Intervention de Denis Morin

Réunion du 21 mai 2014 à 9h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Denis Morin, directeur du budget :

Je limiterai mon propos à deux sujets, la sincérité des prévisions de recettes fiscales et leur transparence, sur lesquelles la Cour des comptes insiste, à juste titre, dans son référé.

L'exercice de prévision, qui fait intervenir plusieurs directions du ministère des Finances, est à la fois complexe et décisif. Complexe, car il prend en compte de multiples facteurs macroéconomiques et nécessite une analyse de l'évolution des assiettes fiscales ainsi qu'un chiffrage des mesures nouvelles que l'instabilité de la règle fiscale ne facilite pas. La décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 2002 souligne les aléas inhérents à l'évaluation des recettes fiscales et les incertitudes liées à l'évolution de l'économie.

Cet exercice est également décisif, car il est indispensable à la bonne gouvernance des finances publiques et à la sincérité des lois de finances.

Il donne lieu à une coordination étroite et ancienne entre les différentes directions du ministère des Finances sous le contrôle et l'autorité du ministre et de son cabinet, dont l'objectif est d'améliorer sans cesse les méthodes et la qualité des prévisions.

Le référé relève l'absence de biais systématique observable au cours des dix dernières années alors qu'on pourrait s'attendre à voir souffler un vent d'optimisme. Sur un cycle économique, les prévisions sont justes et de bonne qualité. En revanche, la Cour des comptes met en évidence plusieurs difficultés. La principale difficulté tient à la capacité collective à anticiper les inflexions de l'activité économique, notamment les retournements conjoncturels, à la hausse ou à la baisse. Les observations de la Cour montrent néanmoins que les années pour lesquelles les écarts entre prévisions et recettes sont les plus significatifs correspondent aux années de retournement économique majeur – 2003, 2008, 2009, 2011 et 2013. Les écarts constatés coïncident avec les écarts entre l'estimation de la croissance et sa réalisation. Sur le temps plus long, on observe trois années de pertes ou de gains de recettes majeurs qui sont les années de ralentissement – 1993 et 2009, 45 milliards d'euros de pertes de recettes cette année-là – ou d'accélération de la croissance – 1999. L'année 2013 s'inscrit dans cette logique puisque, de notre point de vue, le contexte macroéconomique explique l'essentiel de l'écart de 15 milliards d'euros enregistré.

Ces écarts ne sont cependant pas de nature à remettre en cause la sincérité des lois de finances, comme le Conseil constitutionnel l'a confirmé à de multiples reprises, dès lors, d'une part, que les prévisions sont révisées au cours de l'année au gré des informations disponibles et, d'autre part, que leur ampleur reste raisonnable ; selon la jurisprudence constitutionnelle, ils ne doivent pas être de nature à fausser les grandes lignes de l'équilibre général.

En 2013, les prévisions ont ainsi été ajustées à plusieurs reprises, notamment à l'occasion des grands rendez-vous avec la représentation nationale. La question de la sincérité des prévisions ne se pose donc pas.

Quant à la transparence des prévisions, celle-ci doit être constamment améliorée. Les documents budgétaires, qui représentent aujourd'hui près de 25 000 pages par an, sont revus et enrichis chaque année afin d'améliorer la qualité de l'information publique. Le tome I des « Voies et moyens » fait apparaître l'exécution pour 2012 et ses déterminants, une analyse de la prévision révisée pour 2013 ainsi que la prévision pour 2014. De même, le rapport économique, social et financier présente l'exécution ainsi que les prévisions de recettes et leurs fondements macroéconomiques.

En outre, les services de la direction du budget échangent régulièrement avec la commission des Finances. Il est souhaitable que cette pratique perdure et se développe en toute transparence afin que la représentation nationale ait accès à toutes les informations qu'elle sollicite. L'administration se tient à la disposition de la Commission.

Parallèlement, nous entretenons un dialogue avec la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. La mise en place du Haut Conseil garantit d'ailleurs davantage de sincérité puisque celui-ci doit approuver le scénario macroéconomique associé à chaque loi de finances. Il a aussi récemment émis un avis sur les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles repose le programme de stabilité.

Nous poursuivons trois objectifs en matière de prévision : la qualité, la sincérité et la transparence. À cette fin, les services du ministère sont particulièrement vigilants au suivi infra-annuel des recouvrements et à l'analyse des écarts entre prévisions et recouvrement mensuel. Les améliorations que nous cherchons constamment à apporter impliquent de diversifier les méthodes et de les adapter. Nous essayons depuis longtemps de mieux anticiper les retournements de la conjoncture, sans être parvenus à ce jour à apporter une réponse à cette difficulté à laquelle les entreprises elles-mêmes sont confrontées. Le développement de la capacité d'anticipation est une tâche complexe dans un univers économique volatile.

En matière de transparence, trois rendez-vous au moins sont dorénavant fixés avec le Parlement : le programme de stabilité, le projet de loi de finances et le projet de loi de règlement. Si le Gouvernement en éprouve le besoin, notamment si les conditions initiales de l'équilibre sont bouleversées, il lui est toujours possible de présenter des lois de finances rectificatives.

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