Intervention de Sandrine Duchêne

Réunion du 21 mai 2014 à 9h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Sandrine Duchêne, directrice générale adjointe du Trésor :

Nous avons beaucoup débattu avec la Cour des comptes de la question de l'intégration des effets de comportement dans les prévisions, et nous avons réussi à la convaincre !

En général, les mesures que l'on prend en matière fiscale sont précisément destinées à avoir des effets sur les comportements des agents économiques privés et publics. La question est donc légitime. Pour des raisons qui sont à la fois de commodité et de principe, nous préférons traiter des changements de comportement dans notre analyse macroéconomique et non dans le chiffrage des mesures nouvelles. Comme cela a été dit, nous effectuons ce chiffrage de manière statique, en nous référant aux comportements d'une année donnée et en calculant ce qui se serait passé si l'on avait changé la mesure. Si nous nous lancions dans l'aventure consistant à prévoir des changements de comportement pour chaque mesure nouvelle, nous nous heurterions à différentes difficultés méthodologiques.

En premier lieu, le modèle de comportement n'est pas unique : la prévision des conséquences d'une mesure variera en fonction de la pondération que l'on fera de ses différents effets.

De même, le « contrefractuel » – c'est-à-dire ce qui se passerait si la mesure n'était pas prise – n'est pas unique.

En d'autres termes, les effets ne sont pas unidimensionnels. Une mesure de hausse de la TVA aura bien entendu un impact sur les recettes, mais aussi sur les prix, sur la croissance, etc. Quelle variable privilégier ? Il peut arriver en outre que les comportements se modifient au fil des ans. Nous préférons pour notre part une approche macroéconomique et proposons, pour des raisons de lisibilité, un chiffrage statique des mesures nouvelles. Un tel chiffrage a le mérite d'être clair, même si, comme vous l'avez rappelé, il peut arriver qu'il devienne compliqué et contestable – les données évoluent dans le temps et il convient de veiller à réviser régulièrement les calculs.

Nous privilégions également la macroéconomie pour éviter les doubles comptes qui pourraient résulter de l'intégration des comportements à la fois dans l'estimation de la mesure nouvelle et dans l'analyse macroéconomique. Bref, nous préférons en rester à cette convention certes un peu simpliste et mécanique, mais qui nous permet au moins de séparer les effets.

Dans le cas de la taxe comportementale par excellence, celle sur les tabacs, nous faisons le chiffrage statique de la mesure nouvelle et nous portons « à la main » un effet spécifique sur les comportements de consommation, de manière à bien inscrire l'effet de la hausse du prix des tabacs dans la consommation des ménages.

Le bonus-malus est également chiffré de façon statique. Si nous constatons par la suite une baisse des immatriculations automobiles – par un effet de contrecoup que l'on a souvent observé ces dernières années –, nous sommes au moins certains que cette évolution est enregistrée au titre de l'analyse macroéconomique.

La préférence du ministère des Finances pour les chiffrages statiques tient aussi à la gouvernance des finances publiques. Si nous nous mettons à incorporer des éléments de comportement dans le chiffrage des mesures nouvelles, nous verrons arriver, en provenance d'autres ministères, des éléments de chiffrage prouvant que telle mesure aura des effets miraculeux sur la croissance. Les mesures « autofinancées », voire « surfinancées », se multiplieront. Nous préférons établir le dialogue avec les ministères en nous en tenant à notre raisonnement statique !

Il me semble aussi que la qualité des chiffrages s'améliore sous l'effet d'efforts continus. Je voudrais citer le travail considérable mené sous la houlette de l'inspection générale des finances en 2011, qui a passé au crible un très grand nombre de dépenses fiscales sous l'angle non seulement du chiffrage, mais aussi de l'efficience des dispositifs. Bref, la connaissance progresse.

Une question spécifique de la prévision est le « vieillissement » des dépenses fiscales. Nous avons eu un débat à ce sujet avec la Cour des comptes. Certaines conventions consistaient à reprendre en prévision le chiffrage de l'année précédente, ce qui n'est pas satisfaisant car les dépenses fiscales peuvent avoir une dynamique propre qui ne correspond pas forcément à celle du PIB ni même, parfois, à la dynamique de l'impôt lui-même – vous avez très justement cité l'exemple du crédit d'impôt développement durable, monsieur le président, qui a été une source de divergence des prévisions.

À cet égard, un changement de compatibilité nationale entrant en vigueur en ce mois de mai nous conduit à séparer les dépenses fiscales des recettes proprement dites, c'est-à-dire à inscrire en dépenses un certain nombre de crédits d'impôt.

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