Intervention de Jean-Claude Bonichot

Réunion du 14 mai 2014 à 16h45
Commission des affaires européennes

Jean-Claude Bonichot, juge à la Cour de justice de l' Union européenne :

Le processus d'adhésion suppose que la CEDH ait le dernier mot, c'est tout à fait évident. Bien entendu, nul n'aime être contrôlé ; mais il n'est pas moins évident que le traité s'impose à nous : notre seule préoccupation, comme d'ailleurs celle de nos collègues de Strasbourg, est d'aider les négociateurs à prendre en compte et régler les problèmes techniques que pose cette adhésion.

En matière de droit pénal, monsieur Pueyo, le législateur communautaire a élaboré de nombreux instruments. Le principal d'entre eux est le mandat d'arrêt européen, institué par la décision cadre de 2002. C'est là une grande avancée pour l'espace de sécurité, de liberté et de justice. Beaucoup de nos dossiers se rapportent d'ailleurs à cette question, comme à celle du statut des parties victimes dans un procès ; à n'en pas douter, nous serons également saisis de nombreuses affaires ayant trait aux droits des personnes poursuivies, une fois entrés en vigueur les textes concernés : autant de questions qui, c'est vrai, touchent au domaine régalien des États, qui par ailleurs en ont chacun une conception fort différente.

Les deux arrêts de février 2013, l'arrêt Melloni et l'arrêt Akerberg Fransson, disent en substance la chose suivante : lorsqu'une décision relevant du champ du droit communautaire est contestée devant une juridiction nationale, celle-ci peut, en l'absence de solution déterminée dans le droit de l'Union, s'abstenir d'appliquer la Charte des droits fondamentaux et juger l'affaire par rapport aux standards nationaux, à condition qu'ils ne soient pas moins protecteurs que la charte. En l'espèce, une règle jurisprudentielle édictée par le Tribunal constitutionnel espagnol voulait qu'une personne condamnée par défaut ne puisse être remise à un autre État en l'absence de garantie qu'elle pourrait y être rejugée. Or la décision cadre à l'origine du mandat d'arrêt européen, telle qu'elle a été modifiée, précise toutes les règles applicables aux condamnations par défaut, en particulier le fait que l'intéressé doit être remis aux autorités du pays d'origine s'il a été informé des poursuites dont il fait l'objet et représenté dans le procès tenu en son absence : conditions réunies dans le cas d'espèce. Le Tribunal constitutionnel espagnol, à qui la Cour de justice a fait valoir que la règle du droit communautaire, avalisée par les États, s'imposait à lui, a donc autorisé la remise de l'intéressé.

Il y a un peu plus d'un an, le Conseil constitutionnel français a saisi la Cour pour la première fois – après avoir été lui-même saisi par la Cour de cassation via une question prioritaire de constitutionnalité – sur l'affaire d'un jeune professeur anglais qui, ayant fugué avec une élève, était réclamé par le Royaume-Uni. Sur la base de la réponse de la Cour, le juge constitutionnel a conclu que le droit au recours effectif impliquait, dans le cas du mandat d'arrêt européen, la possibilité de porter l'affaire en cassation.

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