C’est une bien curieuse proposition de loi sur la modulation des contributions des entreprises dont nous débattons aujourd’hui, à l’initiative du groupe GDR. Curieuse non pas sur le fond, eu égard aux positions parfois un peu dogmatiques que nous avons l’habitude de voir chez nos collègues du groupe GDR, mais curieuse car l’examen d’un tel texte dans le contexte économique actuel apparaît décalé par rapport à l’urgence de la situation et aux mesures qu’il convient de prendre pour redresser nos comptes publics.
La proposition de loi permet d’engager une réflexion intéressante. Le débat qui a eu lieu en commission des finances était d’ailleurs de qualité. Mais les auteurs se trompent de réponses. Ce dont nous parlons aujourd’hui est une attaque en règle contre les entreprises et la traduction législative d’une méfiance à l’égard des acteurs économiques.
Alors qu’il conviendrait, au contraire, d’envoyer des signaux positifs d’encouragement à la reprise et de dynamiser notre compétitivité afin de créer de l’emploi, la présente proposition de loi envoie un message très clair de défiance.
Premièrement, et c’est le coeur du texte, il nous est proposé de réformer l’impôt sur les sociétés en mettant en oeuvre quatre taux d’imposition en fonction de la taille des entreprises et en modulant les taux en fonction de l’utilisation que les entreprises font de leurs bénéfices, selon que ceux-ci vont à l’investissement et à l’emploi ou sont, au contraire, distribués aux actionnaires.
Le texte propose ainsi un taux majoré de l’impôt sur les sociétés pour « les entreprises qui obéissent à la logique de court terme des marchés au détriment de l’intérêt général », pour reprendre les termes de l’exposé des motifs.
On peut discuter de l’idée de moduler le taux de l’IS, qui n’est pas mauvaise en soi, mais cette modulation ne peut se faire en fonction du chiffre d’affaires. On pourrait envisager d’autres critères, comme le taux de marge. Ce serait du moins une piste à explorer. En l’état, la proposition n’est pas acceptable, car elle impose une logique de punition quand il faut, au contraire, encourager l’activité.
La réforme de l’impôt sur les sociétés proposée va complètement à l’encontre des besoins des entreprises qui dénoncent constamment l’instabilité fiscale. Je l’entends dans ma circonscription de la Mayenne, tout comme vous devez l’entendre également, mes chers collègues, dans vos territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains. Une telle réforme devrait, pour le moins, s’inscrire dans une réforme globale de la fiscalité des entreprises afin de permettre à nos TPE, à nos PME et également aux grands groupes de se développer, de conquérir des marchés et de créer de l’emploi. En dépit des annonces faites par Jean-Marc Ayrault, l’année dernière, force est de constater que le Président de la République et ce nouveau gouvernement ont reculé sur le sujet.
Les auteurs de cette proposition de loi ne sont certes pas responsables de cette reculade, mais il aurait été intéressant d’évoquer ce sujet dans le cadre des Assises de la fiscalité des entreprises. En effet, lors de la campagne présidentielle de 2012, le candidat Hollande plaidait pour une plus grande lisibilité de l’impôt sur les sociétés et avait même inscrit dans ses engagements la différenciation du taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille des entreprises et la création de trois taux : 35, 30 et 15 %. Or, dans le cadre du pacte de responsabilité, vous rappelez, monsieur le rapporteur, qu’il est prévu que « le taux normal passera de 33,3 % actuellement à 28 % en 2020 avec une première étape dès 2017 ». Cela laisse entendre que l’engagement du candidat a été enterré par le Président de la République, un de plus, me direz-vous légitimement.
Deuxièmement, le texte propose des mesures dites de « financement dynamique de la protection sociale ». Mes chers collègues, ces mesures sont irréalistes ! Vous ne considérez aucunement le contexte de crise que connaissent les entreprises françaises depuis 2008. L’orateur du groupe socialiste vient, à son tour, de le nier. Si, pendant dix ans, la droite n’a pas contribué au redressement, c’est bien parce qu’elle a dû faire face à une crise…