À propos de votre première question, il faut se demander ce que serait votre réaction si l'ASN déclarait qu'un accident est impossible. L'accident est possible, ce n'est pas pour autant qu'il est probable. Le jour où l'on commencera à l'exclure, on entrera dans une zone de danger. Je disais qu'il faut se préparer à l'accident et les Japonais y ont été confrontés. Certes, leur autorité de sûreté de l'époque était plus que perfectible et elle porte une part de responsabilité ; les exploitants n'étaient pas non plus exempts de reproches. Néanmoins, je me méfie des raisonnements sur le thème « ils étaient mauvais ». C'est le meilleur moyen de ne tirer aucune leçon des événements et de ne pas se perfectionner. Nous sommes clairement dans une logique de progrès continu. Malgré notre action, je ne suis pas en situation de pouvoir dire qu'un accident est exclu en France et je ne pense pas que vous toléreriez que je le dise. Ce constat en demi-teintes, fait année après année, est un peu la rançon du principe d'amélioration permanente de la sûreté qui interdit de s'arrêter sur un satisfecit. La sûreté implique en permanence un aiguillon.
Sur la question des conséquences d'une décision d'arrêt de réacteurs, en termes de fragilisation des exploitants ou des personnes, celle-ci relève de la responsabilité du politique. Il nous revient, ainsi qu'aux exploitants, de vérifier que l'ensemble du système continue à fonctionner, même si une perspective d'arrêt est annoncée. Nous exerçons notre métier d'inspection sur le site de Fessenheim. Nous n'avons pas constaté de difficulté en matière de sûreté d'exploitation. Au contraire, l'année dernière, Fessenheim était plutôt en position favorable sur ce plan. Cette année, cette centrale était au milieu du peloton. Parallèlement, nous nous attachons, toutes installations confondues, à développer progressivement la prise en compte des facteurs organisationnels et humains, ainsi que l'analyse systématique des incidents correspondants, pour détecter d'éventuelles dérives. Une décision peut accroître le stress sur les organisations et les personnes, aussi avons-nous cette démarche de veille accrue sur ces facteurs.
D'autre part, nous ne sommes effectivement pas en charge des questions de sécurité. Dans notre rapport, en page 210, vous trouverez une comparaison des missions des principales autorités de sûreté dans le monde. Seul un petit nombre d'entre elles se trouvent dans la même situation. Nous pourrions, aux termes de la loi, avoir la responsabilité de la sécurité dans le domaine des sources radioactives qui peuvent être détournées à des fins malveillantes. Normalement, nous devrions nous la voir confier prochainement par la loi. En ce qui concerne la sécurité des centrales, nous sommes systématiquement prévenus à chaque incident, nous nous mettons en alerte et activons, le cas échéant, le centre de crise, afin de vérifier l'absence d'impact en termes de sûreté. Cela a toujours été le cas lors des intrusions récentes et nous avons communiqué sur la sûreté, mais évidemment pas sur la protection contre les actes de malveillance et le traitement des intrusions elles-mêmes.
Sur le problème des gaines, celui-ci fait partie des incidents génériques. Nous avons discuté avec EDF des critères renforcés à mettre en oeuvre pour l'utilisation du combustible afin de maintenir les conditions de sûreté, compte tenu du risque d'un amincissement plus important que prévu dans la durée. Ce sont ces critères, limitant quelque peu les capacités des centrales, qui leur seront ensuite imposés, dans l'attente du remplacement au plus tôt par des gaines du modèle “M5”.
Quant au HCTISN, il fait un travail considérable sur des sujets complexes, en faisant appel à des points de vue très variés, de par sa composition. Son intervention a été essentielle pour beaucoup des sujets sensibles que nous avons eu à prendre en charge. C'est une instance ouverte à la société civile, nous essayons d'ouvrir de la même façon nos groupes d'experts. Si une prochaine loi s'intéresse au renforcement de la transparence, elle pourrait prévoir que le HCTISN rende un rapport annuel sur l'état de la transparence dans les activités et installations nucléaires. Bien entendu, pour assurer le bon fonctionnement du HCTISN, il serait préférable qu'un président soit rapidement nommé.