de Dampierre pour la protection de l'environnement. Les sites de Chinon, Bugey et Civaux sont en retrait dans le domaine de la sûreté nucléaire, celui de Cattenom pour la radioprotection, ceux de Belleville, Chinon et Chaux pour la protection de l'environnement. En ce qui concerne les installations du cycle du combustible, Pierre-Franck Chevet a cité FBFC à Romans-sur-Isère ainsi que La Hague. Les responsables de l'usine FBFC ont été auditionnés par le collège de l'ASN pour s'expliquer sur la rigueur d'exploitation, le management de la sûreté, la gestion du risque de criticité, la qualité technique des dossiers et le respect des engagements. Nous continuerons à surveiller spécifiquement cette installation, une inspection de revue étant programmée en fin d'année.

Je ne reviens pas sur la reprise des déchets historiques sur le site de La Hague qui est un autre sujet de préoccupation pour l'ASN.

Je vais conclure en soulignant que nous poursuivons une démarche de progrès continue. Dans ce cadre, nous allons recevoir en novembre de cette année ce qu'on appelle une mission IRRS (Integrated Regulatory Review Service). Il s'agit d'une mission d'expertise sur l'organisation d'une autorité de sûreté, réalisée par les représentants d'autres autorités de sûreté, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Nous avons reçu une première fois l'une de ces missions en 2006, lors de la création de l'ASN en tant qu'autorité indépendante. La directive relative à la sûreté nucléaire impose une périodicité décennale pour ces revues. Nous nous y soumettons de bon gré, car nous estimons que ces audits sont positifs pour le système de sûreté international. Je voulais conclure en signalant que la qualité de nos interventions et de nos actions repose sur le professionnalisme, l'engagement et le travail, jour après jour, de l'ensemble des agents de l'ASN, avec l'appui sans faille de l'IRSN.

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