Je vous remercie de votre invitation.
Je vais vous donner un avis sur le fonctionnement de la CNSA et vous présenter des pistes d'amélioration, sachant que le manque de visibilité sur l'évolution des conseils généraux rend difficile l'élaboration d'hypothèses. La disparition éventuelle des conseils généraux met en effet un point d'interrogation sur certains types d'évolution, comme les maisons de l'autonomie, qui ne constituent cependant pas le modèle auquel nous avions songé. En tout état de cause, l'incertitude affectera la poursuite ou la mise en oeuvre de nouvelles initiatives dans les mois à venir.
Les rapports entre un conseil général et la CNSA se déclinent de plusieurs façons.
D'abord, le rapport direct entre la CNSA et les MDPH s'opère par le filtre des départements. Les liens des MDPH avec leur collectivité de tutelle sont relativement variés car, si le président du conseil général préside la commission exécutive de la MDPH, certains départements recrutent eux-mêmes les personnels des MDPH, tandis que d'autres laissent ces dernières les recruter elles-mêmes, comme en Haute-Vienne où la majorité des personnels est recrutée par le groupement d'intérêt public (GIP). Ces variantes d'organisation expliquent sans doute en partie les difficultés que peut rencontrer la CNSA. De surcroît, elle a ses ministères ou ses directions de tutelle ; elle n'est pas seulement une caisse, mais aussi un établissement public qui a des rapports avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et avec une centaine de départements et autant de MDPH. Au final, cette construction originale est à l'origine des dysfonctionnements auxquels la Caisse doit faire face.
C'est dans ce cadre que la CNSA et les MDPH ont développé un aspect innovant, rarement observé dans une organisation de ce type, qui est l'appui et le conseil. Sur cet aspect, la mission est assez efficace et a relativement convaincu les personnes qui ont travaillé avec la Caisse, par les apports techniques et la mise en commun d'informations. Par contre, le retour d'information vers les conseils généraux présente quelques insuffisances, je pense en particulier aux dépenses en matière de prestation de compensation du handicap (PCH) pour lesquelles nous recevons des informations diverses, ce qui rend difficile la comparaison avec celles délivrées pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) – mais il est vrai que ce dernier dispositif est plus simple.
Dans l'ensemble, pour ce qui est du champ des relations avec les MDPH, on peut parler de réussite grâce à cet apport d'actions innovantes en termes de conseil et d'appui.
Ensuite, la CNSA est en relation directe avec les conseils généraux via les conventions de la section IV de son budget. En dépit de la lourdeur que représente leur préparation, ces conventions donnent satisfaction et nous en avons signées deux successivement, avec prorogation d'une année pour les services bénéficiant des financements conjoints, comme nous l'avons expliqué à la CNSA dans le cadre de son audit.
D'autre part, le lien avec les conseils généraux s'opère via le versement de l'APA et de la PCH. Comme l'a souligné l'Assemblée des départements de France (ADF), les départements souhaiteraient voir augmenter les contributions au financement de ces deux prestations, mais aussi que ces contributions ne soient pas affectées à d'autres segments de financement où l'État s'évapore. La couverture de la dépense du conseil général de la Haute-Vienne se situe autour de 35 % pour l'APA, mais de 25 % pour la PCH. Cette dernière dépense est donc assez élevée dans notre département. Pourtant, dans le cadre d'une réunion relative à la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 créant les MDPH, à laquelle j'avais participé, le ministre d'alors avait tenu à rassurer les départements sur l'évolution observée pour l'APA et indiqué que la dépense serait strictement couverte grâce, d'une part, à la disparition de l'allocation compensatrice, et, d'autre part, à la dotation de la CNSA. En ce qui nous concerne, avec une couverture de 25 %, le financement de la CNSA s'élève à 3,5 millions d'euros, pour une dépense qui est passée de 600 000 euros la première année à 12 millions l'an dernier, le retrait progressif de l'allocation compensatrice n'ayant pas permis de couvrir cette montée en charge.
Au titre des pistes d'évolution, on peut imaginer que l'apport méthodologique délivré pour la PCH puisse être étendu à l'APA. À mon avis, la fusion prévue à terme des deux allocations s'éloigne, compte tenu du coût de la mesure, sachant que les plans d'aide vont de 400 euros d'un côté à 800 euros de l'autre. Une fusion se ferait donc par le haut, or les contraintes budgétaires ne le permettent pas aujourd'hui.
Enfin, le troisième axe de relations entre la CNSA et les départements concerne le champ des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) avec, du fait de la subtilité de l'organisation que j'ai décrite, l'existence d'un intermédiaire que sont les agences régionales de santé (ARS). Le département de la Haute-Vienne élabore actuellement son schéma autonomie, en rassemblant les deux aspects personnes âgées-personnes handicapées, afin d'aboutir à un document cohérent pour les cinq prochaines années. Les ARS participent à nos travaux, mais connaissent une importante charge de travail et une réduction de leurs moyens, et elles ne sont pas en mesure de nous délivrer une perspective sur les cinq prochaines années en termes de financement.
Au titre des personnes âgées, notamment des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), le département de la Haute-Vienne est sous-doté par rapport à la moyenne nationale, et davantage encore par rapport à la moyenne régionale. Or notre interlocuteur est l'ARS, et très peu la CNSA. À l'occasion d'un point sur les bilans réguliers de l'application des conventions, nous avons tout de même pu présenter cette problématique au directeur de la Caisse, en indiquant que notre dotation régionale ESMS personnes handicapées-personnes âgées était sans doute plus élevée que la moyenne nationale, mais que nous nous trouvions pénalisés au regard d'un rééquilibrage infrarégional. Dans le cadre de l'élaboration du schéma régional, l'ARS nous a entendus sur la nécessité d'un rééquilibrage en notre faveur au regard des deux autres départements, l'un des responsables de l'agence ayant même utilisé le terme de « bouclier médico-social » pour la Haute-Vienne. Mais si le principe d'un rééquilibrage a été acté, il n'y a plus de financement…
Le rapport de la Cour des comptes évoque des mécanismes d'attribution des moyens par la CNSA pour le rééquilibrage et le mécanisme du « serpent ». Ce sont des données ou des décisions auxquelles nous n'avons pas accès, tout comme sans doute l'échelon régional de l'État lui-même. En effet, l'ARS reçoit une notification de moyens pour un nombre d'années donné et n'a pas vocation à connaître la base sur laquelle la dotation est calculée. Cette situation ne nous permet pas de bâtir notre schéma autonomie à partir des perspectives d'attribution de moyens nouveaux. Cependant, on peut toujours appréhender cette question en termes de besoins.
Tels sont les trois axes que je dégage pour les relations avec la CNSA : l'axe avec la MDPH, qui se révèle fructueux ; l'axe traditionnel relatif au financement des allocations ; enfin l'axe ayant trait au financement des ESMS, plus difficile à comprendre et à maîtriser pour nous, les agences de santé étant des instances régionales, et non départementales comme l'étaient autrefois les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS). L'ARS du Limousin a d'ailleurs supprimé sa délégation départementale en Haute-Vienne.