Intervention de Dominique Lefebvre

Séance en hémicycle du 22 mai 2014 à 15h00
Modulation des contributions des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre :

Monsieur le rapporteur, vous avez conclu nos travaux en commission en vous félicitant que votre proposition de loi ait permis d’ouvrir un débat et en souhaitant qu’il se prolonge à l’avenir : de fait, nous aurons l’occasion de revenir sur ces sujets lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative.

Vous avez demandé à vos amis du groupe SRC que ce débat puisse avoir lieu article par article dans l’hémicycle, et c’est bien volontiers que nous y avons répondu, ce qui est conforme, il faut le rappeler, à la tradition républicaine qui prévaut dans cette maison. Lorsque nous étions dans l’opposition, nous déposions également des propositions de loi et il est vrai que le débat a parfois été bloqué en raison de l’adoption d’une motion de rejet, ce qui était très regrettable.

Nous aurions pu nous-mêmes procéder de la sorte, pour des raisons de fond, parce que le débat a déjà eu lieu : en effet, depuis 18 mois, la plupart de ces articles ont fait l’objet de nombreux amendements, qui ont permis de nourrir la discussion, avant d’être rejetés.

Nous aurons d’ailleurs à nouveau ce débat, puisque l’essentiel des textes que nous aurons à examiner au début du mois de juillet porteront notamment sur les mesures d’allégement social et fiscal des entreprises.

Par ailleurs – tel est le fond du problème –, sur chacun de vos articles, mais aussi en ce qui concerne la logique d’ensemble de votre proposition de loi, nous avons une double divergence, bien que nous partagions des valeurs et des objectifs communs.

La première de ces divergences concerne le diagnostic sur la situation de l’économie et de nos entreprises.

La seconde porte sur la manière de percevoir les choses : je vous le dis, mes chers collègues, je ne crois pas que l’on puisse résumer les mesures fiscales et sociales que nous adoptons en direction des entreprises, notamment celles qui instituent des allégements, en les qualifiant, au moyen d’un raccourci saisissant – que j’ai encore entendu à cette tribune tout à l’heure – de cadeaux aux patrons ou aux actionnaires.

La réalité vécue par de très nombreuses entreprises, à commencer par les PME et les ETI, n’est absolument pas celle-là. Dans notre pays, un grand nombre de chefs d’entreprise comme d’actionnaires sont extrêmement investis, et l’on ne peut pas qualifier de la sorte, par ce type de raccourci, les mesures que l’on adopte ou que l’on pense devoir adopter pour améliorer la compétitivité coût de ces entreprises, qui n’est d’ailleurs qu’un élément du débat.

Je souhaite donc que l’on aille plus loin dans cette direction. Cela rejoint la vraie question qui nous est posée, à savoir l’efficacité de nos mesures.

Je me souviens que, lors de notre discussion en commission, vous avez, à plusieurs reprises, défendu certains des articles en expliquant qu’ils permettraient d’améliorer l’emploi public. Or, je pense qu’aujourd’hui, dans ce pays – on l’a d’ailleurs montré dans le cadre du groupe de travail sur la fiscalité des ménages – la première des inégalités – je dis bien : la première, qui est source des inégalités de revenus –, c’est celle qui résulte du chômage. On a beau avoir un système de redistribution sociofiscal extrêmement puissant, on n’arrive pas à résoudre ce problème : la France demeure un pays plus inégalitaire que d’autres.

La vraie question qui se pose aujourd’hui réside dans les moyens qui permettront, demain, de créer des emplois. Elle doit être définitivement tranchée. Dans tous les groupes politiques, y compris dans celui auquel j’appartiens, j’entends des contestations de l’existence d’un problème de coût du travail. Si l’on n’arrive pas à comprendre qu’il existe un tel problème, notamment au niveau du SMIC, pour l’emploi non qualifié ou peu qualifié, compte tenu du positionnement actuel de l’industrie française, on est condamné à faire fausse route.

Au sein du groupe de travail sur la fiscalité des ménages, les organisations syndicales, qui refusaient par exemple la mesure d’allégement des cotisations salariales, que nous discuterons lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, proposaient d’augmenter le SMIC de 20 %. Si tout le monde pensait aujourd’hui, dans cet hémicycle, que le fait d’augmenter de 20 % le SMIC brut permettrait de créer de l’emploi et non d’en détruire – cette dernière conséquence étant probable – nous le ferions, mais ce n’est évidemment pas le cas.

Aujourd’hui, même si l’on sait que l’on ne peut le résoudre n’importe comment, et qu’il existe des effets de bord, il faut admettre que l’on a un vrai problème de coût de travail. Ce n’est pas le seul problème, mais il ne faut pas le nier.

De ce fait, et parce que l’on a une fiscalité relativement spécifique en France – comme l’a montré le groupe de travail conduit dans le cadre des assises de la fiscalité des entreprises –, il est nécessaire de suivre la voie de l’allègement du coût du travail, même si la question de l’efficacité de ces allègements et de leur conditionnalité doit être débattue.

La situation actuelle de l’économie française, le besoin de redonner confiance et d’avoir de la clarté et de la stabilité nous interdit – car tel est, au fond, l’objet de votre proposition de loi – de revenir sur les mesures qui ont été adoptées depuis dix-huit mois dans cet hémicycle, comme de nous abstenir de mettre en oeuvre le pacte de responsabilité et de solidarité, dont nous aurons l’occasion de débattre dans quelques semaines.

Voilà pourquoi le groupe SRC a déposé, sur chacun de vos articles, un amendement de suppression et qu’il votera l’ensemble d’entre eux.

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