J'ai six questions à vous poser.
Premièrement, la Cour des comptes regrette de ne pas avoir eu de réponse à la question qu'elle posait à vos services pour savoir comment ils estimaient la qualité de leur travail par rapport aux autres pays. Dans la mesure où vous participez, au sein de la Commission européenne, à l'OGWG – Output Gap Working Group –, groupe dont un des objectifs est d'unifier le concept de dépense nouvelle et, plus généralement, les méthodes d'évaluation, vous devez pourtant avoir des idées sur le sujet. Par rapport à nos voisins, estimez-vous que nous sommes meilleurs, moyens ou moins bons ?
Deuxièmement, on sait que le cabinet du ministre, lors de deux réunions consacrées aux prévisions à la fin de février et à la fin de juillet, arbitre les prévisions, voire modifie les chiffres. La Cour des comptes regrette de ne pas avoir pu obtenir les dossiers constitués par la direction du budget en vue de ces réunions. Soit dit en passant, pour avoir travaillé à cette direction, je sais que le cabinet retient en général des évaluations un peu supérieures à celles des services, mais pas toujours : on a connu aussi des périodes fastes où, lorsque les prévisions faisaient ressortir des plus-values fiscales importantes, le cabinet s'employait à dissimuler ces perspectives de peur que les parlementaires ne veuillent dépenser plus. L'idée était de ne les révéler qu'au moment du collectif de fin d'année, en se réjouissant de cette « bonne surprise ». Toujours est-il que je ne trouve pas correct de ne pas fournir à la Cour des comptes des dossiers que notre président ou notre rapporteure générale pourraient obtenir en se rendant à la direction du budget !
Troisièmement, les réponses des ministres quant à la définition de la notion de mesures nouvelles dans un cadre harmonisé au niveau européen sont peu claires. Quels progrès restent-ils à accomplir en la matière ?
Quatrièmement, la Cour constate que « les directions du ministère des finances autres que la DLF ne font pas de prévisions des dépenses fiscales à législation constante et ne reprennent pas pour autant celles de la DLF », à une ou deux exceptions près dont celle, notable, de la prime pour l'emploi. On ne peut continuer ainsi ! Mettrez-vous en cohérence, dans le prochain projet de loi de finances, l'évaluation de la dépense fiscale et l'évaluation de l'impôt sur lequel cette dépense est fondée ?
Cinquièmement, les deux ministres « se réjouissent » – le contraire eût été étonnant – « que la Cour recommande d'estimer les mesures nouvelles sans effet de comportement ». Soit ! Mais nous aimerions tout de même que soit indiqué un degré d'incertitude selon les prévisions. Pour certaines mesures, les estimations sont assez bonnes. Pour d'autres – le bonus-malus, par exemple, qui devait être neutre du point de vue des finances publiques –, elles se révèlent fragiles face aux dérapages constatés. Un commentaire sur la qualité de la prévision serait donc opportun : après tout, en sciences, on assortit bien les mesures d'un taux d'incertitude !
Sixièmement, je m'étonne que la Cour ne pose pas plus de questions sur la masse énorme et enchevêtrée des dégrèvements et remboursements. Elle suggère cependant, à la page 32 de son relevé d'observations définitives, de retirer la prime pour l'emploi et le crédit d'impôt recherche, qui font l'objet d'une prévision spécifique, de la deuxième action du programme 200, et d'y laisser seulement les véritables remboursements d'impôts. C'est une demande ancienne de sa part. Afin d'améliorer la clarté des documents budgétaires, nous avions d'ailleurs réclamé l'annulation de ce dispositif par le Conseil constitutionnel. Celui-ci ne nous a malheureusement pas suivis.