Vous distinguez les prévisions à législation constante – l'évolution spontanée – et les mesures nouvelles. Mais vous évaluez les mesures nouvelles à comportement constant, ce qui ne manque pas d'interroger les parlementaires.
Je citerai l'exemple de la fiscalité sur les plus-values immobilières. En 2011, lorsque la durée de détention requise pour bénéficier de l'exonération totale a été portée de quinze à trente ans de détention, les députés ont fait valoir que les recettes espérées ne seraient pas au rendez-vous car cette mesure entraînerait une modification des comportements, les propriétaires choisissant de différer leur vente. À l'inverse, en 2003, lorsque cette durée a été ramenée de vingt-deux à quinze ans, le ministre avait avancé l'argument contraire en assurant que les recettes augmenteraient sous l'effet d'une hausse du nombre des mutations, encouragées par la rapidité de l'exonération. Comment justifiez-vous votre raisonnement à comportement constant ?
L'écart entre les prévisions et la réalisation est plus important en matière de recettes qu'en matière de croissance, vous l'avez confirmé. L'exercice « post mortem » sur la cagnotte de 1999 a fait apparaître une élasticité dans un facteur quatre pour l'impôt sur les sociétés. Tous les pays sont confrontés à la même difficulté. Mais je note que certains pays – le Canada, la Suède, l'Allemagne – fondent leurs prévisions sur une hypothèse basse d'élasticité afin de résoudre le problème.
La Cour des comptes souligne la difficulté d'articuler prévision de recettes et dépenses fiscales, ce que confirment les chiffres pour le crédit d'impôt développement durable de l'article 200 quater. Le ministre nous avait indiqué que ce dispositif coûterait entre 800 millions et 1 milliard d'euros. Deux ans après, le coût s'élève à 2,6 milliards. Comment peut-on réussir à articuler prévision de recettes et dépenses fiscales ?
La question de l'écart entre prévision et réalisation devient essentielle, vous avez dit, à juste titre, systémique. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et la loi organique sur la programmation et la gouvernance des finances publiques de décembre 2012, font obligation de rectifier les écarts. Dès lors que le solde structurel est supérieur à 0,5 point sur une année et à 0,25 point sur deux années consécutives, une correction doit être apportée. Or, nous savons que les écarts proviennent principalement des recettes. Il convient donc d'être plus prudent et plus précis dans la prévision.
Enfin, s'agissant de l'impôt sur le revenu, j'avoue que je ne comprends pas ce qui s'est passé. En septembre 2013, on annonce une moins-value de 3 ou 4 milliards d'euros, qui a été réévaluée d'un milliard supplémentaire dans le collectif puis de 500 millions d'euros en février dernier. Vous avez qualifié cet écart de « non standard » : c'est même du jamais vu ! Il me semble qu'on pourrait avancer une autre explication : 2013 est la première année pour laquelle une partie des revenus du capital est soumise au barème de l'impôt sur le revenu. Ce changement de dispositif n'a-t-il pas occasionné une erreur technique ?