Je parviens au même montant d'optimisation de la dépense que la Cour – je préfère, en effet, parler d'optimisation, plutôt que de rationalisation ou d'économies. Je ne conteste pas que la dépense de transport de patients souffre de certaines dérives, quoi qu'on soit loin des clichés véhiculés par certains médias. Le transport de patients manque d'une véritable organisation au sein de la chaîne de soins, alors qu'il en est un des maillons. Le pilotage de cette dépense manque de lisibilité du fait que le prescripteur n'est pas le financier, que l'utilisateur n'est pas le payeur, et que le payeur n'est parfois pas réceptif aux demandes. Aujourd'hui, en raison d'un défaut d'organisation des flux de transport, mais également de la gestion des lits hospitaliers, le taux d'utilisation de nos véhicules varie entre 45 % et 50 %, ce qui ne signifie pas pour autant que nos salariés ne soient pas occupés le reste du temps.
Avant 2008, l'assurance maladie compensait tout enchérissement de nos charges par des revalorisations tarifaires. Depuis cette date, la situation économique ne permettant plus une telle compensation, notre fédération collabore, avec la Fédération nationale des artisans ambulanciers et la Fédération nationale des ambulanciers privés, à l'élaboration de propositions d'optimisation dans le cadre d'un plan stratégique. Nous avons, nous aussi, dégagé des pistes qui devraient nous permettre, non seulement d'augmenter nos marges, mais surtout de porter le taux de remplissage de nos véhicules à 70 %, soit le taux d'utilisation moyen de tout outil industriel, afin de pouvoir baisser nos tarifs.
L'élaboration de ce plan nous a enseigné que nous n'y arriverions pas seuls. Ramenés à la dépense totale de l'assurance maladie, les 4 milliards d'euros du transport de patients ne représentent que 3 % à 3,5 %. Or, en tirant ce fil de la chaîne de soins, on obtient une vision de son organisation globale. C'est forts de ce constat que nous prétendons contribuer par nos réflexions à une meilleure organisation du système de soins. C'est aussi la raison pour laquelle l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) nous a accompagnés dans l'élaboration de ce plan stratégique.
Nous avons d'abord travaillé sur la régulation des flux hospitaliers en mettant en place, dans différents hôpitaux, des expérimentations en vue d'évaluer la gestion des transports hospitaliers. À cet égard, il faut savoir que 65 % des patients quittent l'hôpital par leurs propres moyens. Sur les 35 % qui utilisent les transports, 80 % sont transportés en ambulance et 20 % en transport assis.
Un gros point noir tient au défaut d'anticipation et d'organisation des sorties hospitalières, qui provoque une concentration des transports autour de quatorze heures et une congestion des urgences hospitalières. Toutefois, la régulation des flux de transport commence surtout par une meilleure gestion des lits hospitaliers. Aujourd'hui, les familles sont moins disponibles pour venir chercher le patient à l'hôpital. C'est la raison pour laquelle nous proposons que soient aménagés au sein des établissements des salons d'accueil, où le patient qui vient par ses propres moyens pourra attendre qu'un lit se libère, accomplir les premières formalités administratives et mieux connaître l'établissement. C'est là une première proposition de régulation des flux.
S'agissant du transport proprement dit, nous proposons de réduire le temps consacré par les transporteurs sanitaires aux formalités administratives, qui désorganise toute la filière, grâce au recours accru aux outils de dématérialisation. Une messagerie sécurisée permettrait de transmettre les données relatives au patient aux intervenants en soins de suite ou au médecin généraliste. S'il ne s'agit pas d'une source d'économie directe, c'est un moyen de contribuer à décongestionner les urgences, en tout cas de souligner la nécessité de réfléchir à une nouvelle organisation.
Nous préconisons, par ailleurs, un véritable effort de coordination des services, notamment en ce qui concerne les consultations. Nous avons constaté, pour ne donner que cet exemple, que certains patients dont l'état nécessitait trois dialyses hebdomadaires pouvaient effectuer quatre déplacements, voire cinq, par manque de coordination entre les différents services intervenant dans leur pathologie. Grâce à la mise en place d'une telle coordination, l'hôpital de Martigues a d'ores et déjà réussi à réduire de 3 % son budget « dialyse ».
Nous recommandons également que les rendez-vous de consultation tiennent compte de paramètres tels que le lieu d'habitation du patient. Cela aurait l'avantage, non seulement d'améliorer la qualité du service, mais également de réduire significativement son coût. Par exemple, en évitant de convoquer à Paris, aux heures de pointe, une personne qui habite en banlieue, on lui épargne une fatigue excessive et une tarification majorée de 75 %. Il suffirait d'installer un programme d'aide à la consultation.
Si nous proposons ces pistes d'optimisation, c'est que, pour toutes les raisons que vous avez évoquées – vieillissement de la population, développement des maladies chroniques, restructuration des plateaux techniques – les dépenses de transport de patients sont appelées à connaître une croissance située entre 2 % et 6 %.
Dans le même esprit, nous avons mis en place des expérimentations de covoiturage. Cette modalité de transport, que nous préconisons depuis des années, représente aujourd'hui 13 % du montant de la dépense de transport de patients et est utilisée par 30 % des patients. Le covoiturage a été organisé pour assurer notamment le transport de patients nécessitant des traitements par hémodialyse, une rééducation fonctionnelle, une chimiothérapie et radiothérapie, soit les postes de dépense les plus importants dans le domaine du transport assis. Nous avons estimé que ce mode de transport, outre qu'il a un impact positif sur l'environnement, permettrait à l'assurance maladie d'économiser 150 millions d'euros par an. En effet, le transport de trois patients dans le même VSL permet une réduction tarifaire de 45 % et celui de deux patients se traduit par un abattement de 25 %.