Intervention de Marie-Claude Dupuis

Réunion du 7 mai 2014 à 10h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, ANDRA :

Beaucoup étaient étrangers – des Suisses, des Belges, un Allemand –, et tous de réputation internationale. Je précise que les décisions prises lundi par le conseil d'administration de l'ANDRA donnent suite non seulement au débat public, dont les conclusions ont en effet nourri notre réflexion, mais aussi aux avis exprimés en 2013 par ces évaluateurs institutionnels, auxquels on peut ajouter l'Autorité environnementale, qui a précisé ses attentes en matière d'étude d'impact, ainsi que le Haut comité à la transparence et à l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), dont les recommandations concernent l'inventaire et le sort des combustibles usés dans le cas où ces derniers deviendraient des déchets.

Le centre de stockage aura plusieurs composantes. Les installations nucléaires de surface permettront d'accueillir les déchets radioactifs, de les contrôler, de les extraire de leur conteneur de transport et de les placer dans les colis de stockage. Ces derniers seront ensuite transportés dans une hotte blindée au travers de puits inclinés appelés descenderies, puis glissés par des robots dans des alvéoles creusées dans l'argile à 500 mètres de profondeur, et recouvertes soit d'acier, soit de béton. En surface, une deuxième zone servira de support aux travaux souterrains, et sera reliée à l'installation souterraine par des puits verticaux.

Ce projet industriel ferait travailler sur place 1 300 à 2 000 personnes pendant la construction, et de 600 à 1 000 personnes en phase d'exploitation, sans parler des emplois indirects.

À la suite du débat public et des avis exprimés par diverses autorités, le conseil d'administration de l'ANDRA a décidé d'adapter son projet en lui apportant quatre modifications qui lui paraissent importantes.

En ce qui concerne la phase industrielle pilote, vivement souhaitée par le public, mais aussi par l'ASN et l'IRSN, il s'agit moins d'un pilote à proprement parler que d'une étape prévue au démarrage de l'installation. Ceux qui suivent attentivement le dossier savent cependant que l'ANDRA avait déjà proposé, au cours du débat public, une montée en puissance progressive du centre de stockage, tranche par tranche, au fur et à mesure des besoins, et prévu d'effectuer des essais dans la première tranche.

Le débat public ayant révélé une demande très forte en faveur d'un passage plus progressif du laboratoire au stockage en vraie grandeur, nous avons été conduits à redimensionner cette première tranche en une vraie phase industrielle pilote. Cela entraîne deux changements importants : nous allons renforcer le programme d'essais et surtout le soumettre à une concertation. En effet, cette phase industrielle pilote sera la première pierre du plan directeur d'exploitation du stockage sur cent ans.

Outre cet aspect technique, cette phase comprend une partie politique : non seulement une concertation sera organisée, mais il reviendra au Gouvernement et au Parlement de définir les modalités de passage de la phase industrielle pilote à la phase d'exploitation courante.

Pour autant, je le répète, il ne s'agit pas d'un pilote puisque, depuis 1991, la France a dépensé, 1,5 milliard d'euros en études et recherches et pour construire le laboratoire souterrain de test. En outre, dès lors que l'on veut tester en vraie grandeur et en conditions réelles le stockage de déchets radioactifs, une installation nucléaire de base (INB), dont la création est soumise à autorisation, est nécessaire pour permettre l'accueil des colis de déchets quel qu'en soit le nombre, avec toutes les conditions de sécurité qu'un tel projet exige : double descenderie, double puits pour assurer la ventilation du chantier, et autres.

En revanche, l'investissement pour cette première phase industrielle pilote sera dimensionné au strict nécessaire pour réaliser les tests envisagés. Dans un premier temps, les essais concerneront des colis factices, sans radioactivité. Puis nous testerons le fonctionnement de l'installation en stockant des colis de déchets radioactifs représentatifs de l'ensemble de l'inventaire sur cent ans : des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Ces derniers seraient stockés dans quatre alvéoles sur la cinquantaine prévue. Enfin, un troisième temps serait consacré à tester, de manière très progressive et en concertation avec les parties prenantes, la capacité de l'installation à atteindre les cadences industrielles prévues, c'est-à-dire 3 000 colis primaires par an.

À la fin de l'exploitation industrielle pilote, l'ANDRA remettra un rapport à l'État détaillant les résultats de cette expérience en vraie grandeur.

La deuxième évolution importante est l'adoption d'un plan directeur pour l'exploitation du stockage. Rappelons que la durée de vie de l'exploitation de Cigéo est d'une centaine d'années. Depuis le début, l'Agence est convaincue que les connaissances accumulées au cours des premières années d'exploitation ainsi que celles acquises grâce aux études et recherches, notamment sur les colis de déchets ou sur les alvéoles, vont conduire à une évolution dans la conception du projet. Le plan directeur d'exploitation est donc destiné à prévoir le déroulement du stockage sur la totalité de sa durée de vie, l'ampleur des flux de déchets et le planning prévisionnel de scellement des alvéoles et des ouvrages, la fermeture définitive n'intervenant qu'au bout de cent ans et après autorisation du Parlement.

Ce plan permettra également de définir les conditions dans lesquelles le centre pourra être adapté dans l'hypothèse, par exemple, où les combustibles usés deviendraient, pour des raisons de politique énergétique, des déchets nucléaires. Cigéo est, en effet, conçu pour les déchets d'aujourd'hui, mais il doit pouvoir faire preuve de la flexibilité que nécessiteront ceux de l'avenir. C'est pourquoi nous allons poursuivre les recherches sur le stockage des combustibles ou des MOX usés, bien que celui-ci ne soit pas prévu à l'heure actuelle.

J'en viens au calendrier, peut-être le problème le plus délicat à traiter pour le conseil d'administration de l'Agence. En effet, l'ANDRA s'efforce de respecter la loi, ce qui est la moindre des choses pour un établissement public. La loi de programme votée en 2006 a posé en son article 3 deux jalons, 2015 et 2025, et imposé en même temps le débat public dont les conclusions devaient être prises en compte. En 2006 également, le Parlement a voté une loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dont le décret d'application a été pris en 2007. Cette loi a fait évoluer la réglementation sur l'autorisation des installations nucléaires de base. Dorénavant, le niveau de détail exigé par l'ASN pour de telles demandes d'autorisation est beaucoup plus fin qu'il ne l'était avant 2006, si bien que la demande d'autorisation pour Cigéo ne pourra être finalisée par l'ANDRA qu'en 2017.

Nous proposons donc de remettre, dès 2015, un dossier préliminaire comprenant les trois pièces essentielles de la demande : le projet de plan directeur d'exploitation, le dossier d'orientation de sûreté qui permettra à l'ASN de vérifier que nous sommes proches de la démonstration complète attendue, et un dossier d'options techniques de récupérabilité détaillant les moyens par lesquels l'Agence s'engage à assurer la possibilité de récupérer les colis de déchets pendant cent ans. Et ce n'est qu'en 2017, sur la base des avis et du résultat des études, que nous finaliserons la demande d'autorisation de création.

À plus long terme, un éventuel aménagement du calendrier dépendrait de conditions dont la maîtrise nous échappe : le vote d'une loi sur les conditions de réversibilité, sans lequel le stockage ne saurait être autorisé ; l'autorisation de création du centre ; mais aussi toutes les autorisations administratives nécessaires pour construire les routes, assurer l'alimentation en eau et en électricité, et apporter tous les aménagements adéquats.

Enfin, la quatrième évolution importante concerne l'implication de la société civile dans le projet. Sur ce point, je me permettrai de répondre aux propos du président de la CNDP.

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