Je vous remercie, messieurs, d'avoir développé des points de vue plus nuancés et argumentés que les sottises que l'on entend habituellement.
L'histoire de la Crimée est très ancienne : une guerre importante y a opposé la Russie et l'Europe il y a cent soixante ans. S'en est ensuivi un siècle de débats diplomatiques contradictoires sur la gestion des Détroits. Il n'est guère étonnant que la Russie s'intéresse à la Crimée et à la Mer noire, qui constituent sa voie d'accès aux mers chaudes. Avec nos tentatives maladroites d'européanisation de l'Ukraine, nous avons donné le sentiment que nous souhaitions revenir sur ce qu'on pourrait appeler « le compromis de la Mer noire », sans associer la Russie. Cela a entraîné les réactions que l'on connaît. L'Occident a voulu aller trop loin sans tenir compte du partenaire russe, ni de la volonté de la population de Crimée, alors que nous aurions dû savoir que cette question stratégique restait d'une brûlante actualité. Quelle est votre analyse sur ce point ?
Par ailleurs, l'Occident affirme aujourd'hui que le principe d'intégrité territoriale doit s'imposer, au besoin contre la volonté des peuples. Pourtant, il a défendu le raisonnement inverse dans le cas du Kosovo : qu'importait que le Kosovo appartînt à la Serbie depuis la bataille du champ des Merles au Moyen Âge, seule comptait la volonté d'indépendance des Albanais du Kosovo ou leur souhait de se rattacher à l'Albanie. Saisie par l'Assemblée générale des Nations unies, la Cour internationale de justice a estimé dans un avis que le principe d'intégrité territoriale ne tenait pas face au droit des peuples à l'autodétermination. Où est la cohérence de notre diplomatie, si nous appliquons ainsi, à quelques années d'intervalle, des principes différents à chaque situation ? Selon vous, quels principes du droit international devrions-nous défendre ?