Intervention de Michel Herbillon

Réunion du 6 mai 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Herbillon, co-rapporteur :

La communication que nous vous présentons aujourd'hui constitue un point d'étape mais elle est importante compte tenu des prochaines élections européennes et du débat sur l'opportunité ou non du maintien de la monnaie unique.

Le bilan qui peut aujourd'hui être tiré de la création de la monnaie est globalement positif et les fragilités qui caractérisent la zone euro n'appellent pas son démantèlement, mais plutôt à son approfondissement.

L'introduction de l'euro constitue un progrès pour les États membres, et la France en particulier.

Tout d'abord, elle a permis, depuis 1999, une inflation maîtrisée, puisque celle-ci s'est élevée à 1,97 % par an, ce qui correspond à la cible définie par la Banque centrale européenne.

L'inflation à deux chiffres a ainsi disparu en France, avec tous les inconvénients qui y sont associés, en particulier les pertes de pouvoir d'achat. Je veux ici rappeler que le panier de consommation en France s'est renchéri d'1,6 % par an en moyenne sur 1999 - 2013, contre 2,9 % par an, soit presque le double, sur la période 1984 - 1998.

La stabilité des prix contribue ainsi à accroître le potentiel productif de l'économie, à renforcer les incitations à investir, à préserver la cohésion et la stabilité sociales en évitant les phénomènes de redistribution arbitraires de la richesse et des revenus qui apparaissent dans les environnements inflationnistes et déflationnistes, et, enfin, à assurer la stabilité financière.

Le deuxième avantage dont bénéficie la France est le niveau faible des taux d'intérêt, qui lui permet notamment d'emprunter à un coût très avantageux.

Le troisième avantage retiré de la monnaie unique est l'intégration accrue du marché des biens et des services et l'intégration financière.

Il faut également mentionner la fin du recours aux dévaluations compétitives et aux guerres de monnaies intra-européennes. En particulier, les partenaires du Sud de l'Europe n'y ont pas eu recours pendant la crise, alors qu'ils représentent des partenaires commerciaux importants pour la France.

L'euro est par ailleurs aujourd'hui la deuxième monnaie internationale, ce qui représente un avantage en termes d'élimination de prime de change et, au niveau international, la constitution de la zone euro est un moyen de peser dans les négociations internationales alors que chacun des États membres de la zone euro pris isolément pèse peu dans les négociations internationales face aux États-Unis, à la Chine, aux pays émergents. Le noyau constitué par la zone euro constitue donc le seul moyen de conserver une influence géostratégique.

Ensuite, l'euro a créé une solidarité de fait entre les États membres de l' Union économique et monétaire. Aujourd'hui, aucun Etat n'a intérêt à sortir de l'euro, que ce soit les États exportateurs du Nord, qui souffriraient de l'appréciation du change, ou les États endettés du Sud, qui souffriraient d'une hausse des taux d'intérêt. Au-delà de cette solidarité de fait, c'est une véritable solidarité financière qui a dû se mettre en place avec la crise et la constitution du Fonds européen de stabilité financière puis du Mécanisme européen de stabilité.

L'euro a enfin, et surtout, permis à la France de retrouver une forme de souveraineté monétaire. En effet, pendant toute la période qui a précédé l'euro, la France n'avait que l'apparence de la souveraineté monétaire, car les taux d'intérêt étaient, dans les faits, largement conditionnés par les décisions de la Bundesbank.

Aujourd'hui, la politique monétaire résulte des décisions du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne. Bien sûr, les membres du Conseil des gouverneurs n'agissent pas en qualité de mandataires d'un pays, mais en toute indépendance. Toutefois, il convient de souligner que deux Français sont présents. Dans les faits, on note que la politique monétaire unique a largement suivi les besoins de l'économie française. Au contraire, lors de la réunification allemande, la France avait dû « importer » la politique monétaire restrictive de l'Allemagne.

Au-delà des considérations économiques, c'est certainement l'attachement des Européens à l'euro qui témoigne le mieux du succès de la monnaie unique. Ainsi, 63 % des habitants de la zone euro se prononcent en faveur de l'euro, selon le dernier Eurobaromètre. La France se situe dans cette moyenne. Il faut le souligner alors qu'on entend beaucoup la voix des extrémistes et des populistes qui réclament une sortie de l'euro, ce qui est une folie.

Aussi, les éléments de fragilité de la zone euro, à savoir la diversité des situations économiques des États et la faiblesse de la croissance et de l'emploi, ne doivent pas conduire à un démantèlement, mais plutôt à un approfondissement. Il faut absolument renforcer le gouvernement économique de la zone euro.

Le démantèlement, qui n'a pas de sens, suscite pourtant une grande créativité. Il y a en effet toute une série de propositions sur la table : sortie pure et simple de l'euro, scission de la zone euro en une zone réunissant les États du Nord et une zone regroupant les États du Sud, création d'une zone monétaire des pays vertueux, retour aux monnaies nationales et à une forme de système monétaire européen comme cela a existé de 1979 à 1993 ou encore retour aux monnaies nationales mais avec le maintien d'un euro servant de monnaie commune. Mais, vous l'aurez noté, elles émanent presque exclusivement de partis politiques qui se situent aux extrémités de l'échiquier politique.

Bref, en ce qui me concerne, je m'oppose à ces chimères, à ces propositions qui n'ont aucune pertinence. Plus baroques les unes que les autres, elles ne conduiraient qu'à l'aggravation de la situation des États membres.

Pour la France, cela entraînerait une appréciation des taux d'intérêt particulièrement préjudiciable compte tenu de l'importance de la dette publique, les marchés ne nous prêteraient plus, les prix des produits importés augmenteraient fortement. Je veux ici dénoncer l'illusion selon laquelle la sortie de la zone euro permettrait de faire repartir l'économie. Ce serait au contraire une catastrophe.

Il n'existe ainsi aucun précédent historique d'un « éclatement indolore » d'une union monétaire. Qu'il s'agisse de l'empire austro-hongrois, de l' URSS ou de la Yougoslavie, les démantèlements ont conduit à une hyperinflation et à des ajustements douloureux.

Il ressort d'ailleurs du panorama dressé par les missions économiques à notre demande que, parmi les États sous programme d'ajustement économique, aucun ne désire en sortir car les conséquences en seraient plus dures que celles aujourd'hui subies dans le cadre des politiques de rigueur, et que parmi les autres États, l'idée selon laquelle un effondrement de la zone euro leur coûterait plus cher que leurs contributions nationales aux mesures de sauvetage est généralement répandue.

Dans le cas français, une sortie de l'euro aurait des conséquences particulièrement dommageables.

En particulier, cela reviendrait en effet à recréer des frontières commerciales et à rompre le lien entre marché unique et monnaie unique. La France perdrait ainsi les bénéfices du marché unique, or les entreprises françaises qui exportent utilisent le marché unique comme base arrière pour se développer au niveau mondial. Les entreprises françaises devraient à nouveau supporter le risque de change en Europe. Les conséquences seraient également difficiles à supporter pour des entreprises européennes comme Airbus.

Cela entraînerait un choc de taux d'intérêt et un renchérissement important des coûts d'emprunt pour l'État français, alors que sa dette publique représente plus de 90 % du PIB.

Il existerait à nouveau un risque de guerre des monnaies européennes avec des enchaînements de dévaluation compétitive.

Au total, il vaut donc mieux réfléchir aux moyens d'approfondir l'Union économique et monétaire, plutôt que de la démanteler.

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