Ce point est essentiel. Il a d'ailleurs fait l'objet d'une recommandation appuyée de la Cour des comptes.
D'autre part, il nous paraît particulièrement important de distinguer l'objectif des outils. Si l'objectif est bien de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les outils peuvent être définis à l'échelle nationale, et non à l'échelle européenne, même si dans le cadre de sa politique climatique, l'Union peut être conduite à donner des indications ou à imposer des contraintes en matière d'empreinte carbone.
Deuxième clé pour réussir la transition énergétique : dégager les voies d'une politique européenne de l'énergie. C'est peut-être une « tarte à la crème », mais c'est une nécessité qui demeure. Historiquement, l'Europe s'est construite sur le charbon, avec la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), fondée en 1951. Il semble aujourd'hui nécessaire d'avoir une politique européenne de l'énergie, ne serait-ce qu'en raison des interconnexions existantes sur le continent. Nous nous trouvons aujourd'hui devant une contradiction : alors que la politique climatique est européenne, les choix en matière énergétique relèvent des décisions souveraines des États membres. C'est ainsi que le mix énergétique européen se caractérise par une composition très diversifiée selon les États – la comparaison entre la France et l'Allemagne en donne une illustration–, mais, paradoxalement, et ce point a été souvent souligné au cours des auditions et des tables rondes, le mix européen pris dans son ensemble est relativement satisfaisant.
La diversité peut susciter des difficultés en rapport avec les infrastructures du fait de l'interconnexion des réseaux, par exemple lorsque le réseau d'un État n'est pas équipé pour faire face à un afflux d'énergie renouvelable. C'est ainsi que la République tchèque souffre d'être « encastrée » dans le réseau allemand, entre les sites du nord de ce pays où sont produites les énergies renouvelables et les sites industriels du sud où cette électricité est consommée. C'en est au point que les Tchèques envisagent de fermer leurs « frontières électriques » à l'électricité allemande en 2017.
Il faut définir une politique européenne de l'énergie pour tirer profit de la richesse du mix énergétique de l'Union, en « pensant européen ». Cela passe par une bonne programmation des investissements nécessaires dans les infrastructures et dans les réseaux de transport et de distribution à l'échelle de l'Union, et par une implantation optimale des sites de production des énergies renouvelables, privilégiant par exemple les pays du sud pour la production d'énergie photovoltaïque et ceux du nord pour celle d'énergie éolienne.
Enfin, l'harmonisation de la fiscalité écologique européenne apparaît indispensable pour combattre les « fuites carbone » identifiées par la Cour des comptes, fuites qui peuvent se concrétiser au sein de l'Union européenne par une délocalisation des productions intenses en carbone vers les pays européens les plus laxistes. Ces « fuites carbone » créent des distorsions économiques entre les États membres et contreviennent à l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, et pas seulement à l'échelle de chaque État pris isolément, puisque les délocalisations peuvent intéresser des pays tiers. On en revient ici à l'idée, qui n'a pas abouti à ce jour, d'une taxe carbone aux frontières européennes.