La direction du budget, madame Delga, assure déjà la coordination et la mise en forme des procédures de prévision des recettes afin de préparer le projet de loi de finances.
Concernant la méthode, plusieurs intervenants ont souligné la nécessité de se comparer à d'autres pays. Je précise que nous participons à deux groupes de travail, le « groupe n° 2 » sur la fiscalité au sein de l'OCDE, auquel participent la direction de la législation fiscale et la direction générale du Trésor, et le groupe de travail de la Commission européenne évoqué par M. de Courson. Nous comparons donc constamment nos méthodes à celles des pays de l'OCDE et de l'Union européenne, afin de nous assurer qu'elles sont aussi pertinentes que possible.
Comme l'a dit M. Cherki, elles sont en définitive robustes. Le référé de la Cour constate, et c'est essentiel, qu'il n'y a pas de biais optimiste ou pessimiste à moyen terme. Il me semble que ce constat fait perdre de sa pertinence à la question de savoir s'il faut retenir plutôt une hypothèse basse ou plutôt une hypothèse moyenne, ce qui serait du reste difficile à formaliser dans nos exercices de prévision. En revanche, il met en exergue le caractère déterminant des hypothèses macroéconomiques dans les erreurs qui peuvent survenir.
Je veux souligner aussi la coordination interdirectionnelle forte qui existe au sein du ministère des Finances sur ces procédures. Je ne suis pas certain que la RGPP ait en quoi que ce soit réduit les capacités d'expertise des directions. Il n'y a d'ailleurs pas eu, dans le cadre de la RGPP, de réductions de moyens affectant les services chargés des prévisions de recettes. C'est important car une certaine stabilité des équipes et de leur capacité à accumuler du savoir-faire est déterminante pour la qualité des prévisions. Il n'y a pas que les modèles : la bonne connaissance de chaque impôt et des recouvrements permet aussi de consolider de manière empirique telle ou telle hypothèse.
Quant à l'arbitrage du cabinet, monsieur de Courson, je me rappelle que les services s'efforcent le plus souvent, dans la discussion technique préalable audit arbitrage, de dégager la prévision de référence qui sera proposée au cabinet. Chaque direction a ses méthodes. Certaines sont plutôt macroéconomiques et macrofinancières, certaines, plus spécifiques aux directions chargées du recouvrement de l'impôt, sont fondées sur l'analyse d'échantillons de contribuable – une approche plus « micro », donc –, et la confrontation de ces deux approches permet aux services de converger, pour la plupart des impôts, sur un chiffre qui sera proposé au cabinet. Il n'y a donc pas de « marge » ou de « surprise » particulières à attendre à l'issue de ce processus. Il arrive en revanche que des réflexions plus approfondies sur tel ou tel impôt se nouent lors de la réunion d'arbitrage, notamment lorsqu'il existe une divergence entre les services ou lorsque les méthodes retenues conduisent à des chiffres dissemblables. La discussion, menée par le conseiller technique ou par le directeur adjoint du cabinet selon les circonstances, vise à comprendre la nature des écarts et à essayer de retenir une prévision qui soit admise par l'ensemble des directions – lesquelles, bien entendu, établissent par la suite des profils mensuels et suivent les recouvrements de manière à identifier les écarts.
Pour autant, tout n'est pas parfait. Nos méthodes doivent bien entendu continuer à s'améliorer et des progrès sont à faire en matière de transparence. Nous avons dit à plusieurs reprises à la Cour de comptes que nous y sommes prêts. Dans les documents budgétaires du projet de loi de finances en préparation, nous veillerons à insérer systématiquement, dans des encarts particuliers, la référence aux méthodes de prévision. Une bonne prévision, je le répète, est la combinaison d'une bonne méthode de prévision et d'une bonne connaissance du sujet par le praticien de l'impôt. L'empirisme et le pragmatisme ont parfois leurs vertus.
En matière de gouvernance, monsieur Lefebvre, le Haut Conseil des finances publiques est un garde-fou utile et nécessaire. En effet, ce qui est déterminant pour la qualité de la prévision, c'est le choix du scénario macroéconomique le plus précis et fiable. Non pas la seule hypothèse de croissance du PIB, mais aussi la nature même de cette croissance. Selon que celle-ci sera mue par la demande interne, par les exportations, etc., le contenu des recettes fiscales ne sera évidemment pas le même. Nous avons donc besoin non seulement d'une hypothèse de croissance mais aussi de tous les sous-jacents. Tous ces éléments sont arbitrés par le cabinet, voire par le ministre, puis transmis aux services qui, à partir de ce scénario de référence, bâtissent leurs prévisions impôt par impôt.
Le sujet des dépenses fiscales et celui des remboursements et dégrèvements se recoupent assez largement. Pour avoir travaillé à Bercy il y a quelques années et pour y être revenu récemment après avoir suivi ces sujets lorsque j'étais à la Cour des comptes, je constate des progrès incontestables. Il faut bien entendu poursuivre et amplifier cet effort pour mieux cerner ce bloc de plus de 70 milliards d'euros de dépenses fiscales qui donnait lieu, par le passé, à des évaluations très aléatoires : beaucoup de dépenses étaient simplement mentionnées comme ayant un « coût epsilon », ou « non significatif », ou « non évalué ».
La présentation de la nature de ces dépenses, leur imputation sur les différents programmes et leur évaluation sont des progrès considérables qui ne sont pas seulement des effets de la loi organique relative aux lois de finances. Reste à mieux cerner la dérive tendancielle du coût. Ce travail, éclairé par des contributions récentes de la Cour, est devant nous. Reste aussi à tenir la règle qui a été fixée pour stabiliser globalement cette masse, ce qui, vous l'aurez noté, n'est pas complètement gagné !
En matière de remboursements et dégrèvements, je partage entièrement l'analyse de M. de Courson. On peut distinguer deux grandes catégories de remboursements et dégrèvements : ceux qui sont liés à la mécanique même de l'impôt, par exemple un dégrèvement de taxe d'habitation – c'est un point de débat avec la Cour : l'imputation sur le budget de l'État porte aussi sur les remboursements et dégrèvements de la fiscalité locale –, mais aussi ceux qui touchent de près à des politiques publiques, qui ne sont pas différents de toute autre dépense d'intervention et qui méritent sans doute d'être retracés différemment. Les améliorations apportées à la nomenclature des remboursements et dégrèvements contribuent à cet effort de clarification, mais nous sommes loin d'avoir épuisé le sujet. M. de Courson souligne à juste titre les interrogations que l'on peut nourrir au sujet de la prime pour l'emploi ou du crédit d'impôt recherche, qui sont très proches de dépenses d'intervention retracées en dépenses budgétaires dans les différents programmes.
C'est pourquoi, sur une demande du précédent cabinet confirmée par le cabinet actuel, nous avons mis en place avec la direction de la législation fiscale une procédure innovante, validée par les ministres de l'époque et par le ministre actuel : il s'agit, lorsqu'une politique publique utilise indistinctement le levier budgétaire et le levier fiscal, de procéder à un examen simultané des demandes des ministères par la direction du budget, par la direction de la législation fiscale et par la direction générale du Trésor. Cette unité du temps de l'examen contribuera, je pense, à l'effort de clarification et de maîtrise de ce bloc des dépenses fiscales, conformément au voeu émis par plusieurs d'entre vous.